Newsletter n°107 – Novembre 2017
Libertés individuelles : conditions d’indemnisation de l’occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles.
Des visiteurs médicaux et délégués pharmaceutiques d’une entreprise pharmaceutique ont saisi le conseil de prud’hommes de demandes d’indemnisation au titre de l’occupation d’une partie de leur logement personnel à des fins professionnelles. L’employeur reprochait aux juges du fond d’avoir fait droit à ces demandes. Selon la Cour de cassation, « le salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu’un local professionnel n’est pas mis effectivement à sa disposition ». En l’espèce, elle a donc approuvé la décision de la cour d’appel qui avait constaté que « les personnels itinérants [devaient] notamment gérer des commandes, préparer leurs visites et en rendre compte, actualiser leurs informations, répondre à leurs courriels, accéder aux formations obligatoires dispensées à distance, alors même qu’ils ne [disposaient] pas de lieu au sein de l’entreprise pour accomplir ces tâches, et d’autre part, retenu, que si les intéressés [pouvaient] exécuter certaines tâches courantes grâce à une connexion en WIFI ou au moyen d’une clé 3G leur permettant de se connecter en tout lieu, l’employeur ne [pouvait] pour autant prétendre que l’exécution par les salariés de leurs tâches administratives à domicile ne [résultait] que de leur seul choix, compte tenu de la diversité de ces tâches et de la nécessité de pouvoir s’y consacrer sérieusement dans de bonnes conditions » (Cass. Soc. 8 novembre 2017, n°16-18.499).
Harcèlement sexuel et moral : recevabilité de la constitution de partie civile de l’employeur.
Un salarié, pénalement condamné pour des faits de harcèlement sexuel et moral à l’encontre de plusieurs autres salariées, reprochait notamment aux juges du fond d’avoir également retenu sa responsabilité dans le dommage subi par l’employeur. Pour la Cour de cassation, « le délit de harcèlement moral […] de même que les agissements fautifs de harcèlement sexuel […] ont directement causé à la société […] un dommage puisqu’il a outrepassé, pour les commettre, les pouvoirs hiérarchiques qui lui avaient été dévolus par son employeur dont il a, ce faisant, terni l’image auprès des autres salariés de la [société] ». Dans ces conditions, la constitution de partie civile de la société était recevable et c’est à bon droit que les juges du fond ont condamné le salarié à lui verser des dommages et intérêts (Cass. Crim., 14 novembre 2017, n°16-85.161).
Représentants du personnel : alignement des délais impartis au CE et au CHSCT pour rendre leurs avis.
Le comité d’entreprise et le CHSCT d’une entreprise ont reproché aux juges du fond d’avoir rejeté leur demande de prolonger les délais qui leur étaient impartis pour rendre leur avis sur un projet de cession. La Cour de cassation confirme l’irrecevabilité des demandes du CHSCT au motif que ce dernier avait saisi le juge des référés après l’expiration du délai de trois mois imparti au comité d’entreprise pour donner son avis (Cass. Soc., 15 novembre 2017, n°15-26.338).
Liberté de religion : validité des clauses de neutralité dans le règlement intérieur.
Tirant les conséquences de la réponse de la CJUE à une question préjudicielle portant sur la possibilité de licencier une salariée portant le voile islamique (CJUE, 15 mars 2017, n°C-188/15), la Cour de cassation dispose que « l’employeur, investi de la mission de faire respecter au sein de la communauté de travail l’ensemble des libertés et droits fondamentaux de chaque salarié, peut prévoir dans le règlement intérieur de l’entreprise […] une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients ». La Haute juridiction précise en outre qu’« en présence du refus d’une salariée de se conformer à une telle clause dans l’exercice de ses activités professionnelles auprès des clients de l’entreprise, il appartient à l’employeur de rechercher si, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l’entreprise et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire, il lui est possible de proposer à la salariée un poste de travail n’impliquant pas de contact visuel avec ces clients, plutôt que de procéder à son licenciement » (Cass. Soc. 22 novembre 2017, n°13-19.855).
Procédure: précision sur la compétence territoriale du défenseur syndical.
Un décret du 18 juillet 2016 prévoyait que les défenseurs syndicaux exerçaient leurs fonctions « dans le ressort des cours d’appel de la région ». Plusieurs organisations syndicales ont demandé l’annulation pour excès de pouvoir de ce texte « en tant qu’il limite territorialement le champ d’intervention des délégués syndicaux ». Le Conseil d’Etat a fait droit à cette demande. En effet, selon lui, « au regard de l’objectif poursuivi par le législateur et compte tenu, d’une part, de ce que les parties ont toujours pu, avant l’intervention des dispositions contestées, faire appel aux organisations syndicales, dans le cadre de leur libre organisation, pour la désignation d’un délégué, sans considération de son domicile ou de son lieu d’exercice professionnel, et, d’autre part, que les règles de la postulation prévues aux articles 5 et 5-1 de la loi du 31 décembre 1971 ne s’appliquant pas devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel statuant en matière prud’homale, elles peuvent être assistées et représentées par l’avocat de leur choix quelle que soit sa résidence professionnelle, le pouvoir réglementaire a commis une erreur manifeste d’appréciation en limitant le champ de compétence géographique des défenseurs syndicaux » (CE, 15 novembre 2017, n°403535).
Temps de travail : nouvelle précision sur l’accord relatif au forfait-jours.
Une convention de forfait en jours est nulle dès lors que ni la convention collective applicable, ni l’accord d’entreprise relatif au temps de travail ne permettent pas à l’employeur « de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable ». En effet, le seul fait de « prévoir qu’un suivi du temps de travail sera effectué pour tout collaborateur sur une base annuelle, que toutefois, autant se faire que peut, la direction cherchera à faire un point chaque trimestre et à attirer l’attention des collaborateurs dont le suivi présente un solde créditeur ou débiteur trop important afin qu’ils fassent en sorte de régulariser la situation au cours du trimestre suivant », n’est pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnable et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé (Cass. Soc. 8 novembre 2017, n° 15-22.758).
Formation: modalités de l’apprentissage à distance.
Un décret met en œuvre la possibilité, prévue par les dispositions de l’article L. 6211-2 du Code du travail, d’organiser tout ou partie à distance des enseignements pour les formations par apprentissage (D. n°2017-1548 du 8 novembre 2017, JO du 10 novembre).