Newsletter n°89 – Mai 2016
Rupture du contrat de travail: conséquences de l’absence de proposition de reclassement aux salariés ayant accepté un départ volontaire dans le cadre d’un PSE sans engagement de ne pas procéder à des licenciements.
Dans un arrêt de principe, la Cour de cassation énonce que « lorsque les départs volontaires prévus dans un plan de sauvegarde de l’emploi s’adressent aux salariés dont le licenciement est envisagé en raison de la réduction des effectifs, sans engagement de ne pas licencier si l’objectif n’est pas atteint au moyen de ruptures amiables des contrats de travail des intéressés, l’employeur est tenu, à l’égard de ces salariés, d’exécuter au préalable l’obligation de reclassement prévue dans le plan, en leur proposant des emplois disponibles et adaptés à leur situation personnelle, dans les sociétés du groupe dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent la permutation de tout ou partie du personnel ». A défaut d’exécution de l’obligation préalable de reclassement interne prévue dans le plan de sauvegarde de l’emploi, la rupture des contrats de travail pour motif économique produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc., 19 mai 2016, n° 15-12.137 à 15-12.148).
Rupture du contrat de travail: précisions sur l’étendue de l’obligation d’énoncer les motifs économiques dans la lettre de licenciement.
En l’espèce, une cour d’appel avait jugé un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, au motif notamment que la lettre de licenciement faisait exclusivement état des difficultés économiques de la société sans aucune référence à la situation du secteur d’activité du groupe auquel elle appartenait. La Cour de cassation a censuré cet arrêt, considérant que « si la lettre de licenciement doit énoncer la cause économique du licenciement telle que prévue par l’article L.1233-3 du code du travail et l’incidence matérielle de cette cause économique sur l’emploi ou le contrat de travail du salarié, l’appréciation de l’existence du motif invoqué relève de la discussion devant le juge en cas de litige » et qu’il n’est pas nécessaire que « [la lettre de licenciement] précise le niveau d’appréciation de la cause économique quand l’entreprise appartient à un groupe ; que c’est seulement en cas de litige qu’il appartient à l’employeur de démontrer, dans le périmètre pertinent, la réalité et le sérieux du motif invoqué » (Cass. Soc., 3 mai 2016, n° 15-11.046).
Institutions représentatives du personnel : sanctions de la carence irrégulière d’IRP.
La Cour de cassation précise la portée de l’article L.1235-15 du Code du travail tel qu’issu de la recodification de l’ancien article L.321-2-1 du Code du travail, qui disposait que « dans les entreprises employant au moins cinquante salariés où le comité d’entreprise n’a pas été mis en place alors qu’aucun procès-verbal de carence n’a été établi et dans les entreprises employant au moins onze salariés où aucun délégué du personnel n’a été mis en place alors qu’aucun procès-verbal de carence n’a été établi, tout licenciement pour motif économique s’effectuant sans que, de ce fait, les obligations d’information, de réunion et de consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel soient respectées, est irrégulier et le salarié ainsi licencié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut, sans préjudice des indemnités de licenciement et de préavis qui lui sont par ailleurs dues ». Si le nouvel article L.1235-15 du Code du travail ne contient plus la référence à l’obligation d’information-consultation, la Cour de cassation vient préciser que la recodification était intervenue à droit constant et qu’il en résulte que l’article L.1235-15 du Code du travail n’est applicable qu’aux licenciements économiques collectifs. Ainsi, l’indemnité résultant de la carence irrégulière d’IRP n’est pas due en cas de licenciement individuel pour motif économique (Cass. Soc. 19 mai 2016, n°14-10.251).
Elections professionnelles: conséquences de l’annulation des élections sur les désignations syndicales.
En l’espèce, la question se posait, après l’annulation des élections, du sort de la désignation de délégués syndicaux et de représentants syndicaux au comité d’entreprise, qui ne peuvent être désignés que par des syndicaux représentatifs, c’est-à-dire ayant entre autres obtenu au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections. La Cour de cassation confirme sa position selon laquelle le jugement d’annulation des élections professionnelles n’a pas d’effet rétroactif. Elle considère que « l’annulation des élections est sans incidence sur la régularité des désignations en qualité de délégué syndical et de représentant syndical au comité d’entreprise ». Toutefois, elle ajoute que le maintien des mandats syndicaux prend fin lors des nouvelles élections renouvelant l’institution représentative du personnel (Cass. Soc 11 mai 2016, n°15-60.171).
Requalification de CDD en CDI : point de départ de l’ancienneté en cas de CDD discontinus.
En l’espèce, la cour d’appel avait requalifié un CDD en CDI à compter du 13 décembre 2004, tout en rejetant la demande en paiement de sommes au titre de l’ancienneté, au motif qu’il n’y avait aucune preuve de la persistance de la relation de travail entre 2007 et 2009. La Cour de cassation censure cet arrêt, au motif que « par l’effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié était réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier et qu’il était en droit de se prévaloir à ce titre d’une ancienneté remontant à cette date » (Cass. Soc. 3 mai 2016, n°15-12.256).
Procédure prud’homale: publication du décret d’application de la réforme initiée par la loi Macron du 6 août 2015.
Visant l’objectif d’accélération de la procédure prud’homale, le décret prévoit entres autres la suppression des règles spécifiques de l’unicité et de la péremption d’instance. Il rend obligatoire la représentation en appel par un avocat ou un défenseur syndical à compter du 1er août 2016. Les instances introduites à compter de cette même date doivent contenir un exposé sommaire des motifs de la demande accompagné des pièces. Le nouveau bureau de conciliation et d’orientation voit son rôle de mise en état renforcé. Les nouvelles formations de jugement sont créées pour améliorer les délais de traitement des affaires. Le décret fixe également la procédure devant le tribunal d’instance en cas de recours formé à l’encontre d’une décision de l’autorité administrative en matière préélectorale. Il énonce par ailleurs les conditions de la saisine pour avis de la Cour de cassation par les juridictions judiciaires en interprétation de conventions et d’accords collectifs (D. n°2016-660 du 20 mai 2016, JO du 25 mai).