Newsletter n°83 – Novembre 2015
Hygiène et sécurité : obligation de sécurité de résultat et mesures de prévention.
Un chef de cabine long courrier, victime d’une crise de panique avant un vol, avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité après les attentats du 11 septembre 2001. Pour la Cour de cassation, « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues » par le Code du travail. En l’espèce, les juges du fond et la Haute juridiction ont retenu que l’employeur avait respecté son obligation de prévention car il avait, au retour de New-York le 11 septembre 2001, fait accueillir le salarié, comme tout l’équipage, par l’ensemble du personnel médical mobilisé pour assurer une présence jour et nuit et orienter éventuellement les intéressés vers des consultations psychiatriques. Par ailleurs, le salarié, qui avait été déclaré apte lors de quatre visites médicales, avait exercé sans difficulté ses fonctions jusqu’au mois d’avril 2006 (Cass. Soc., 25 novembre 2015, n°14-24.444).
Rupture du contrat de travail: contestation dans le cadre d’un congé de mobilité.
Dans les entreprises de plus de 1000 salariés, l’employeur peut proposer aux salariés, dans le cadre d’une procédure de licenciement collectif pour motif économique, un congé de mobilité. L’acceptation par le salarié de cette proposition emporte rupture du contrat de travail d’un commun accord. Pour la première fois, la Cour de cassation admet que cela ne prive pas le salarié de la possibilité d’en contester le motif économique. Cette solution est similaire à celle consacrée dans le cadre de l’acception du contrat de sécurisation professionnelle, proposé dans les entreprises de moins de 1.000 salariés (Cass. Soc., 12 novembre 2015, n°14-15.430).
Discipline: définition de la faute lourde.
Selon la Cour de cassation, « la faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise ». Dans deux affaires jugées le même jour, la Haute juridiction rejette cette qualification, d’une part, à l’égard d’un directeur d’établissement qui s’était octroyé des primes exceptionnelles et des acomptes sur salaire sans prévoir de modalités de remboursement, et, d’autre part, à l’égard d’un assistant export qui avait détourné sur son compte personnel 60.000 € provenant du règlement d’une facture de la société qui l’employait (Cass. Soc., 22 octobre 2015, n°14-11.801 et 14-11.291).
Discipline: précisions relatives au principe « non bis in idem ».
En l’espèce, une salariée contestait son licenciement pour faute grave en invoquant notamment le fait que son employeur l’aurait sanctionnée deux fois pour les mêmes faits. En effet, elle considérait que le compte-rendu d’un entretien rédigé un mois plus tôt par son employeur, dans lequel ce dernier énumérait les griefs utilisés par la suite pour fonder le licenciement, constituait une sanction, dans la mesure où ce document avait été conservé dans son dossier. Selon la Cour de cassation, « ayant relevé que le document rédigé par l’employeur [n’était] qu’un compte rendu d’un entretien au cours duquel il [avait] énuméré divers griefs et insuffisances qu’il imputait à la salariée, sans traduire une volonté de sa part de le sanctionner, la cour d’appel a pu en déduire qu’il ne s’analysait pas en une mesure disciplinaire et n’avait donc pas eu pour effet d’épuiser le pouvoir disciplinaire de l’employeur » (Cass. Soc., 12 novembre 2015, n°14-17.615).
Représentants du personnel : étendue de la qualité à agir du comité d’entreprise.
En l’espèce, un syndicat et le comité d’entreprise d’une société d’assistance technique par téléphone réclamaient l’application de la convention collective du Syntec en lieu et place de celle des commerces de détail de la papeterie. Le comité d’entreprise reprochait à la cour d’appel de l’avoir déclaré irrecevable en son action. Pour la Cour de cassation, « si les organisations ou groupements ayant la capacité d’ester en justice, liés par une convention ou un accord collectif de travail, peuvent en leur nom propre intenter contre toute personne liée par la convention ou l’accord toute action visant à obtenir l’exécution des engagements contractés et le cas échéant, des dommages-intérêts, cette disposition ne concerne pas le comité d’entreprise, mais seulement les organisations ou groupements qui ont le pouvoir de conclure une convention ou un accord collectif de travail » (Cass. Soc., 17 novembre 2015, n°14-13.072).
Temps de travail: restrictions concernant le recours au forfait en heures.
Après avoir invalidé le forfait-jours en juin 2011, la Cour de cassation s’intéresse désormais au recours au forfait-heures hebdomadaire dans la branche du Syntec, dont la convention collective prévoit une convention horaire sur une base hebdomadaire de 38 heures 30 pour les salariés relevant des modalités 2 « réalisations de missions ». La Haute juridiction considère que « seuls les ingénieurs et cadres dont la rémunération est au moins égale au plafond de la sécurité sociale » peuvent être soumis à une telle modalité d’aménagement du temps de travail et rappelle que « lorsqu’un employeur est lié par les clauses d’une convention collective, ces clauses s’appliquent au contrat de travail, sauf stipulations plus favorables et que le salarié ne peut renoncer aux droits qu’il tient de la convention collective » (Cass. Soc., 4 novembre 2015, n°14-25.745).
Représentants du personnel : étendue de la qualité à agir du CHSCT.
Un CHSCT et plusieurs syndicats demandaient l’annulation d’une décision de validation d’un PSE. L’article L. 1235-7-1 alinéa 3 du Code du travail dispose qu’un tel « recours est présenté dans un délai de deux mois par l’employeur à compter de la notification de la décision de validation ou d’homologation, et par les organisations syndicales et les salariés à compter de la date à laquelle cette décision a été portée à leur connaissance conformément à l’article L. 1233-57-4 ». Le Conseil d’Etat en déduit que le CHSCT n’est pas recevable à exercer ce recours (CE, 21 octobre 2015, n°38623).
Retraites chapeau : suppression de la contribution patronale additionnelle.
Instituée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, cette contribution de 45 % à la charge de l’employeur est jugée contraire à la Constitution, car elle crée « une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ». Par conséquent, le Conseil Constitutionnel a décidé de son abrogation immédiate (CC, 20 novembre 2015, n°2015-498 QPC).