Newsletter n°86 – Février 2016
Contrat de travail: conséquence d’une modification imposée par une convention collective.
La charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective sectorielle, permet aux clubs de diminuer la rémunération de leurs joueurs en cas de relégation en division inférieure. Les joueurs ont 8 jours pour répondre à cette proposition, l’absence de réponse écrite dans ce délai valant acceptation de la diminution. En l’espèce, les juges du fond ont rejeté le recours d’un joueur, au motif que ce dernier avait contesté la baisse de sa rémunération plus d’une année après. Or, selon la Cour de cassation, « sauf disposition légale contraire, une convention collective ne peut permettre à un employeur de procéder à la modification du contrat de travail sans recueillir l’accord exprès du salarié » (Cass. Soc., 10 février 2016, n°14-26.147).
Vie privée: sort des courriels issus de la messagerie personnelle versés dans la procédure.
En l’espèce, les courriels produits par l’employeur provenaient de la messagerie personnelle de la salariée mais avaient été retrouvés sur l’ordinateur professionnel de celle-ci. La Cour de cassation approuve ici la cour d’appel de les avoir écartés des débats en ce que leur production en justice portait atteinte au secret des correspondances, dès lors que « les messages électroniques litigieux provenaient de la messagerie personnelle de la salariée distincte de la messagerie professionnelle dont celle-ci disposait pour les besoins de son activité » (Cass., Soc., 26 janvier 2016, n°14-15.360).
Syndicats: précisions sur l’intérêt à agir des syndicats.
L’article L. 2132-3 du Code du travail dispose que « les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent ». En l’espèce, un syndicat avait notamment fait citer une société devant le tribunal correctionnel du chef de non-déclaration à la CNIL d’un système de vidéosurveillance. La Cour de cassation confirme la décision des juges du fond d’avoir déclaré cette action recevable « dès lors que […] les faits […] avaient pour conséquence de permettre l’enregistrement illicite de l’image des salariés dans leur activité, et notamment dans l’exercice de leurs droits syndicaux, et d’en permettre le traitement et la conservation, sans le consentement des intéressés » (Cass. Crim., 9 février 2016, n°14-87.753).
CHSCT: délai de prescription de l’action en contestation de l’expertise.
L’article L. 4614-13 du Code du travail donne à l’employeur la possibilité de saisir le juge judiciaire pour « contester la nécessité de l’expertise, la désignation de l’expert, le coût, l’étendue ou le délai de l’expertise ». L’article R. 4614-19 du même code précise uniquement que le président du TGI « statue en urgence » sur ces contestations. Dans cinq affaires examinées le même jour, les employeurs avaient saisi le juge plusieurs mois après la désignation d’un expert par le CHSCT. La Haute juridiction précise de manière inédite que « l’action de l’employeur en contestation de l’expertise décidée par le CHSCT n’est soumise, en l’absence de texte spécifique, qu’au délai de prescription de droit commun de l’article 2224 du code civil », soit cinq ans (Cass. Soc. 17 février 2016, n°14-15.178, 14-22.097, 14-13.858, 14-18.381 et 14-25.358).
Licenciement: sanction du licenciement d’un salarié malade.
Une jurisprudence constante permet à l’employeur de licencier un salarié malade pour perturbation du fonctionnement de l’entreprise, dès lors que le remplacement définitif de ce dernier est nécessaire. La Cour de cassation précise, pour la première fois, que lorsque l’employeur n’a pas procédé au remplacement définitif du salarié, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, mais n’est pas nécessairement nul, en l’absence de tout élément de nature à laisser présumer l’existence d’une discrimination (Cass., Soc., 27 janvier 2016, n°14-10.084).
Représentants du personnel: précisions sur le champ d’application du droit d’alerte.
Aux termes de l’article L. 2313-2 du Code du travail, « si un délégué du personnel constate, notamment par l’intermédiaire d’un salarié, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l’employeur ». Dans cette affaire, le droit d’alerte avait été mis en œuvre pour atteinte à la santé physique d’une déléguée syndicale qui avait été sanctionnée. La déléguée du personnel reprochait à l’employeur de ne pas avoir tenu compte de ce droit d’alerte. Pour la Haute juridiction, « l’exercice du droit d’alerte conféré aux délégués du personnel ne saurait avoir pour objet de faire annuler une sanction disciplinaire pour laquelle le salarié concerné dispose d’une voie de recours spécifique » (Cass. Soc., 9 février 2016, n°14-18.567).
Travailleurs handicapés : nouvelles modalités pour remplir l’obligation d’emploi.
Un décret précise comment les employeurs soumis à cette obligation peuvent y satisfaire partiellement en passant des contrats de fournitures, de sous-traitance ou de prestations de services avec des travailleurs indépendants handicapés et en accueillant des personnes handicapées pour des périodes de mise en situation en milieu professionnel (D. n°2016-60 du 28 janvier 2016, JO du 30 janvier).
Cotisations sociales: procédure de transaction en matière de recouvrement.
Les employeurs ont désormais la possibilité de conclure une transaction avec l’URSSAF sur les redressements non prescrits et qui n’ont fait l’objet d’aucune décision de justice définitive. La demande de transaction doit être adressée par écrit au directeur de l’URSSAF par l’employeur, son expert-comptable ou son avocat. Elle n’est recevable qu’après réception de la mise en demeure prévue à l’article L. 244-2 du Code de la sécurité sociale (D. n°2016-154 du 15 février 2016, JO du 17 février).
Représentants des employeurs: validité du critère de l’audience pour la mesure de la représentativité.
Le Conseil Constitutionnel, statuant sur une QPC, déclare conformes à la Constitution les dispositions du Code du travail selon lesquelles la représentativité des organisations d’employeurs est notamment déterminée selon leur audience, laquelle se mesure en fonction du nombre des entreprises adhérentes à l’organisation professionnelle, sans prendre en considération le nombre des salariés ou le chiffre d’affaires de ces entreprises (CC, QPC 2015-519, 3 février 2016).