Newsletter n°82 – Octobre 2015
Licenciement économique: conséquences du refus de financer l'expert demandé par les élus.
Des représentants du personnel ont demandé au juge administratif d’annuler l’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi, notamment au motif qu’ils avaient demandé l’assistance d’un expert-comptable aux frais de l’employeur, que l’administrateur judiciaire avait refusée. Le Conseil d’Etat reconnaît que « la délégation unique du personnel ayant ainsi été privée du droit qu’elle tenait [du Code du travail], elle ne pouvait en principe être regardée comme ayant été mise à même de formuler son avis en toute connaissance de cause ». Le plan de sauvegarde de l’emploi n’aurait donc pas dû être homologué. Cependant, dans cette affaire, le Conseil d’Etat retient une solution plus modérée : s’agissant d’une entreprise en liquidation judiciaire, elle admet la régularité de la procédure, dans le mesure où la délégation unique du personnel avait tout de même pu recourir à un expert à ses frais, lequel a pu exercer sa mission en étant associé à la procédure (CE, 21 octobre 2015, n°382633).
Inaptitude physique: précisions sur l'indemnisation du salarié.
Un salarié, licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement à la suite d’un accident du travail, ne peut plus prétendre à une indemnisation pour la perte d’emploi et de droits à retraite. La Cour de cassation opère en effet un revirement en disposant désormais que « la demande d’indemnisation de la perte, même consécutive à un licenciement du salarié pour inaptitude, tant de l’emploi que des droits à la retraite [correspond] en réalité à une demande de réparation des conséquences de l’accident du travail » (Cass. Soc., 6 octobre 2015, n°13-26.052).
Salariés protégés: renouvellement d'un mandat extérieur à l'entreprise et protection contre la rupture du contrat de travail.
Les conseillers prud’homaux bénéficient de la même protection contre la rupture de leur contrat de travail qu’un représentant du personnel de l’entreprise. La Cour de cassation avait déjà jugé qu’un conseiller prud’hommes ne pouvait pas prétendre à cette protection s’il n’avait pas informé son employeur de son mandat, au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement (Cass. Soc. 26 mars 2013, n°12-20.269). En l’espèce, elle retient une solution similaire à l’égard d’une salariée qui n’avait pas informé son employeur que son mandat de conseiller prud’homal avait été renouvelé. Elle ne pouvait donc lui reprocher de ne pas avoir demandé à l’inspection du travail de valider la rupture conventionnelle de son contrat de travail (Cass. Soc., 30 septembre 2015, n°14-17.748).
Rupture du contrat de travail: conséquences du caractère équivoque d'un départ à la retraite.
Selon la Cour de cassation, « le départ à la retraite du salarié est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; […] lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de son départ à la retraite, remet en cause celui-ci en raison de faits ou manquements imputables à l’employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de son départ qu’à la date à laquelle il a été décidé, celui-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ». La solution habituellement retenue en matière de démission est ainsi transposée au départ à la retraite (Cass. Soc. 30 septembre 2015, n°13-11.858).
Salariés protégés: précisions sur la compétence matérielle pour reconnaître l'existence d'un co-emploi.
Lorsqu’un salarié protégé est licencié, il doit contester l’autorisation de son licenciement devant la juridiction administrative. En l’espèce, un salarié, dont le licenciement pour motif économique avait régulièrement été autorisé par l’inspecteur du travail, a saisi le juge judiciaire pour demander la reconnaissance d’une situation de co-emploi et obtenir la nullité de son licenciement. La cour d’appel l’a débouté de ses demandes, considérant que « l’intéressé n’avait exercé aucun recours devant le tribunal administratif et que l’autorité judiciaire n’était donc pas compétente pour apprécier la demande relative à l’existence d’un co-employeur ». La Haute juridiction casse cet arrêt et autorise le salarié à saisir le juge judiciaire pour la reconnaissance d’un co-emploi, dès lors que la décision administrative qui avait autorisé le licenciement du salarié ne s’était pas prononcée sur cette situation de co-emploi (Cass. Soc., 30 septembre 2015, n°13-27.872).
Représentants du personnel: conséquences du non-paiement des heures de délégation.
Aux termes des articles L. 2315-3 et L. 2325-7 du Code du travail, « le temps passé en heures de délégation est de plein droit considéré comme du temps de travail et payé à l’échéance normale. L’employeur qui entend contester l’utilisation faite des heures de délégation saisit le juge judiciaire ». Dans ces conditions, la Haute juridiction considère que le défaut de paiement des heures de délégation d’un représentant du personnel justifie une prise d’acte de la rupture de son contrat de travail (Cass. Soc., 14 octobre 2015, n°14-12.193).
Licenciement économique: dérogation au périmètre de fixation des critères d'ordre.
Un accord collectif conclu au niveau de l’entreprise peut prévoir, pour l’application des critères déterminant l’ordre des licenciements, un périmètre inférieur à celui de l’entreprise (Cass. Soc., 14 octobre 2015, n°14-14.339).
Travail illégal: publication de la "liste noire" des condamnations pour travail illégal.
Désormais, les juridictions pourront ordonner la diffusion des décisions de condamnation des employeurs (aussi bien personnes physiques que personnes morales) ayant recouru au travail illégal. Ces condamnations seront mises en ligne sur le site internet du ministère du travail (D. n°2015-1327 du 21 octobre 2015, JO du 23 octobre).
Formation professionnelle: encadrement du recours aux stagiaires.
Le nombre de stagiaires qu’une entreprise peut accueillir est fixé à :
– 15 % de l’effectif pour les entreprises qui emploient 20 salariés et plus ;
– 3 stagiaires pour les entreprises dont l’effectif est inférieur à 20 (D. n°2015-1359 du 26 octobre 2015, JO du 28 octobre).