Newsletter n°124 – Avril 2019
Égalité de traitement : pas de généralisation de la présomption de justification des différences de traitement par accord collectif.
Depuis 2015, la Cour de cassation a rendu plusieurs décisions dans lesquelles elle a jugé que des différences de traitement entre catégories professionnelles ou encore entre salariés exerçant des fonctions distinctes au sein d’une même catégorie professionnelle, opérées par voie de conventions ou d’accord collectifs, étaient présumées justifiées. Cette évolution pouvait laisser penser que toute différence de traitement, quelle qu’elle soit, serait justifiée dès lors qu’elle résulterait d’un accord collectif. La Cour de cassation a mis un frein à ce raisonnement dans un arrêt du 3 avril 2019. Elle a considéré que la différence de traitement (opérée par accord collectif) en raison de la date d’arrivée du salarié sur un site ne saurait être présumée justifiée (Cass. Soc., 3 avril 2019, n°17-11.970).
Rupture du contrat de travail : pas de mise en demeure préalable à la prise d’acte.
L’article 1226 du Code civil dispose que « le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable ». Cette disposition, issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, suscitait des interrogations quant à ses incidences pour un salarié prenant acte de la rupture de son contrat de travail. La Cour de cassation vient de préciser, dans un avis publié le 3 avril 2019, que les dispositions précitées ne sont pas applicables à la prise d’acte (Cass. soc., Avis du 3 avril 2019, n°15003).
Santé: extension du préjudice d’anxiété lié à l’amiante.
Depuis 2010, la Cour de cassation réservait la réparation du préjudice d’anxiété aux seuls salariés ayant travaillé sur un site inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit à la préretraite amiante. Par un arrêt rendu le 5 avril 2019, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence et ouvre désormais la possibilité à tout salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, de faire valoir un préjudice d’anxiété, quand bien même il ne serait pas éligible à la préretraite amiante (Cass. Ass. Plén., 5 avril 2019, n°18-17.442).
Représentants du personnel : obligation de négocier en ce qui concerne la détermination des établissements distincts du CSE.
Dans un arrêt bénéficiant de la plus large publicité, la Cour de cassation a précisé que l’employeur ne pouvait prendre de décision unilatérale en matière de fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts pour l’élection du CSE qu’après avoir engagé « des négociations sincères et loyales » (Cass. soc. 17 avril 2019, n°18-22.948 PBRI).
Rupture du contrat de travail : fixation de la procédure permettant à Pôle Emploi de récupérer par contrainte les allocations chômage.
Les conditions d’application de l’article L. 1235-4 al. 3 du Code du travail, issu de la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018, qui prévoit la possibilité pour Pôle emploi de délivrer une contrainte afin de récupérer auprès de l’employeur les allocations chômage versées à un salarié dont le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse, ont été fixées par décret du 27 mars 2019. Il est notamment prévu que Pôle Emploi, après avoir mis en demeure l’employeur de rembourser les allocations, peut délivrer une contrainte si cette mise en demeure est restée sans effet pendant un délai d’un mois à compter de sa notification. Ces nouvelles dispositions s’appliquent aux jugements des Conseils de prud’hommes rendus après le 1er avril 2019 (Décret n°2019-252 du 27 mars 2019, JO du 30 mars).
Temps de travail : adoption par le Parlement européen, le 4 avril 2019, de la directive concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants.
Cette proposition de directive prévoit un congé de paternité d’au moins 10 jours ouvrables (en France, le congé paternité est actuellement de 11 jours), un droit minimal à congé d’aidant de cinq jours par an (en France, il existe actuellement un congé de proche aidant), et un congé parental rémunéré (à définir par les Etats membres). Aujourd’hui, en France, le congé parental n’est pas rémunéré, mais peut, sous certaines conditions, donner lieu au versement d’une allocation par la Caisse primaire d’assurance maladie. Cette proposition de directive devrait être prochainement validée par le Conseil européen, puis les Etats membres auront 3 ans pour la transposer en droit interne.
Lanceur d’alerte : adoption par le Parlement européen, le 16 avril 2019, de la directive sur la protection des personnes dénonçant les infractions au droit de l’Union.
Aux termes de la directive, les employeurs doivent établir des canaux et des procédures internes permettant de signaler une alerte et de suivre celle-ci et désigner les autorités compétentes pour recevoir et traiter les signalements externes. Sur certains points, la directive va au-delà de la loi Sapin 2, notamment en ce qui concerne le champ des personnes protégées qui est plus large qu’en droit français. Cette proposition de directive devrait être prochainement validée par le Conseil européen, puis les États membres auront 2 ans pour la transposer en droit interne.
Politique sociale : adoption définitive le 11 avril 2019 du projet de loi PACTE.
Le projet de loi prévoit notamment, en matière sociale, une harmonisation du calcul des seuils d’effectifs, une simplification de l’épargne retraite et de l’épargne salariale et un assouplissement du travail en soirée pour les commerces de vente au détail alimentaire. La conformité du projet de loi à la Constitution est actuellement examinée par le Conseil constitutionnel.
Données personnelles : mode d’emploi en matière de ressources humaines.
La CNIL a publié sur son site internet, le 11 avril dernier, deux projets de référentiels relatifs à la mise en place d’un traitement de données à caractère personnel destinés à la mise en œuvre d’un dispositif d’alerte ainsi qu’un traitement de données dans le cadre de la gestion du personnel. La CNIL soumet ces deux projets de texte à la consultation publique, chacun pouvant émettre des propositions sur le site de la CNIL. Les référentiels seront ensuite adoptés par la CNIL en séance plénière.