Newsletter n°106 – Octobre 2017
Hygiène et sécurité : possibilité pour un employeur de porter plainte contre un médecin.
L’article R. 4126-1 du Code de la santé publique dispose que « l’action disciplinaire contre un médecin, un chirurgien-dentiste ou une sage-femme ne peut être introduite devant la chambre disciplinaire de première instance que par l’une des personnes ou autorités suivantes : 1° Le conseil national ou le conseil départemental de l’ordre au tableau duquel le praticien poursuivi est inscrit à la date de la saisine de la juridiction, agissant de leur propre initiative ou à la suite de plaintes, formées notamment par les patients, les organismes locaux d’assurance maladie obligatoires, les médecins-conseils chefs ou responsables du service du contrôle médical placé auprès d’une caisse ou d’un organisme de sécurité sociale, les associations de défense des droits des patients, des usagers du système de santé ou des personnes en situation de précarité, qu’ils transmettent […] ». Plusieurs organisations et syndicats de médecins avaient demandé l’abrogation de l’adverbe « notamment » à cet article. Le Conseil d’Etat a rejeté ce recours au motif que si ce texte « permet ainsi à un employeur, lésé de manière suffisamment directe et certaine par un certificat ou une attestation, d’introduire une plainte disciplinaire à l’encontre du médecin qui en est l’auteur, l’adverbe « notamment », dont les requérants demandent l’abrogation, n’a ni pour objet ni pour effet d’imposer au médecin poursuivi de méconnaître le secret médical pour assurer sa défense ou de limiter son droit à se défendre » (CE, 11 octobre 2017, n°403.576).
Rupture du contrat de travail : conséquences d’un licenciement au cours d’une procédure de résiliation judiciaire.
La Cour de cassation admet le licenciement pour faute grave d’un salarié qui a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, dès lors qu’il a été licencié, non pour avoir saisi la juridiction, « mais pour avoir manifesté, depuis cette saisine, un désinvestissement complet de ses fonctions, allant jusqu’à cesser toute activité commerciale au cours du premier trimestre 2015, ainsi que pour non-respect des procédures internes, absence de suivi des formations internes obligatoires, et comportement inacceptable à l’égard de ses collègues et de sa hiérarchie » (Cass. Soc., 6 octobre 2017, n°16-11.682).
Libertés individuelles : vie privée et déplacement professionnel.
Un employeur contestait le caractère professionnel d’un accident du travail survenu à 3 heures du matin dans une boîte de nuit en Chine, où le salarié était en mission professionnelle. La Cour de cassation approuve les juges du fond de l’avoir débouté. Après avoir rappelé que « le salarié effectuant une mission a droit à la protection prévue par l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale pendant tout le temps de la mission qu’il accomplit pour son employeur, peu important que l’accident survienne à l’occasion d’un acte professionnel ou d’un acte de la vie courante, sauf la possibilité pour l’employeur ou la caisse de rapporter la preuve que le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel », la Haute juridiction relève que « si la présence [du salarié] dans une discothèque et l’action de danser dans celle-ci n’est pas un acte professionnel en tant que tel, vu sa profession, il n’en reste pas moins qu’il incombe à l’employeur de démontrer qu’il se trouvait dans cet établissement pour un motif personnel, la seule présence dans une discothèque ne pouvant suffire à démontrer qu’il n’existerait aucun lien entre celle-ci et l’activité professionnelle du salarié » (Cass. Civ. 2, 12 octobre 2017, n°16-22.481).
Temps de travail . : conditions de validité du forfait jours résultant d’un accord d’entreprise.
Selon la Haute juridiction, un accord d’entreprise qui se borne à disposer que chaque salarié au forfait jours « saisira son temps de travail hebdomadaire dans le système de gestion des temps […], qu’un état récapitulatif du temps travaillé par personne sera établi chaque mois pour le mois M-2 et remis à sa hiérarchie, qu’une présentation sera faite chaque année au comité de suivi de cet accord, que le repos entre deux journées de travail est au minimum de 11 heures consécutives, et que le salarié bénéficiera au minimum d’une journée de repos par semaine » n’est pas valable « faute de prévoir un suivi effectif et régulier par la hiérarchie des états récapitulatifs qui lui sont transmis, permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable ». Par conséquent, elle en déduit que « ces dispositions ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et n’assurent pas une bonne répartition, dans le temps, du travail des intéressés » (Cass. Soc., 5 octobre 2017, n°16-23.106 à 16-23.111).
Rupture du contrat de travail : licenciement économique et inaptitude.
Dès lors que l’impossibilité de reclassement du salarié inapte résulte de la cessation totale et définitive d’activité de l’entreprise, et que celle-ci n’appartient pas un groupe, le licenciement pour motif économique de ce salarié est possible (Cass. Soc., 4 octobre 2017, n°16-16.441).
Egalité de traitement : validité des différences de traitement entre établissements distincts appartenant à la même entreprise.
En droit français, il existe un principe d’égalité de traitement entre les salariés d’une même entreprise. La Cour de cassation vient d’émettre une réserve à ce principe en énonçant que « les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise mais à des établissements distincts, opérées par voie d’accords d’entreprise négociés et signés par les organisations syndicales représentatives au sein de l’entreprise, investies de la défense des droits et intérêts des salariés de l’ensemble de cette entreprise et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle » (Cass. Soc., 4 octobre 2017, n°16-17.517 et 16-17.518).
CHSCT: validation du délai de recours contre l’expertise.
Selon les requérants, les dispositions de l’article L. 4614-13 du Code du travail, en prévoyant un délai de quinze jours à compter de la délibération du CHSCT décidant l’expertise, sans lui imposer d’en fixer dans sa délibération le coût prévisionnel, l’étendue ou le délai, priveraient l’employeur de tout droit à un recours juridictionnel effectif. Le Conseil Constitutionnel a validé les dispositions contestées, notamment parce que l’article L. 4614-13-1 du code du travail permet à l’employeur de contester le coût final de l’expertise dans les quinze jours à compter de la date à laquelle il en a été informé. « Dès lors, à la supposer établie, l’impossibilité pour l’employeur de contester le coût prévisionnel de cette expertise ne constitue pas une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif » (CC, 13 octobre 2017, n°2017-662 QPC, JO du 15 octobre).