Newsletter n°88 – Avril 2016
Rémunération: conséquences du retard dans le paiement du salaire.
Pour la Haute juridiction, « le retard dans le paiement du salaire est un élément susceptible de constituer un acte de harcèlement ». Elle précise également, dans cet arrêt, que les juges du fond ne doivent pas procéder à une appréciation séparée de chaque élément invoqué par le salarié, mais « dire si, pris dans leur ensemble, les éléments établis laissaient présumer l’existence d’un harcèlement moral, et dans l’affirmative, […] apprécier les éléments de preuve fournis par l’employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral » (Cass. Soc., 7 avril 2016, n°14-28.250).
Rémunération: conséquences de la remise tardive des bulletins de paie.
Revenant sur une jurisprudence constante selon laquelle la non-délivrance ou la délivrance tardive des certificats de travail et bulletins de paie cause nécessairement un préjudice au salarié, la Cour de cassation juge désormais que « l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ». Il appartient donc au salarié d’apporter des éléments pour justifier le préjudice allégué (Cass. Soc. 13 avril 2016, n°14-28.296).
Rupture du contrat de travail: irrecevabilité de la prise d’acte reposant sur des faits anciens.
En l’espèce, une salariée, dont le contrat de travail avait unilatéralement été transformé en contrat à temps partiel en 1991, a pris acte de la rupture de son contrat de travail en 2012. La Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir considéré que cette prise d’acte emportait les conséquences d’une démission. Après avoir rappelé que « la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement grave de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail », elle constate en effet, dans cette affaire, que « le manquement de l’employeur, qui avait imposé une modification unilatérale du contrat de travail le 21 juillet 1991 était ancien », de sorte « qu’il n’avait pas empêché la poursuite du contrat de travail » (Cass. Soc., 13 avril 2016, n°15-13.447).
Rupture du contrat de travail: absence de motivation de la convocation à l’entretien préalable au licenciement.
En l’espèce, un salarié titulaire d’un mandat de délégué syndical demandait la nullité de son licenciement pour faute grave en se fondant, notamment, sur la convention OIT n°58, selon laquelle un licenciement ne peut être prononcé avant que le salarié ait eu la possibilité de se défendre contre les allégations formulées par son employeur. Selon le salarié, la lettre de convocation à l’entretien préalable aurait dû énoncer ces griefs afin de lui permettre de préparer sa défense. La Cour de cassation, approuvant les juges du fond, considère que « l’énonciation de l’objet de l’entretien dans la lettre de convocation adressée au salarié par un employeur qui veut procéder à son licenciement et la tenue d’un entretien préalable au cours duquel le salarié, qui a la faculté d’être assisté, peut se défendre contre les griefs formulés par son employeur, satisfont à l’exigence de loyauté et du respect des droits du salarié » (Cass., Soc., 6 avril 2016, n°14-23.198).
Hygiène et sécurité: portée de l’avis d’aptitude avec aménagement du poste délivré par le médecin du travail.
En l’espèce, un salarié, victime d’un accident du travail, avait, à l’issue de deux visites médicales, été déclaré inapte à son poste de conducteur offset, avant d’être reconnu, un mois plus tard, apte à ce même poste avec un aménagement spécifique. Le salarié a refusé de reprendre ce poste et demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Les juges du fond ont fait droit à cette demande aux motifs qu’ayant fait l’objet d’un avis d’inaptitude, il était en droit de refuser le reclassement proposé par l’employeur et validé par le médecin du travail. La Haute juridiction casse cet arrêt car, selon elle, « le salarié avait fait l’objet d’un avis d’aptitude à son poste [postérieurement à l’avis d’inaptitude], lequel s’imposait à défaut de recours devant l’inspecteur du travail, de sorte que l’employeur qui proposait la réintégration du salarié sur son poste réaménagé, conformément aux préconisations du médecin du travail, n’avait pas commis de manquement en ne procédant pas à un licenciement pour inaptitude, ni à une recherche de reclassement supposant, comme la reprise des salaires, une telle inaptitude » (Cass. Soc., 13 avril 2016, n°15-10.400).
Elections professionnelles: précisions relatives aux conséquences de l’annulation des élections.
La Haute juridiction précise ici que la cassation du jugement ayant annulé des élections n’entraîne pas, par elle-même, l’annulation des élections qui ont suivi et à l’encontre desquelles aucune demande n’a été formulée dans le délai de quinze jours. Par conséquent, en l’espèce, le résultat des dernières élections devait être pris en compte pour établir la représentativité des syndicats (Cass. Soc., 12 avril 2016, n°15-18.652).
Conseil de prud’hommes : modalités de désignation des conseillers.
Jusqu’ici élus, les conseillers prud’hommes seront désormais nommés conjointement par le garde des sceaux et le ministre du travail, sur proposition des organisations syndicales et professionnelles pour une durée de quatre ans. Les sièges seront attribués aux organisations à la représentation proportionnelle. Les dispositions de ce texte entreront en vigueur, pour certaines, le 1er février 2017, et pour d’autres, le 1er janvier 2018 (Ord. n°2016-388 du 31 mars 2016, JO du 1er avril).
IRP: modalités de déroulement des réunions.
Un décret détermine les conditions dans lesquelles les institutions représentatives du personnel peuvent se réunir en visioconférence. Il précise également les conditions de recours à l’enregistrement et à la sténographie des séances du comité d’entreprise (D. n°2016-453 du 12 avril 2016, JO du 14 avril).
Inspection du travail : réforme du contrôle de l’application du droit du travail.
Parmi ces nouvelles dispositions, il convient de noter qu’à compter du 1er juillet 2016, le DIRECCTE pourra établir une proposition de transaction, tant que l’action publique n’aura pas été mise en mouvement, sur la poursuite d’une infraction constituant une contravention ou un délit. Une fois acceptée par l’auteur de l’infraction, la proposition de transaction sera soumise à l’homologation du procureur de la République (Ord. n° 2016-413 du 7 avril 2016, JO du 8 avril et D. n°2016-510 du 25 avril 2016, JO du 27 avril).