Newsletter n°119 – Novembre 2018
Travail dominical : conformité à l’article 7 de la Convention n°106 de l’Organisation internationale du travail (OIT) de la dérogation dans le commerce de l’ameublement.
Depuis la loi Chatel du 3 janvier 2008, les établissements de commerce de détail d’ameublement peuvent de droit déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement. En l’espèce, un salarié de la société Ikea soutenait devant le juge prud’homal que cette dérogation était contraire aux dispositions de la Convention n°106 de l’OIT. Pour la Cour de cassation, qui se fonde sur un rapport du Comité de l’OIT, « les dérogations concernées étaient justifiées par la nature du travail, la nature des services fournis par l’établissement, l’importance de la population à desservir et le nombre de personnes employées et se fondaient sur des considérations économiques et sociales répondant à un besoin du public », de sorte qu’elles n’étaient pas incompatibles avec la Convention n°106 de l’OIT (Cass. Soc. 14 novembre 2018, n°17-18.259).
Rupture du contrat de travail : effets d'une prise d’acte de la rupture du contrat de travail pour défaut de paiement des heures supplémentaires.
Lorsqu’il estime que les manquements de l’employeur sont suffisamment graves, le juge peut considérer que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail emporte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans le cas contraire, elle produit les effets d’une démission. En l’espèce, un salarié reprochait à la Cour d’appel d’avoir jugé que le non-paiement de toutes les heures supplémentaires effectuées de juin 2008 à août 2013 ne constituait pas un manquement suffisamment grave de nature à avoir fait obstacle ou rendu impossible la poursuite entre les parties de l’exécution du contrat de travail. La Cour de cassation approuve la position des juges du fond, notamment parce que la situation invoquée par le salarié présentait un caractère ancien (Cass. Soc., 14 novembre 2018, n°17-18.890).
Contrat de travail : conséquence du défaut de signature du CDD par l’employeur.
En l’espèce, une cour d’appel avait relevé que l’absence de signature de contrat de travail à durée déterminée par l’employeur ne constituait pas une irrégularité pouvant entraîner la requalification de la relation contractuelle, d’autant plus qu’il n’était pas contesté que les contrats avaient été conclus avec celui dont la signature faisait défaut et qu’ils avaient été exécutés conformément aux dispositions qui y étaient contenues. La Haute juridiction adopte une position contraire en affirmant que « faute de comporter la signature de l’une des parties, les contrats à durée déterminée ne pouvaient être considérés comme ayant été établis par écrit et […] étaient, par suite, réputés conclus pour une durée indéterminée » (Cass. Soc., 14 novembre 2018, n°16-19.038).
Contrat de travail international : incidence du choix de la loi applicable par les parties.
En l’espèce, une salariée avait conclu un contrat de travail avec une société belge, et un autre avec une société espagnole, tous deux exécutés en France. Licenciée respectivement par ces deux sociétés, la salariée a saisi la juridiction prud’homale française pour faire notamment reconnaître l’existence d’une situation de coemploi, et demandé l’application de la loi française. La Cour de cassation juge que « si la salariée avait exécuté habituellement ses contrats de travail en France, les lois belge et espagnole avaient été choisies par les parties, ce dont il résultait que celles-ci étaient seules applicables à la demande de reconnaissance de la qualité de coemployeurs ». La Haute juridiction admet en outre l’application de règles procédurales étrangères, dès lors qu’elles ne privent pas le salarié du droit d’accès au juge (Cass. Soc., 7 novembre 2018, n°16-27.692).
Représentants du personnel : précision concernant le cadre de la reconnaissance d’une unité économique et sociale (UES).
Aux termes de l’article L. 2322-4 du Code du travail (devenu L. 2313-8), une UES peut être reconnue par convention ou par décision de justice entre plusieurs entreprises juridiquement distinctes. La Cour de cassation précise, pour la première fois, que ces entités juridiquement distinctes peuvent être dotées ou non de la personnalité morale, « dès lors qu’est caractérisée entre ces structures, d’une part, une concentration des pouvoirs de direction à l’intérieur du périmètre considéré ainsi qu’une similarité ou une complémentarité des activités déployées par ces différentes entités, d’autre part, une communauté de travailleurs résultant de leur statut social et de conditions de travail similaires pouvant se traduire en pratique par une certaine mutabilité des salariés ». Par conséquent, les salariés d’une succursale peuvent être intégrés dans une UES (Cass. Soc., 21 novembre 2018, n°16-27.690).
Durée du travail : conséquences de la perte de ses droits aux congés payés.
Dans deux arrêts concernant l’Allemagne, la CJUE juge que le droit de l’Union Européenne s’oppose à ce qu’un salarié perde automatiquement ses jours de congé annuel. Selon la Cour, ces droits ne peuvent s’éteindre que si le travailleur a été effectivement mis en mesure par son employeur, notamment par une information adéquate de la part de ce dernier, de prendre les jours de congé en temps utile, la charge de la preuve revenant à l’employeur. Si tel n’est pas le cas, le salarié peut prétendre à une indemnité financière (CJUE, 6 novembre 2018, n° C-619/16 et C-684/16).
Licenciement économique collectif : précisions sur la répartition des compétences entre le juge judicaire et le juge administratif.
Depuis la loi du 14 juin 2013, l’autorité administrative valide ou homologue le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), dont la contestation relève donc des juridictions administratives. Pour la première fois, la Cour de cassation se prononce sur la répartition de compétences entre les deux ordres judicaires en précisant que « si le juge judiciaire demeure compétent pour apprécier le respect par l’employeur de l’obligation individuelle de reclassement, cette appréciation ne peut méconnaître l’autorité de la chose décidée par l’autorité administrative ayant homologué le document [fixant] le contenu du plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l’emploi ». Dès lors, le juge judiciaire ne peut se fonder sur une insuffisance du PSE pour juger un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. Soc, 21 novembre 2018, n°17-16.766 et 17-16.767).
Données personnelles : précisions de la CNIL sur l’application du RGPD.
L’article 35 du RGPD prévoit l’élaboration d’une analyse d’impact relative à la protection des données lorsqu’un traitement de données personnelles est susceptible d’engendrer un risque élevé pour la sécurité des personnes et des données. La CNIL vient de publier une liste des types d’opérations de traitement pour lesquelles une telle analyse est requise, ainsi que les lignes directrices pour mener cette dernière (Cnil, délibérations n°2018-326 et 2018-327 du 11 octobre 2018).