Newsletter n°127 – Juillet 2019
Harcèlement: reconnaissance de l’existence de faits de harcèlement en dehors du travail.
Un salarié s’est plaint de faits constitutifs de harcèlement moral pendant son congé de fin de carrière avec cessation d’activité. Les juges du fond ont rejeté ses demandes d’indemnisation à ce titre, au motif qu’il ne pouvait invoquer aucune dégradation de ses conditions de travail, puisqu’il n’était plus sur son poste de travail au sein de l’entreprise. Or, pour la Cour de cassation, les dispositions de l’article L. 1152-1 du Code du travail, relatives à la prohibition du harcèlement moral, « sont applicables à un salarié dispensé d’activité en raison d’une période de congé de fin de carrière, dès lors que le contrat de travail n’est pas rompu pendant cette période » (Cass. Soc. 26 juin 2019, n°17-28.328).
Contrat de travail : validité de la clause de non-concurrence couvrant deux continents.
Une salariée, dont la clause de non-concurrence limitée à l’Europe avait été étendue à la zone Asie-Pacifique, contestait, après avoir démissionné, le mode de calcul de l’indemnité compensatrice de cette clause. Les juges du fond ont déclaré que cette dernière était nulle, en raison de l’étendue de son champ d’application. La Haute Juridiction a cassé l’arrêt de la cour d’appel en lui reprochant de s’être déterminée « au regard de la seule étendue géographique de la clause, sans rechercher si la salariée se trouvait dans l’impossibilité d’exercer une activité conforme à sa formation, à ses connaissances et à son expérience professionnelle » (Cass. Soc. 3 juillet 2019, n°18-16.134).
Rupture du contrat de travail : conséquences du non-respect du formalisme de la rupture conventionnelle.
Dans deux arrêts rendus le même jour, la Cour de cassation rappelle que « seule la remise au salarié d’un exemplaire de la convention signé des deux parties lui permet de demander l’homologation de la convention et d’exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause ». Il appartient donc aux juges du fond de vérifier qu’un exemplaire du formulaire Cerfa a été remis au salarié et que cet exemplaire est revêtu de la signature de l’employeur (Cass. Soc. 3 juillet 2019, n°17-14.232 et 18-14.414).
Hygiène et sécurité : validité d’une clause « tolérance zéro alcool » dans le règlement intérieur.
Une société de fabrication d’équipements automobiles a demandé l’annulation de la décision de l’inspecteur du travail ordonnant le retrait d’une clause « tolérance zéro alcool » de son règlement intérieur. Le Conseil d’Etat lui donne raison : la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit « en estimant que, pour établir le caractère proportionné de l’interdiction imposée aux salariés […], la société ne pouvait se prévaloir du document unique d’évaluation des risques professionnels, dès lors que le règlement intérieur n’y comportait aucune référence ». Le Conseil d’Etat rappelle également que si « l’employeur doit être en mesure d’établir que cette mesure est justifiée par la nature des tâches à accomplir et proportionnée au but recherché, il n’en résulte […] [pas] que le règlement devrait comporter lui-même cette justification » (CE 8 juillet 2019, n°420434).
Contrat de travail : invalidité du contrat à temps partiel prévoyant un « temps choisi ».
Un contrat de travail à temps partiel ne peut prévoir que le salarié détermine lui-même ses horaires. La mention d’une durée minimale mensuelle garantie ne suffit pas. Un tel contrat encourt donc la requalification en contrat à temps complet (Cass. Soc. 3 juill. 2019, n°17-15.884).
Rupture du contrat de travail : des faits commis hors du temps de travail peuvent justifier un licenciement pour faute grave.
Un salarié protégé a été licencié pour faute grave après s’être introduit dans la messagerie professionnelle d’un autre salarié, sans l’accord de celui-ci, et y avoir détourné une correspondance ayant explicitement un caractère personnel. Pour le Conseil d’Etat, ces faits constituent une méconnaissance de l’obligation de loyauté découlant du contrat de travail et justifient un licenciement, quand bien même ils ont été commis en dehors du temps et du lieu de travail (CE 10 juillet 2019, n°408644).
Rupture du contrat de travail: précision relative au licenciement pour motif disciplinaire.
La Cour de cassation rappelle que la seule absence d’avertissement ou de mise en garde préalables adressés à un salarié ne peut permettre de juger qu’un licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Il appartient aux juges du fond d’apprécier la gravité de la faute à l’origine du licenciement (Cass. Soc. 10 juillet 2019, n°18-13.893).
CDD: indemnisation du salarié en cas de rupture abusive par l’employeur.
En cas de rupture anticipée du CDD par l’employeur, le juge du fond n’a pas à procéder à une évaluation forfaitaire du préjudice subi par le salarié. Dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, il est en mesure de fixer le montant de ce préjudice (Cass. Soc. 3 juillet 2019, n°18-12.306).
Procédure: validité du barème des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Selon la Haute Juridiction, « les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, qui fixent un barème applicable à la détermination par le juge du montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail ». Quelques jours après ces deux avis, le juge départiteur du Conseil de prud’hommes de Grenoble a néanmoins décidé d’écarter ce barème (Cass. Plén. 17 juill. 2019 Avis n°19-70.010 et 19-70.011 ; CPH Grenoble, 22 juill. 2019, n°18/00267)…
Chômage: précisions sur les nouveaux cas d’indemnisation.
Deux décrets détaillent les modalités de prise en charge des salariés démissionnaires et des travailleurs indépendants par l’assurance chômage, ainsi que l’application d’un coefficient de dégressivité de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (D. n°2019-796 et 2019-797 du 27 juillet 2019, JO du 28 juillet).
Santé : publication de la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.
Ce texte prévoit notamment la dématérialisation des arrêts de travail et l’intégration du dossier tenu par le médecin du travail dans le dossier médical partagé (DMP) (L. n°2019-774 du 24 juillet 2019, JO du 26 juillet).