Newsletter n°71 – Novembre 2014
Libertés individuelles: licéité de la preuve fondée sur la filature d’un salarié.
Un salarié, contrôleur dans une société de transports, reprochait à une cour d’appel d’avoir jugé que son licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse. Il considérait notamment que la filature organisée par son employeur pour contrôler et surveiller son activité constituait un moyen de preuve illicite. La Haute Juridiction considère que « le contrôle de l’activité d’un salarié, au temps et au lieu de travail, par un service interne à l’entreprise chargé de cette mission ne constitue pas, en soi, même en l’absence d’information préalable du salarié, un mode de preuve illicite ». En l’espèce, le contrôle était licite car limité au temps de travail et n’avait impliqué aucune atteinte à la vie privée des travailleurs (Cass. Soc., 5 nov. 2014, n°13-18.427).
Temps de travail: nullité des forfaits en jours conclus sur la base de la convention collective nationale du Notariat.
Relevant le moyen d’office, La Cour de cassation considère que les dispositions de cette convention collective « qui se bornent à prévoir, en premier lieu, que l’amplitude de la journée d’activité ne doit pas dépasser 10 heures sauf surcharge exceptionnelle de travail, en second lieu que chaque trimestre, chaque salarié effectue un bilan de son temps de travail qu’il communique à l’employeur et sur lequel il précise, le cas échéant, ses heures habituelles d’entrée et de sortie afin de pouvoir apprécier l’amplitude habituelle de ses journées de travail et de remédier aux éventuels excès, ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ». Par conséquent, les conventions individuelles de forfait conclues sur la base de ces seules dispositions sont nulles (Cass. Soc., 13 nov. 2014, n°13-14.206).
Salarié protégé: conséquences de la réintégration suite à un licenciement jugé nul.
Un salarié protégé, licencié sans autorisation administrative, qui a obtenu sa réintégration ainsi que le versement d’une indemnité équivalente au montant des salaires du jour de son licenciement jusqu’à sa réintégration, doit rembourser à Pôle Emploi les allocations chômage qu’il a perçues sur cette même période (Cass. Soc., 19 nov. 2014, n°13-23.643).
Travail temporaire: appréciation restrictive de la notion d’accroissement temporaire d’activité.
Un salarié engagé dans le cadre de plusieurs missions d’intérim demandait la requalification de ses contrats de travail temporaire en contrat à durée indéterminée, ainsi que le paiement de diverses sommes en dédommagement du préjudice qu’il avait subi. La Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir condamné la société après avoir « constaté que les premiers contrats de travail temporaire […] avaient été conclus pour un accroissement temporaire d’activité lié au démarrage de la production de nouveaux verres » et retenu en conséquence que « le lancement de ce nouveau type de produit s’intégrait dans l’activité normale d’une entreprise de fabrication de verres optiques, faisant ainsi ressortir que l’employeur n’établissait pas que le lancement en question s’accompagnait de circonstances caractérisant un accroissement temporaire d’activité de l’entreprise » (Cass. Soc., 29 oct. 2014, n°12-27.936).
Représentants du personnel: sanction en cas d’usage abusif par l’employeur du caractère confidentiel des informations présentées aux élus.
L’article L. 2325-5 al. 2 du Code du travail dispose que « les membres du comité d’entreprise et les représentants syndicaux sont tenus à une obligation de discrétion à l’égard des informations revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles par l’employeur ». En l’espèce, un comité central d’entreprise a agi en référé pour contester le caractère confidentiel de l’intégralité des documents communiqués par l’employeur dans le cadre d’une procédure d’information sur un projet de réorganisation. Selon la Cour de cassation, « pour satisfaire aux conditions de l’article L. 2325-5 du Code du travail, l’information donnée aux membres du comité d’entreprise, doit non seulement être déclarée confidentielle par l’employeur, mais encore être de nature confidentielle, au regard des intérêts légitimes de l’entreprise, ce qu’il appartient à l’employeur d’établir ». Dans cette affaire, il était reproché à la société d’avoir placé « l’intégralité des documents adressés au CCE sous le sceau de la confidentialité sans justifier de la nécessité d’assurer la protection de l’ensemble des données contenues dans ces documents, ce dont il résultait que l’employeur avait porté une atteinte illicite aux prérogatives des membres du comité d’entreprise dans la préparation des réunions, qui ne pouvait être réparée que par la reprise de la procédure d’information et consultation à son début » (Cass. Soc., 5 nov. 2014, n°13-17.270).
Egalité de traitement: appréciation dès l’embauche du principe « à travail égal, salaire égal »
Un salarié reprochait à son employeur de verser une rémunération supérieure à l’un de ses collègues qui occupait les mêmes fonctions que lui au sein du même service, tout en justifiant d’une ancienneté moindre. La Cour d’appel puis la Haute Juridiction jugent en l’espèce que le principe de l’égalité de traitement a bien été méconnu par l’employeur. En effet, « si les qualités professionnelles ou la différence de qualité de travail peuvent constituer des motifs objectifs justifiant une différence de traitement entre deux salariés occupant le même emploi, de tels éléments susceptibles de justifier des augmentations de salaires plus importantes ou une progression plus rapide dans la grille indiciaire, pour le salarié plus méritant, ne peuvent justifier une différence de traitement lors de l’embauche, à un moment où l’employeur n’a pas encore pu apprécier les qualités professionnelles » (Cass. Soc., 13 nov. 2014, n°12-20.069 13-10.274).
Harcèlement moral: indemnisation du préjudice résultant de l’absence de prévention.
En l’espèce, un employeur reprochait aux juges du fond de l’avoir condamné à indemniser un salarié au titre de faits de harcèlement moral, alors qu’il avait fait le nécessaire pour y mettre un terme. Selon la Haute juridiction, « l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail d’agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements ». C’est donc à bon droit que « la cour d’appel a alloué des sommes distinctes correspondant au préjudice résultant d’une part de l’absence de prévention par l’employeur des faits de harcèlement et d’autre part des conséquences du harcèlement effectivement subi » (Cass. Soc., 19 nov. 2014, n°13-17.729).