Newsletter n°80 – Août 2015
Harcèlement moral: justification d’une prise d’acte en cas d’absence de mesures prises par l’employeur.
Une salariée en congé parental avait saisi le Conseil de prud’hommes consécutivement à la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail. Pour ce faire, elle invoquait l’attitude violente de son supérieur hiérarchique et sa peur de retourner dans l’entreprise. L’employeur avait été informé de cette situation avant le départ en congé de la salariée. Mais c’est seulement après la prise d’acte de la salariée qu’il avait mené l’enquête et licencié le salarié harceleur. La Cour de cassation a jugé que la prise d’acte produisait les effets d’un licenciement nul, au motif que « l’employeur, bien qu’informé de tels faits n’avait pris, au jour de la rupture, aucune mesure pour les faire cesser et que la salariée pouvait légitimement craindre la perpétuation des agissements de harcèlement moral lors de son retour dans l’entreprise où l’auteur du harcèlement pouvait toujours se manifester puisque l’employeur ne s’était pas encore décidé de le licencier » (Cass. Soc., 8 juillet 2015, n°14-13.324).
Conflit collectif: le mouvement de grève est illicite si l’employeur n’est pas informé des revendications.
Un salarié et sept de ses collègues avaient cessé leur travail afin d’obtenir un acompte sur treizième mois. C’est en voyant les portes de l’entreprise entravées que l’employeur a voulu connaître les raisons de ce blocage et entamé lui-même le dialogue avec les salariés grévistes. Pour la Cour de cassation, même si l’exercice du droit de grève n’est soumis à aucun préavis, sauf dispositions législatives le prévoyant, l’employeur doit avoir connaissance des revendications professionnelles collectives au moment de l’arrêt de travail, peu important les modalités de cette information. A défaut, le salarié initiateur du mouvement de grève ne peut se prévaloir de la protection attachée au droit de grève (Cass. Soc., 30 juin 2015, n°14-11.077).
Période d’essai: l’accord du salarié pour le renouvellement de la période d’essai doit être exprès.
Un salarié avait été engagé suivant contrat de travail comprenant une période d’essai de trois mois renouvelable. L’employeur a informé le salarié du renouvellement de sa période d’essai par courrier remis en main propre contre décharge. Il a ensuite été mis fin à la période d’essai de ce salarié. Contestant la légitimité de cette rupture, le salarié a saisi la juridiction prud’homale. La Cour de cassation fait droit à ses demandes, au motif que « la seule signature du salarié sur la lettre remise en main propre prolongeant la période d’essai ne saurait valoir accord du salarié à son renouvellement ». Ainsi, l’accord du salarié, nécessaire pour renouveler la période d’essai, doit être exprès et ne peut se déduire de la seule signature de la lettre de renouvellement. A défaut, le licenciement sera jugé sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc., 8 juillet 2015, n°14-11.762).
Période probatoire: pas d’insuffisance professionnelle pendant la période d’adaptation.
Après la suppression de son poste, un salarié avait été reclassé à un autre poste, avec une période d’adaptation de deux mois, afin de « vérifier si ce nouveau poste était compatible avec ses compétences et son expérience ». Le salarié a été licencié pour insuffisance professionnelle au cours de cette période probatoire. La Cour de cassation a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que « si, en cours de contrat, les parties peuvent convenir, à l’occasion d’un changement de fonction du salarié, d’une période d’adaptation, celle-ci ne peut être qu’une période probatoire dont la rupture a pour effet de replacer le salarié dans ses fonctions antérieures » (Cass. Soc., 7 juillet 2015, n°14-10.115).
Loi Macron: importantes modifications en droit social.
La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite « Loi Macron » a été promulguée. Elle prévoit des mesures très diverses ayant un impact important sur la législation sociale. Cette loi réforme tout d’abord la justice prud’homale, en particulier concernant les formations de conciliation et de jugement. Elle autorise également la médiation conventionnelle et la procédure participative en droit du travail. D’autres dispositions concernent le licenciement économique, le travail dominical ou encore l’épargne salariale (Loi n° 2015-990 du 6 août 2015, JO du 7 août).
Nous publierons prochainement un numéro spécial consacré à la loi Macron.
Loi Rebsamen: les modalités du dialogue social fortement impactées.
La loi relative au dialogue social et à l’emploi dite « Loi Rebsamen » a également été promulguée pendant l’été. Elle modifie en profondeur les modalités d’exercice du dialogue social. Il est notamment prévu l’instauration d’une représentation des salariés dans les entreprises de moins de 11 salariés. La délégation unique du personnel est possible dans les entreprises de 50 à 300 salariés, contre 200 auparavant. Un compte personnel d’activité sera par ailleurs mis en place. La santé au travail est également concernée, avec l’allègement de l’obligation de reclassement de l’employeur en cas d’inaptitude ou encore la reconnaissance de certaines pathologies psychiques comme maladies professionnelles (Loi n°2015-994 du 17 août 2015, JO 18 août).
Nous publierons prochainement un numéro spécial consacré à la loi Rebsamen.
Portage salarial: indemnisation du chômage des salariés portés.
Une instruction Pôle emploi du 31 juillet 2015 rappelle les conditions d’indemnisation des salariés travaillant dans le cadre d’un portage salarial. Pour toute rupture de contrat de portage à compter du 3 avril 2015, Pôle emploi n’a plus à vérifier l’existence d’un contrat de travail, et notamment d’un lien de subordination. Par conséquent, l’attestation employeur spécifique au portage n’est plus exigée. L’attestation Pôle emploi habituelle comprend désormais une mention supplémentaire « salarié en portage salarial » à la section 4 « Emploi ». Un salarié peut cumuler, selon les règles de droit commun, les revenus issus d’une activité reprise en portage salarial avec l’allocation d’aide au retour à l’emploi. Un salarié peut également reprendre une activité de portage au cours d’un contrat de sécurisation professionnelle. Par ailleurs, un projet de loi a été présenté en Conseil des ministres le 19 août dernier afin de ratifier l’ordonnance du 2 avril 2015 encadrant le portage salarial (Instr. Pôle emploi, 31 juillet 2015, BOPE n°2015-67).