Newsletter n°102 – Juin 2017
Libertés individuelles : incidence de l’absence de déclaration à la CNIL sur la recevabilité d’une preuve.
Pour justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle, un employeur versait aux débats des courriels du salarié. Les juges du fond ont écarté ces derniers, parce que la messagerie professionnelle n’avait pas été déclarée à la CNIL. La Cour de cassation a annulé cette décision. Elle considère en effet que « l’absence de déclaration simplifiée d’un système de messagerie électronique professionnelle non pourvu d’un contrôle individuel de l’activité des salariés, qui n’est dès lors pas susceptible de porter atteinte à la vie privée ou aux libertés […], ne rend pas illicite la production en justice des courriels adressés par l’employeur ou par le salarié dont l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés et conservés par le système informatique » (Cass. Soc., 1er juin 2017, n°15-23.522).
Licenciement économique : plan de départ volontaire prévu par un PSE et ordre des licenciements.
Après avoir sollicité, puis obtenu, la possibilité de quitter la société dans le cadre du plan de départ volontaire prévu par le plan de sauvegarde de l’emploi, une salariée a demandé à ce que son licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse. Elle reprochait notamment à son ancien employeur de ne pas avoir respecté l’ordre des licenciements. Déboutée par les juges du fond, la salariée a formé un pourvoi qui a été rejeté par la Cour de cassation. Cette dernière rappelle en effet que « sauf engagement de l’employeur de s’y soumettre, celui-ci n’est pas tenu de mettre en œuvre les dispositions légales ou conventionnelles relatives à l’ordre des licenciements lorsque la rupture du contrat de travail pour motif économique résulte d’un départ volontaire du salarié dans le cadre d’un plan de départ volontaire prévu après consultation des institutions représentatives du personnel » (Cass. Soc., 1er juin 2017, n°15-25.453).
Salarié protégé : conditions d’opposabilité d’un mandat extérieur au liquidateur judiciaire. <br /> <br />
Selon une jurisprudence désormais constante, le salarié titulaire d’un mandat extérieur ne peut bénéficier de la protection qui s’y rattache que s’il en a informé son employeur préalablement au licenciement. Pour la première fois, la Haute juridiction retient la même solution, lorsque le licenciement est prononcé par le liquidateur judiciaire. Elle précise en effet qu’ « il appartient au salarié qui se prévaut d’une protection en raison d’un mandat extérieur à l’entreprise d’établir qu’il a informé le liquidateur de l’existence de ce mandat au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement, ou, s’il s’agit d’une rupture ne nécessitant pas un entretien préalable, au plus tard avant la notification de l’acte de rupture, ou que le liquidateur en avait connaissance » (Cass. Soc. 1er juin 2017, n°16-12.221).
Inaptitude: précision concernant les offres de reclassement.
L’article L. 1226-10 alinéa 1er du Code du travail dispose que « lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ». En l’espèce, une cour d’appel avait condamné un employeur à payer au salarié une somme aux motifs que rien n’établissait qu’il eût proposé un poste de reclassement, ni que le salarié eût refusé une telle proposition, puisqu’il n’existait aucun écrit sur ce point. Les juges du fond considéraient également que la lettre de licenciement mentionnant l’existence d’une proposition de reclassement, même corroborée par le témoignage d’un délégué du personnel, ne suffisait pas à démontrer que le salarié en eût été destinataire. Or, pour la Cour de cassation, l’employeur n’est pas tenu de proposer les postes de reclassement par écrit, la loi ne prévoyant pas une telle obligation (Cass. Soc. 8 juin 2017, n°15-29.419).
Rupture du contrat de travail : conséquences du départ à la retraite dans le cadre d’un contexte conflictuel.
Après avoir adressé à son employeur une lettre de démission pour cause de départ en retraite, un salarié avait demandé la requalification de la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Or, selon la Cour de cassation, « le départ à la retraite du salarié est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ». « Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de son départ à la retraite, remet en cause celui-ci en raison de faits ou manquements imputables à l’employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de son départ qu’à la date à laquelle il a été décidé, celui-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d’un départ volontaire à la retraite » (Cass. Soc. 15 juin 2017, n°15-29.085).
Licenciement économique : conséquences d’un défaut de consultation des représentants du personnel.
L’article L. 1235-12 du Code du travail dispose qu’« en cas de non-respect par l’employeur des procédures de consultation des représentants du personnel ou d’information de l’autorité administrative, le juge accorde au salarié compris dans un licenciement collectif pour motif économique une indemnité à la charge de l’employeur calculée en fonction du préjudice subi ». En l’espèce, les juges du fond avaient condamné une société à payer aux salariés des dommages et intérêts sur le fondement de ce texte. La Haute juridiction a cassé l’arrêt de la cour d’appel, lui reprochant de ne pas avoir « [caractérisé] l’existence d’un préjudice subi par les salariés du fait de l’inobservation de la procédure de licenciement ». Par conséquent, l’absence de consultation des représentants du personnel ne cause plus nécessairement un préjudice au salarié (Cass. Soc. 14 juin 2017, n°16-16.001).
Licenciement: modalités de calcul de l’indemnité de licenciement en cas d’arrêt maladie.
La Cour de cassation énonce clairement, pour la première fois, que « le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des douze ou des trois derniers mois précédant l’arrêt de travail pour maladie » (Cass. Soc. 23 mai 2017, n°15-22.223).
Procédure: validité de la procédure accélérée en cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail.
La Cour de cassation a refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil Constitutionnel portant sur cette procédure particulière, considérant qu’il n’y avait aucune rupture d’égalité entre les parties, le salarié n’étant pas dans la même situation que la partie défenderesse (Cass. Soc. 1er juin 2017, n°17-40.031).