Newsletter n°114 – Juin 2018
Médecine du travail : la responsabilité du médecin peut être engagée.
Dans cette affaire, un salarié avait été sanctionné pour avoir exercé son droit de retrait. Contestant la sanction, le salarié saisit le conseil de prud’hommes et produit un certificat établi par le médecin du travail d’un autre établissement, au sein duquel il avait été transféré, faisant état d’un « enchainement délétère de pratiques maltraitantes » de la part de l’employeur. Ce dernier a porté plainte contre le médecin du travail devant le Conseil de l’Ordre, lui reprochant d’avoir rédigé un certificat médical le lésant de manière suffisamment directe et certaine, sans avoir vérifié par lui-même les manquements dénoncés. Le Conseil d’Etat donne raison à l’employeur. Il juge ainsi que le Conseil de l’Ordre saisi peut infliger une sanction disciplinaire à un médecin du travail qui, pour établir un certificat médical prenant parti sur le lien entre l’état de santé du salarié et ses conditions de travail, s’est basé sur des faits qu’il n’a pas personnellement constatés. Il en résulte que le médecin du travail est tenu, comme tout médecin, au respect de ses obligations déontologiques. Si ce dernier commet un manquement, l’employeur est donc fondé à engager sa responsabilité disciplinaire en saisissant le Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins (CE, 6 juin 2018, n°405453).
Mise en place des IRP : conséquences de l’annulation d’un accord collectif.
En matière de mise en place des institutions représentatives du personnel, l’objectif de sécurité juridique l’emporte nécessairement sur l’effet rétroactif attaché en principe à la nullité des accords collectifs. Dans un arrêt du 6 juin 2018 destiné à être publié dans son rapport annuel, la Cour de cassation précise, pour la première fois, que « la nullité d’un accord relatif à la mise en place d’institutions représentatives du personnel n’a pas d’effet rétroactif ». Cette nullité ne vaut donc que pour l’avenir. Bien que rendue pour la mise en place d’un CHSCT, la solution peut être généralisée à l’ensemble des instances représentatives du personnel, comme le CSE (Cass. Soc., 6 juin 2018, n°17-21.068).
Rupture conventionnelle : précisions en cas de refus d’homologation.
Après une décision de refus d’homologation de la convention de rupture par la DIRECCTE, les parties peuvent décider d’en signer immédiatement une nouvelle en tenant compte des irrégularités soulignées par l’autorité administrative. Dans un arrêt du 13 juin 2018, la Haute juridiction précise le décompte des délais de rétractation et d’homologation, lorsqu’une nouvelle demande vient corriger une première demande d’homologation, qui a été rejetée par l’administration. Dans ce cas, la Cour de cassation considère que le salarié « [doit] bénéficier d’un nouveau délai de rétractation ». Si ce n’est pas le cas, la seconde convention est nulle (Cass. Soc., 13 juin 2018, n°16-24.830).
Salariés itinérants : qualification du temps de trajet entre le domicile et le client.
Un salarié itinérant bénéficiait, pour la rémunération de ses temps de déplacement, d’une contrepartie sous la forme d’un forfait rémunéré de 16 heures hebdomadaires. Il contestait ce forfait, arguant que le trajet domicile-client était du temps de travail effectif. La Cour de cassation conclut à la stricte application des dispositions du Code du travail, lesquelles excluent expressément la qualification de temps de travail effectif, notamment pour la rémunération de ces périodes. Elle précise en effet « qu’aux termes de l’article L. 3121-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas du temps de travail effectif » (Cass. Soc., 30 mai 2018, n° 16-20.634).
Epargne salariale: les salariés détachés dans une succursale à l’étranger ne peuvent être exclus du bénéfice de l’accord.
L’article L. 3342-1 du Code du travail dispose que « tous les salariés d’une entreprise compris dans le champ des accords d’intéressement et de participation ou des plans d’épargne salariale bénéficient de leurs dispositions ». Il en résulte que, dès lors que l’entreprise a conclu un accord de participation ou d’intéressement, les salariés doivent avoir la possibilité de bénéficier de la répartition des résultats de l’entreprise, sans que ne puisse leur être opposé leur absence et/ou le fait qu’ils n’exécutent pas leur activité en France, ou encore qu’ils n’y sont pas rémunérés. La Cour de cassation précise ainsi que la clause d’un accord de participation ou d’intéressement excluant certains salariés détachés dans une succursale à l’étranger est réputée non-écrite (Cass. Soc., 6 juin 2018, n°17-14.372).
Responsabilité de la société mère dont la faute conduit à la déconfiture de la filiale : compétence du TGI.
Cet arrêt vient compléter une série d’arrêts récents permettant aux salariés licenciés pour motif économique de rechercher la responsabilité extracontractuelle de la société mère. Contrairement à celle qui vise à prouver un co-emploi, cette action n’a pas pour objet de faire reconnaître l’existence d’un lien entre l’employeur et le salarié, mais d’obtenir une indemnisation de la part d’un tiers. L’indemnisation de la perte d’emploi n’étant pas recherchée, s’est posée la question de la compétence du Conseil de prud’hommes. Par cet arrêt du 13 juin 2018, la Cour de cassation juge que ce dernier n’est pas compétent. Les requérants devront donc se tourner vers le TGI (Cass. Soc., 13 juin 2018, n°16-25.873 à 16-25.883).
Protection des données: la loi est publiée.
La loi sur la protection des données personnelles met en conformité la Loi Informatique et liberté du 6 janvier 1978 avec le « paquet européen de protection des données » du 27 avril 2016, comprenant, notamment, le règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD). Les principales mesures de ce texte sont la mise en place d’un contrôle a posteriori en lieu et place de l’actuel régime de déclaration préalable des traitements de données, la modification du rôle de la CNIL et l’ouverture de la possibilité d’introduire une action de groupe en réparation des préjudices causés par les manquements d’un responsable de traitement de données personnelles (L. n°2018-493 du 20 juin 2018, JO 21 juin).