Newsletter n°77 – Mai 2015
Représentation du personnel : Conséquences de l’annulation des élections des membres du comité d’entreprise sur le mandat des membres du CHSCT.
Conformément aux dispositions de l’article L. 4613-1 du Code du travail, les membres du CHSCT sont désignés par un « collège constitué par les membres élus du comité d’entreprise et les délégués du personnel ». Un tribunal d’instance ayant annulé les élections des membres du comité d’entreprise et des délégués du personnel, des syndicats ont demandé également l’annulation de la désignation des membres du CHSCT. Selon la Cour de cassation, « l’annulation des élections des membres du comité d’entreprise et des délégués du personnel ne fait perdre aux salariés élus leur qualité de membre de ces institutions représentatives du personnel qu’à compter du jour où elle est prononcée ». Par conséquent, en l’espèce, « l’annulation des élections des délégués du personnel et des membres du comité d’entreprise le 1er avril 2014 était sans incidence sur la régularité de l’élection des membres du CHSCT organisée le 31 mars précédent » (Cass. Soc., 15 avr. 2015, n°14-19.139).
Discipline: Une demande d’explications écrites peut constituer une sanction disciplinaire.
Aux termes de l’article L. 1331-1 du Code du travail, « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salariés dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ». En l’espèce, un salarié avait été licencié pour faute grave après avoir fait l’objet de nombreuses demandes d’explication, considérées, par les juges du fond, comme de simples mesures d’instruction. Or, pour la Cour de cassation, ces demandes d’explications écrites constituaient une sanction, dans la mesure où cette procédure avait été mise en œuvre à la suite de faits considérés comme fautifs, que le salarié devait répondre seul et immédiatement aux questions posées et que le procès-verbal consignant les demandes et les réponses était conservé dans le dossier individuel du salarié (Cass. Soc., 19 mai 2015, n°13-26.916).
Loyauté: Effets de la clause de non-concurrence sur le préavis non effectué.
Un cabinet d’experts comptables a assigné un ancien salarié, mis à la retraite, pour actes de concurrence déloyale pendant le préavis dont il était dispensé de l’exécution. Selon l’ancien employeur, l’inexécution du préavis n’avait pas pour conséquence d’avancer la date à laquelle le contrat de travail prenait fin, de sorte que l’obligation de loyauté découlant du contrat de travail se poursuivait pendant cette période. La Haute juridiction ne suit pas cette argumentation et approuve la cour d’appel d’avoir décidé que l’intéressé pouvait, pendant la durée du délai-congé non effectué, entrer au service d’une entreprise concurrente, dans la mesure où ce salarié n’était plus soumis à la clause de non-concurrence insérée dans son contrat de travail et qu’il avait été dispensé d’effectuer son préavis. Elle ajoute que « l’employeur n’était pas plus fondé, pour pallier l’échec d’une action en concurrence déloyale, à faire état, sur un fondement contractuel cette fois, d’une quelconque déloyauté du salarié, ne pouvant pas plus invoquer l’obligation de respect de clientèle dont faisait état la lettre de mise à la retraite s’analysant en une clause de non-concurrence radicalement nulle à défaut de contrepartie financière » (Cass. Soc., 6 mai 2015, n°14-11.001).
Contrat de travail: Requalification d’une relation commerciale en contrat de travail.
Un auto-entrepreneur demandait la requalification de sa relation commerciale avec une société en contrat de travail. Les juges du fond l’avaient débouté de sa demande, se fondant sur son refus d’assister à une foire d’exposition et sur les factures de services qu’il avait adressées à la société. La Haute juridiction casse cet arrêt, car plusieurs indices permettaient de caractériser l’existence d’un lien de subordination entre les parties : travail dans le respect d’un planning quotidien précis établi par la société, obligation d’assister à des entretiens individuels et à des réunions commerciales, assignation d’objectifs de chiffre d’affaires annuel. Il était également imposé à l’intéressé, « en des termes acerbes et critiques, de passer les ventes selon une procédure déterminée sous peine que celles-ci soient refusées » (Cass. Soc., 6 mai 2015, n°13-27.535).
Inaptitude physique : Précisions sur le contenu de l’obligation de reclassement.
Une salariée, licenciée pour inaptitude à la suite d’une maladie professionnelle, contestait la régularité de son licenciement. Les juges du fond l’ont déboutée, constatant que l’employeur avait respecté son obligation de reclassement, puisqu’il avait notamment aménagé son poste de façon ergonomique et son temps de travail dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique. La Haute juridiction casse cet arrêt en énonçant que « seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail émises au cours de la visite de reprise peuvent être prises en considération pour apprécier le respect par l’employeur de son obligation de reclassement ». Par conséquent, « en se référant à des démarches et aménagements antérieurs à l’avis d’inaptitude, et sans rechercher, comme il lui était demandé, si l’employeur avait, postérieurement au second avis du médecin du travail, mis en œuvre des mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail, la cour d’appel n’a pas donné de de base légale à sa décision » (Cass. Soc. 6 mai 2015, n°13-24.496).
Informatique et libertés: Les employeurs ne peuvent mettre en place un système de recherche d’infractions pédopornographiques.
Une société reprochait à la Cnil d’avoir refusé de lui délivrer une autorisation de mettre en œuvre un traitement de recherche des infractions à caractère pédopornographique que pourraient commettre ses salariés. Ce système consistait à « rapprocher les consultations de sites et les chargements de toute origine opérés à partir de postes informatiques de chacun [des] salariés avec un fichier d’empreintes numériques correspondant à des contenus pédopornographiques communiqués par les autorités de police afin, en cas de coïncidence, de provoquer une alerte, conduisant les gestionnaires de la base, après analyse des faits, à saisir, le cas échéant, les autorités compétentes d’une infraction suspectée ». Le Conseil d’Etat approuve la décision de la Cnil, car les employeurs ne sont pas habilités à mettre en place des traitements automatisés ayant « pour seul but de rechercher et de constater l’existence d’infractions pénales » (CE, 11 mai 2015, n°375669).