Newsletter n°74 – Février 2015
Temps de travail: nullité des forfaits en jours conclus sur la base de la convention collective nationale du Commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
Un salarié embauché dans une chaîne de supermarchés, avec un forfait annuel de 216 jours travaillés, a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail devant un Conseil de Prud’hommes pour harcèlement moral et irrégularité de sa convention de forfait en jours. La Cour de cassation a jugé que la convention collective du Commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire « se limit(ait) à prévoir, s’agissant du suivi de la charge et de l’amplitude de travail du salarié concerné, un entretien annuel avec le supérieur hiérarchique ». L’accord d’entreprise pris en application de cette convention se bornait à fixer une organisation du travail sur cinq jours, afin que les salariés concernés puissent organiser leur repos hebdomadaire. Pour la Cour de cassation, il résultait de ces dispositions que la convention de forfait en jours était nulle, ces deux accords collectifs n’étant pas « de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ». Le salarié pouvait donc prétendre au paiement d’heures supplémentaires (Cass. Soc., 4 fév. 2015, n°13-20891).
Nouvelles technologies: accès par l’employeur aux SMS échangés sur un portable professionnel.
Une entreprise reprochait à une entreprise concurrente d’avoir débauché plusieurs de ses salariés. Pour prouver la concurrence déloyale, l’employeur souhaitait s’appuyer sur le contenu de SMS échangés entre ces salariés et avec des tiers, via leur téléphone portable professionnel. L’entreprise concurrente estimait qu’il s’agissait d’un mode de preuve déloyal et donc irrecevable, dès lors que l’enregistrement du SMS était effectué à l’insu de l’émetteur du message comme de son destinataire. La Cour de cassation n’a pas suivi cette argumentation et a décidé que « les messages écrits (« short message service » ou SMS) envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l’employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l’employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l’intéressé, sauf s’ils sont identifiés comme personnels ». La Cour de cassation applique ainsi aux SMS la même présomption de caractère professionnel que pour les fichiers détenus sur un ordinateur professionnel. (Cass. Com., 10 fév. 2015, n°13-14779).
Règlement intérieur: avis requis du CHSCT pour une modification du règlement intérieur relevant de sa compétence.
Pour éviter la contrepartie financière ou en repos due aux salariés qui doivent s’habiller et se déshabiller sur place, un employeur avait modifié la clause du règlement intérieur de l’entreprise relative au port d’une tenue de travail, pour autoriser désormais les salariés à venir et repartir du travail en portant déjà leur tenue. Seul le comité d’entreprise avait été consulté sur cette modification, qui ne permettait plus aux salariés de réclamer une quelconque contrepartie. Pour la Cour de cassation, la consultation du CHSCT était nécessaire en vertu de l’article L.1321-4 du Code du travail, qui dispose que « le règlement intérieur ne peut être introduit qu’après avoir été soumis à l’avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, à l’avis du CHSCT ». La clause litigieuse était donc inopposable aux salariés, qui pouvaient toujours se prévaloir des anciennes dispositions, et donc de la contrepartie prévue (Cass. Soc., 11 fév. 2015, n°13-16547).
Indemnité de licenciement: prise en compte d’un bonus dans l’assiette de calcul.
Un salarié contestait le montant de son indemnité conventionnelle de licenciement. Il estimait en effet qu’un bonus devait être intégré dans la base de calcul de son indemnité. L’employeur arguait que ce bonus, contrairement aux années précédentes, n’était pas lié aux performances de l’entreprise et avait été attribué de façon discrétionnaire et exceptionnelle, de sorte qu’il ne pouvait pas être pris en compte dans l’assiette de calcul. Mais ce bonus avait été versé au salarié chaque année depuis son embauche et seul son montant annuel était variable et discrétionnaire. Pour la Cour de cassation, ce bonus, dont le versement était constant et régulier, « constituait un élément de salaire qui devait être inclus dans l’assiette de calcul de l’indemnité légale de licenciement » (Cass. Soc., 28 janvier 2015, n°13-23421).
Harcèlement moral: validité d’un licenciement pour faute grave après de fausses accusations de harcèlement moral.
Une salariée avait été licenciée pour faute grave après avoir accusé son supérieur hiérarchique de harcèlement moral, de façon mensongère. Si l’article L.1152-2 du Code du travail interdit qu’un salarié soit sanctionné pour avoir témoigné ou relaté des faits de harcèlement moral, cela n’empêche pas l’employeur de sanctionner la mauvaise foi du salarié. Ici, après examen, il s’est avéré que les faits étaient inexistants et que la salariée était incapable d’en préciser la teneur. La Cour de cassation a reconnu qu’il ne s’agissait pas d’accusations « portées par simple légèreté ou désinvolture mais d’accusations graves, réitérées, voire calomnieuses et objectivement de nature à nuire à leur destinataire ainsi qu’à l’employeur, accusé de laisser la salariée en proie à ce prétendu harcèlement en méconnaissance de son obligation d’assurer sa sécurité et de préserver sa santé ». (Cass. Soc., 28 janv. 2015, n°13-22378).
Temps partiel: dérogation à la durée minimale de 24 heures pour certains contrats.
La loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 avait instauré une durée minimale de 24 heures hebdomadaires pour les contrats de travail à temps partiel. Une ordonnance est venue préciser que les contrats de travail ne dépassant pas sept jours et les CDD et contrats de mission conclus pour un remplacement ne sont pas soumis à la durée minimale légale de 24 heures. Le remplaçant pourra donc travailler sur la base de la durée contractuelle du salarié remplacé. L’ordonnance clarifie également la situation des salariés ayant fait la demande écrite et motivée de travailler moins de 24 heures, et qui souhaitent ultérieurement travailler plus. Désormais, ce droit n’est plus automatique et ces salariés bénéficieront seulement d’une priorité d’emploi. De plus, l’employeur devra seulement fournir une liste des emplois disponibles correspondant à la catégorie professionnelle du salarié (Ord. n°2015-82 du 29 janv. 2015, JO du 30 janv.).