Newsletter n°132 – Décembre 2019
Harcèlement moral : devoir de prévention de l’employeur.
S’estimant victime de harcèlement moral, une salariée s’en était plainte auprès de son employeur, avant d’être licenciée quelques mois plus tard pour insuffisance professionnelle. Elle a donc saisi la juridiction prud’homale, aux fins de voir déclarer nul son licenciement faisant suite à sa dénonciation d’un harcèlement moral. La Cour d’appel a déclaré son licenciement nul, tout en écartant la qualification de harcèlement moral et en rejetant sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité : « pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, l’arrêt retient qu’aucun agissement répété de harcèlement moral n’étant établi, il ne peut être reproché à l’employeur de ne pas avoir diligenté une enquête et par là-même d’avoir manqué à son obligation de sécurité ». La Cour de cassation cassé l’arrêt de la Cour d’appel sur ce point, opérant ainsi une distinction entre l’obligation de prévention des risques professionnels et la prohibition des agissements de harcèlement moral (Cass. Soc., 27 novembre 2019, n°18-10.551).
Élections professionnelles: précisions sur l’application de la représentation équilibrée femmes/hommes.
Selon les dispositions de l’article L. 2314-30 du Code du travail, « pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l’article L. 2314-29 qui comportent plusieurs candidats sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale ». Dans une série d’arrêts rendus le 11 décembre 2019, la Cour de cassation est venue apporter des précisions sur l’application de ce dispositif. Elle a notamment admis une exception au principe susvisé lorsque son application conduit à ce qu’un sexe soit ultra-minoritaire (c’est-à-dire qu’il ait droit à moins de 0,5 candidat). Dans ce cas, la Cour de cassation admet que les listes de candidats puissent ne comporter aucun candidat de ce sexe (Cass. Soc. 11 décembre 2019, n°18-23.513, n°18-26.568, 19-10.855, 19-13.037, n°19-10.826).
Procédure civile : réforme de la procédure civile et impact sur le contentieux en droit du travail.
Le décret réformant la procédure civile a été publié le 12 décembre 2019 au Journal officiel. Ce décret instaure une nouvelle procédure devant le Tribunal judiciaire (résultant de la fusion du Tribunal d’instance et du Tribunal de grande instance) auquel seront transférés certains contentieux en droit du travail dès le 1er janvier 2020. Il s’agit notamment des contentieux relatifs à la régularité des opérations électorales, l’application ou l’interprétation des accords collectifs ou encore le contentieux de la sécurité sociale. Le décret prévoit notamment les mentions obligatoires à faire figurer dans la requête ou l’assignation. Il prévoit également l’obligation, dans certains cas, pour le demandeur, de justifier, avant de saisir la juridiction, d’une tentative de résolution amiable du litige (Décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, JO du 12 décembre).
Politique sociale : publication de la loi d’orientation des mobilités.
La loi d’orientation des mobilités instaure de nouvelles mesures quant à la prise en charge des frais de transport dans l’entreprise (création d’un titre de paiement spécifique, instauration d’un forfait mobilités durables) et intègre la mobilité dans le champ de la négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail. Elle impose également une obligation de transparence aux plateformes de type Uber ou Deliveroo à l’égard de leurs travailleurs avant chaque prestation (information sur la distance couverte, le prix minimal garanti) et prévoit la possibilité de réaliser une charte de responsabilité sociale. S’agissant de cette charte, le législateur avait prévu que les engagements pris dans cette charte pouvaient faire obstance à une demande de requalification. Ces dernières dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel (Loi n°2019-1428 du 24 décembre 2019, JO du 26 décembre ; Cons. Const., 20 décembre 2019, n°2019-794 DC).
Sécurité sociale : salle de sport en entreprise.
Dans une lettre du 12 décembre 2019 destinée à l’Acoss, la Direction de la sécurité sociale adopte une nouvelle tolérance en matière d’exonération de cotisations sociales. Elle indique qu’est exonéré de cotisations sociales « l’avantage constitué par la mise à disposition par un employeur, même lorsque l’entreprise est dotée d’un CSE, à l’ensemble des salariés concernés, d’un accès à un équipement dédié à la réalisation d’activités sportives tel qu’une salle de sport appartenant à l’entreprise, ou un espace géré par l’entreprise ou dont la location est prise en charge par l’entreprise aux fins d’une pratique sportive, ainsi que l’organisation de cours de sport ou d’activités physiques et sportives dans l’un des espaces mentionnés ci-dessus » (Lettre de la DSS du 12 décembre 2019).
Charges sociales : publication de la liste des secteurs concernés par le bonus-malus.
La loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018 a instauré un bonus-malus applicable aux cotisations d’assurance chômage patronales selon le nombre de ruptures de contrat de travail. Un arrêté du 27 novembre 2019 fixe les secteurs d’activité et les employeurs qui entrent dans le champ d’application de ce nouveau dispositif. Sont notamment concernés le secteur de l’hébergement et celui de la restauration. Le dispositif doit entrer en vigueur au 1er janvier 2021 (Arrêté du 27 novembre 2019, JO du 4 décembre, NOR: MTRD1932518A).
Code du travail numérique : simplification de l’accès au droit.
Le Code du travail numérique est un service public en ligne qui s’adresse aux salariés et aux employeurs et qui permet d’effectuer des recherches sur le droit du travail. L’ouverture officielle du site aura lieu le 1er janvier 2020.
Procès France Télécom: condamnation de l’employeur pour « harcèlement moral institutionnel ».
Le Tribunal correctionnel de Paris a condamné, le 20 décembre dernier, les anciens dirigeants de France Télécom pour « harcèlement moral institutionnel » exercé à l’encontre des employés de France Télécom. C’est une première, les juges ayant reconnu un harcèlement résultant non pas de comportements individuels, mais d’une politique d’entreprise.