Newsletter n°75 – Mars 2015
Rupture du contrat de travail: validité d’une rupture conventionnelle conclue après un licenciement.
Trois arrêts de la Cour de cassation donnent des précisions sur les effets d’une rupture conventionnelle conclue après la notification du licenciement. A l’occasion de la première affaire, la Cour de cassation juge que « lorsque le contrat de travail a été rompu par l’exercice par l’une ou l’autre des parties de son droit de résiliation unilatérale, la signature postérieure d’une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue ». Une rupture conventionnelle peut donc être valablement signée après un licenciement ou une démission, qui ne produiront donc aucun effet. Dans la deuxième affaire, un salarié a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement disciplinaire, au cours duquel une rupture conventionnelle a été signée. Le salarié s’étant ensuite rétracté, l’employeur a repris et mené à son terme la procédure de licenciement. La Cour de cassation décide que « la signature par les parties au contrat de travail d’une rupture conventionnelle, après l’engagement d’une procédure disciplinaire de licenciement, n’emporte pas renonciation par l’employeur à l’exercice de son pouvoir disciplinaire ». La procédure de licenciement peut valablement être reprise si l’employeur respecte le délai de prescription de deux mois. En effet, la troisième affaire permet à la Cour de cassation de préciser que « la signature par les parties d’une rupture conventionnelle ne constitue pas un acte interruptif de la prescription », comme c’est le cas de la convocation à entretien préalable au licenciement. En l’espèce, un délai supérieur à deux mois s’était écoulé entre la rupture conventionnelle (suivie d’une rétractation par le salarié) et la convocation à l’entretien préalable au licenciement (Cass. Soc., 3 mars 2015, n°13-20.549, 13-15.551 et 13-23.348).
Harcèlement et prise d’acte: la prise d’acte peut être justifiée même si le harcèlement a cessé.
Une salariée dénonçait le harcèlement moral et sexuel dont elle faisait l’objet depuis plusieurs mois de la part de son chef d’équipe. Le salarié coupable a été licencié pour faute grave. La salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail un an plus tard, en imputant un état anxio-dépressif réactionnel au harcèlement subi. La Cour de cassation considère que la seule survenance d’agissements de harcèlement moral ou sexuel sur le lieu de travail est un manquement à l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur, « quand bien même il aurait pris des mesures pour faire cesser ces agissements ». L’existence du manquement étant avérée, il appartenait aux juges du fond de déterminer si le harcèlement subi avait empêché la poursuite du contrat de travail. La prise d’acte peut donc être fondée même si les faits ont cessé, du fait de séquelles psychologiques ou d’un climat de tension résultant de la dénonciation des faits (Cass. Soc, 11 mars 2015, n°13-18.603).
Clause de non-concurrence: la renonciation au cours de l’exécution du contrat doit être prévue expressément.
Un employeur avait libéré unilatéralement un salarié de son obligation de non-concurrence pendant l’exécution du contrat. Quelques mois plus tard, le salarié a été licencié et a réclamé le paiement de la contrepartie financière de sa clause de non-concurrence. La Cour de cassation lui donne raison, au motif que la clause de non-concurrence ne fixait un délai de renonciation qu’à compter de la rupture du contrat de travail. Ainsi, « l’employeur ne peut, sauf stipulation contraire, renoncer unilatéralement à cette clause, au cours de l’exécution de cette convention », une telle clause étant prévue dans l’intérêt commun des parties. La renonciation ne pouvait donc intervenir qu’au moment de la rupture du contrat de travail, en conformité avec les stipulations de ladite clause (Cass. Soc., 11 mars 2015, n°13-22.257).
Licenciement économique: l’adhésion au CSP n’empêche pas de contester le licenciement.
Une salariée ayant fait l’objet d’un licenciement pour motif économique a accepté le Contrat de sécurisation professionnelle (CSP), puis a contesté son licenciement. La salariée estimait que la carence de l’employeur dans l’organisation des élections de délégués du personnel l’avait empêchée de se faire assister au cours de l’entretien préalable. La Cour de cassation fait droit à cette argumentation en précisant que « l’adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle constitue une modalité du licenciement pour motif économique et ne prive pas le salarié du droit d’obtenir l’indemnisation du préjudice que lui a causé l’irrégularité de la lettre de convocation à l’entretien préalable » (Cass. Soc., 17 mars 2015, n°13-26.941).
Contrat de génération: extension aux CDI d’apprentissage et simplification des démarches.
Désormais, l’aide financière de 4.000 € dans le cadre du contrat de génération sera accordée aux entreprises de moins de 300 salariés pour les nouveaux « CDI d’apprentissage » créés par la loi dite « Formation » du 5 mars 2014. L’âge du salarié, qui doit être de moins de 26 ans, est apprécié au premier jour d’exécution de ce contrat suivant l’expiration de la période d’apprentissage. Pour inciter les entreprises à recourir au contrat de génération, le décret a supprimé les dispositions relatives à l’obligation de transmission du diagnostic préalable à la Direccte, la loi Formation ayant déjà mis fin à l’obligation préalable de conclure un accord collectif, d’élaborer un plan d’actions ou d’être couvertes par un accord de branche (D. n°2015-249 du 3 mars 2015, JO du 5 mars).
Temps de travail: sécurisation des forfaits annuels en jours pour les cabinets d’experts comptables et commissaires aux comptes.
En mai 2014, la Cour de cassation jugeait que les conventions individuelles de forfait en jours conclues sur le fondement de la Convention collective des cabinets d’experts comptables et de commissaires aux comptes n’étaient pas de nature à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés. La négociation entre les partenaires sociaux à abouti à un avenant « relatif au calcul annuel en jours de la durée du travail ». Il est prévu une durée maximale de 218 jours par an, avec une charge de travail raisonnable ne devant pas dépasser 5 jours par semaine et 23 jours par mois. Un droit de ne pas répondre aux éventuelles sollicitations de toute provenance est également institué. Chaque salarié au forfait devra établir un relevé mensuel permettant un contrôle de sa durée du travail, qui devra être examiné par l’employeur, en plus de l’entretien annuel. Une compensation pour surcharge de travail imprévue pourra être définie entre le salarié et son employeur. La rémunération des salariés en forfait jours est également majorée à compter du 1er avril 2015 (Avenant 24 bis du 18 février 2015).