Newsletter n°76 – Avril 2015
Mandat extérieur: la non-information de l’employeur n’est pas une escroquerie, et en cas de transfert d’entreprise, le cessionnaire doit en être informé.
Dans une première affaire, un DRH, chargé du volet reclassement et suivi administratif du plan de sauvegarde de l’emploi mis en œuvre dans l’entreprise, n’avait pas informé son employeur de sa qualité de conseiller prud’homal à l’occasion de son propre licenciement, qu’il avait ensuite décidé de contester en réclamant des dommages et intérêts pour licenciement intervenu en violation du statut protecteur. Pour la société, il s’agissait d’une escroquerie. La Cour de cassation a décidé que l’abstention du salarié ne constituait pas l’usage d’une fausse qualité et que l’escroquerie, au sens de l’article 313-1 du Code pénal, n’était pas caractérisée. Dans une seconde affaire, un salarié titulaire d’un mandat de conseiller prud’homal avait été licencié par l’entreprise cessionnaire à la suite du transfert de son contrat de travail. La société arguait qu’elle n’avait pas eu connaissance de ce mandat. La Cour de cassation lui donne raison et décide que le salarié se prévalant d’une protection en raison d’un mandat doit établir qu’il avait « informé le nouvel employeur de l’existence de ce mandat au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement » ou que le nouvel employeur en avait connaissance (Cass. Crim., 14 avr. 2015, n°14-81.188 et Cass. Soc., 15 avr. 2015, n°13-25.283).
Port du voile: la CJUE saisie d’une question pour les entreprises privées.
Une salariée d’une entreprise privée avait été licenciée pour motif disciplinaire, après avoir refusé de retirer son voile islamique lors de l’accomplissement de missions à l’extérieur, après la demande d’une entreprise cliente de ne plus travailler avec une salariée voilée. La salariée a contesté son licenciement et s’estimait victime d’une discrimination en raison de ses convictions religieuses. Déboutée par le Conseil de prud’hommes, puis par la Cour d’appel, la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et a posé une question préjudicielle à la CJUE. La CJUE devra trancher la question de savoir si la demande faite à une salariée de retirer son voile peut être perçue comme une « exigence professionnelle essentielle et déterminante, en raison de la nature d’une activité professionnelle ou des conditions de son exercice » (Cass. Soc., 9 avr. 2015, n°13-19.855).
Représentant du personnel: les violences commises par un salarié au cours de l’exercice de son mandat peuvent être sanctionnées.
Un salarié représentant du personnel avait été licencié après avoir donné un violent coup de tête à un autre salarié au cours d’une séance du comité d’établissement, occasionnant à ce dernier une fracture au visage et une incapacité temporaire de travail de trente jours. Le salarié a contesté son licenciement, au motif que l’acte de violence n’était pas lié à son contrat de travail, mais à son mandat. Les juges n’ont pas suivi l’argumentation du salarié et ont décidé qu’il s’agissait d’une « méconnaissance par celui-ci de son obligation, découlant de son contrat de travail, de ne pas porter atteinte, dans l’enceinte de l’entreprise, à la sécurité d’autres membres du personnel » (CE, 27 mars 2015, n°368855).
Rupture conventionnelle: pas de transaction sur le principe même de la rupture.
Un salarié estimait que la rupture conventionnelle de son contrat de travail présentait un vice du consentement. Une transaction avait été signée au cours du délai d’homologation. La Cour de cassation rappelle que la transaction consécutive à une rupture conventionnelle ne peut être valable que si elle est postérieure à l’homologation de la rupture et « qu’elle a pour objet de régler un différend relatif non pas à la rupture du contrat de travail mais à son exécution sur des éléments non compris dans la convention de rupture ». Une transaction ne peut donc interdire au salarié de contester en justice les conditions de la rupture, intervenue d’un commun accord (Cass. Soc., 25 mars 2015, n°13-23.368).
Portage salarial: définition des règles applicables par ordonnance.
Le portage salarial permet à une personne de conclure un contrat de travail avec une entreprise de portage salarial, en accomplissant des missions pour des entreprises clientes. Le salarié porté doit justifier d’une expertise, d’une qualification et d’une autonomie qui lui permettent de rechercher lui-même ses clients, et de convenir avec eux des conditions d’exécution de sa prestation et de son prix. L’entreprise de portage n’est pas tenue de fournir du travail au salarié porté. L’entreprise cliente ne peut avoir recours à un salarié porté que pour l’exécution d’une tâche occasionnelle ne relevant pas de son activité normale et permanente ou pour une mission ponctuelle, nécessitant une expertise dont elle ne dispose pas. La durée maximale d’une prestation est de 36 mois. Le contrat de travail conclu avec l’entreprise de portage peut être un CDI ou un CDD ne pouvant pas excéder 18 mois, renouvellement inclus. A défaut d’accord de branche, la rémunération minimale est de 75% du plafond mensuel de la sécurité sociale (Ord. n°2015-380 du 2 avr. 2015, JO du 3 avr.).
Comité d’entreprise: nouvelles règles relatives à la transparence des comptes.
La loi n°2014-288 du 5 mars 2014 avait instauré de nouvelles obligations pour les CE. Pour les exercices postérieurs au 1er janvier 2015, tous les CE sont tenus d’établir des comptes annuels. Les modalités de cette comptabilité varient selon le nombre de salariés du CE, ses ressources annuelles et le total de son bilan. A compter de l’exercice 2015, un rapport d’activité doit aussi être établi, contenant des informations sur ses activités et sa gestion financière. Dès le 1er janvier 2016, le Commissaire aux comptes du CE pourra enclencher une procédure d’alerte lorsqu’il relèvera, à l’occasion de l’exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation du CE (D. n°2015-357 et 2015-358 du 27 mars 2015, JO du 29 mars).
Détachement transnational: les obligations des entreprises sont renforcées.
Un décret, pris en application de la loi n°2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, précise les obligations des employeurs étrangers détachant des salariés en France. Les employeurs étrangers doivent établir des déclarations préalables de détachement, annexées au registre unique du personnel, et désigner un représentant de l’entreprise en France. Le donneur d’ordre qui a recours à un prestataire de service étranger doit demander au préalable une copie de cette déclaration auprès de la Direccte. Il doit également demander à l’Urssaf une attestation de vigilance pour tout contrat de sous-traitance de plus de 5.000€ H.T. Le donneur d’ordre possède désormais un devoir d’injonction et d’information pour faire respecter les droits fondamentaux des salariés, ainsi que le paiement du salaire minimum dans la chaine de sous-traitance (D. n°2015-364 du 30 mars 2015, JO du 31 mars).