Newsletter n°84 – Décembre 2015
Visites médicales obligatoires: l’employeur ne peut justifier ses manquements par des difficultés avec la médecine du travail.
Un salarié licencié a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes. Il avance notamment un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat en raison de l’absence de visite médicale d’embauche et de visites périodiques. L’employeur considère avoir accompli les démarches nécessaires en produisant les preuves du versement des cotisations et des courriers recommandés destinés à la prise de rendez-vous pour les visites. La Cour de cassation a donné droit au salarié en décidant que « l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité ». Les manquements de l’employeur avaient nécessairement causé un préjudice au salarié (Cass. Soc., 9 déc. 2015, n°14-20.377).
Discipline: photocopier ses bulletins de paie peut s’apparenter à une atteinte au droit de propriété.
Un salarié a été licencié pour faute grave pour avoir photocopié les bulletins de paie détenus par son employeur, n’étant plus en possession de ses propres exemplaires. Pour le salarié, il ne s’agissait pas d’une faute, puisque l’employeur a l’obligation de fournir des bulletins de paie au salarié. Il arguait également du fait qu’un salarié peut reproduire des documents dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, dès lors qu’ils sont nécessaires à l’exercice des droits de sa défense dans un litige prud’homal l’opposant à son employeur. Mais pour la Cour de cassation, le licenciement était justifié. Le salarié s’était en effet emparé de documents appartenant à l’entreprise sans autorisation préalable de son employeur, pour en faire des copies. Il s’agissait donc d’une atteinte au droit de propriété (Cass. Soc., 8 déc. 2015, n°14-17.759).
Co-emploi: pas de co-emploi en l’absence de confusion d’intérêts, d’activités et de direction.
Une filiale a été placée en liquidation judiciaire un an après son rachat par un Groupe. Les juges du fond ont constaté une perte d’autonomie de cette filiale, ainsi qu’un lien de dépendance entre les directions des deux sociétés et une immixtion dans la gestion du personnel et dans les choix stratégiques. La Cour de cassation a jugé au contraire « que le fait que les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et soient en étroite collaboration avec la société mère, et que celle-ci ait pris durant les quelques mois suivant la prise de contrôle de la filiale des décisions visant à sa réorganisation dans le cadre de la politique du groupe, puis ait renoncé à son concours financier destiné à éviter une liquidation judiciaire de la filiale, tout en s’impliquant dans les recherches de reclassement des salariés au sein du groupe, ne pouvait suffire à caractériser une situation de coemploi ». La Cour de cassation rappelle que le co-emploi se caractérise par « une confusion d’intérêts, d’activités et de direction, se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale » de l’autre société (Cass. Soc., 10 déc. 2015, n°14-19.316).
Représentants du personnel: validité de la convocation par voie électronique des membres du CHSCT.
Des membres du CHSCT ont sollicité la tenue d’une réunion exceptionnelle auprès de leur employeur. Tous les membres du CHSCT ont été convoqués à cette réunion et en ont reçu l’ordre du jour par courriel au moyen d’une liste de distribution intitulée « chsct.cis-paris.fr ». Le secrétaire du CHSCT a contesté ce mode de convocation, estimant qu’il était impossible de savoir si chaque membre avait été convoqué individuellement. La Cour de cassation valide ce mode de convocation, en précisant que le Code du travail n’impose aucune forme particulière pour la convocation des membres du CHSCT. La liste de distribution devra cependant inclure l’adresse email de chaque membre du CHSCT (Cass. Soc., 25 nov. 2015, n°14-16.067).
Détachement: suspension de la prestation de services internationale en cas de fraude.
Un décret pris en application de la loi Macron précise les conditions dans lesquelles l’inspection du travail peut suspendre une prestation de services réalisée en France par un employeur étranger. En cas de constatation d’une infraction aux temps de repos, au Smic, à la durée du travail ou à des conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine, l’inspecteur met l’employeur en demeure de régulariser les manquements sous un délai de 3 jours. A défaut, la Direccte est informée par un rapport et doit inviter l’employeur à présenter ses observations sous 3 jours. La Direccte peut alors décider de suspendre la prestation de services jusqu’à régularisation par l’employeur, et pendant un délai maximal d’un mois (D. n°2015-1579 du 3 déc. 2015, JO du 4 déc.).
Rescrit social: simplification et extension de la procédure.
Le rescrit social permet à un cotisant d’obtenir une décision explicite des organismes de recouvrement sur l’application de la législation en matière de cotisations et contributions sociales. Le rescrit lie ensuite cet organisme, sauf changement de législation ou de situation de fait. L’ordonnance supprime la liste limitative des cotisations visées. Le rescrit est désormais possible pour toutes les cotisations et contributions sociales. La demande de rescrit peut être faite par le cotisant, mais un tiers dûment mandaté (expert-comptable ou avocat) peut désormais en faire aussi la demande, ainsi que les organisations syndicales représentatives dans une branche professionnelle pour une application spécifique à la situation de cette branche. Enfin, la procédure de rescrit social est ouverte aux entreprises voulant sécuriser leurs accords collectifs et plans d’actions en matière d’égalité femmes/hommes, ainsi que pour l’application de la législation sur l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés (Ord. n°2015-1628 du 10 déc. 2015, JO 11 déc.).
Reclassement à l’étranger: simplification de la procédure pour les entreprises.
Depuis la loi Macron, la recherche de reclassement à l’étranger, en cas de licenciement dans une entreprise ou un groupe international, n’est plus systématique. Désormais, l’employeur doit informer le salarié de la possibilité de recevoir des offres de reclassement à l’étranger. Le salarié dispose alors d’un délai de 7 jours ouvrables pour formuler sa demande. L’employeur lui transmet ensuite des offres écrites et précises, c’est-à-dire qu’elle doit contenir le nom de l’employeur, la localisation, l’intitulé du poste, la rémunération, la nature du contrat de travail et la langue de travail. Le salarié notifie son accord ou son refus à l’employeur dans le délai qui lui est imparti et qui ne peut être inférieur à 8 jours (D. n°2015-1637 et 2015-1638 du 21 déc. 2015, JO 22 déc.).