Newsletter n°90 – Juin 2016
Contrat de travail : conséquences de l’absence de contrepartie pécuniaire à la clause de non-concurrence.
Alors que la jurisprudence considérait traditionnellement que la présence d’une clause de non-concurrence dépourvue de contrepartie pécuniaire causait nécessairement un préjudice au salarié, la Cour de cassation opère ici un revirement important. En effet, elle considère désormais que « l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ». En l’espèce, ces derniers avaient constaté que « le salarié n’avait subi aucun préjudice résultant de l’illicéité de la clause de non concurrence », de sorte qu’il devait être débouté de sa demande d’indemnisation à ce titre (Cass., Soc., 25 mai 2016, n°14-20.578).
Harcèlement: nouvelle précision sur le pouvoir d’appréciation des juges du fond.
La Cour de cassation considère désormais que « le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement » (Cass. Soc., 8 juin 2016, n°14-13.418).
Contrat de travail : conséquences du refus d’une modification du contrat de travail dans le cadre d’un transfert.
Une salariée, dont le contrat de travail avait été transféré en application des dispositions de l’article L. 1224-1 du Code du travail, a été licenciée pour avoir refusé le changement de son lieu de travail. Les juges du fond et la Cour de cassation considèrent tour à tour que, lorsque « l’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail entraîne une modification du contrat de travail autre que le changement d’employeur, le salarié est en droit de s’y opposer ; qu’il appartient alors au cessionnaire, s’il n’est pas en mesure de maintenir les conditions antérieures, soit de formuler de nouvelles propositions, soit de tirer les conséquences de ce refus en engageant une procédure de licenciement », ce dernier reposant alors sur une cause réelle et sérieuse (Cass. Soc., 1er juin 2016, n°14-21.143).
Harcèlement: possibilité inédite pour l’employeur de s’exonérer de sa responsabilité.
Jusqu’ici, la jurisprudence considérait que l’employeur manquait à son obligation de sécurité de résultat lorsqu’un salarié était victime, sur le lieu de travail, d’agissements de harcèlement moral ou sexuel, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements. La Cour de cassation opère ici un revirement de jurisprudence important en admettant désormais que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser » (Cass. Soc., 1er juin 2016, n°14-19.702).
Rupture du contrat de travail : autonomie de la rupture du contrat de travail dans le cadre d’une convention tripartite de transfert.
Aux termes d’une convention tripartite de transfert, il avait été mis fin au contrat de travail d’une salariée avec son employeur d’origine et conclu un contrat de travail avec le repreneur. Licenciée deux mois après par son nouvel employeur, la salariée a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes. Les juges du fond ont notamment considéré que la rupture du contrat de travail conclu entre la salariée et son premier employeur s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, car « la rupture du contrat de travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditions prévues par celles régissant la rupture conventionnelle » et qu’en l’espèce, cette dernière procédure n’avait pas été respectée. La Haute juridiction casse ainsi l’arrêt de la cour d’appel, au motif que « les dispositions […] relatives à la rupture conventionnelle entre un salarié et son employeur ne sont pas applicables à une convention tripartite conclue entre un salarié et deux employeurs successifs ayant pour objet d’organiser, non pas la rupture, mais la poursuite du contrat de travail » (Cass. Soc. 8 juin 2016, n°15-17.555).
Licenciement économique : procédure en matière de reclassement.
Une salariée réclamait une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que, dès lors qu’elle emporte modification de son contrat de travail, l’offre de reclassement faite à un salarié dont le licenciement pour motif économique est envisagé est soumise au respect du délai de réflexion d’un mois prévu pour permettre au salarié de se prononcer. Pour la Cour de cassation, cette formalité, issue des dispositions de l’article L. 1222-6 du Code du travail, n’est pas applicable lorsque la proposition de l’employeur de modifier le contrat de travail est formulée au titre de l’obligation de reclassement dans le cadre du licenciement pour motif économique (Cass. Soc.., 15 juin 2016, n°15-12.504).
Contrat de travail: appréciation stricte de l’obligation de remettre le CDD dans les deux jours.
Aux termes de l’article L. 1242-13 du Code du travail, « le contrat de travail [à durée déterminée] est transmis au salarié, au plus tard, dans les deux jours ouvrables suivant l’embauche ». La méconnaissance de ces dispositions entraîne la requalification du CDD en CDI (Cass. Soc. 17 juin 2005, n°03-42.596). Pour la Cour de cassation, le fait que la déclaration d’embauche ait été établie dans les délais ne peut suppléer l’obligation issue des dispositions rappelées ci-dessus (Cass. Soc., 8 juin 2016, n°15-14.001).
Non-discrimination : création d’un nouveau chef de lutte contre la discrimination.
Afin de lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale, le législateur insère dans le Code du travail et le Code pénal des sanctions en cas de discrimination en raison « de la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, apparente, ou connue » d’une personne. Le Code du travail est par ailleurs complété d’un nouvel article L. 1133-6, aux termes duquel « les mesures prises en faveur des personnes vulnérables en raison de leur situation économique et visant à favoriser l’égalité de traitement ne constituent pas une discrimination » (L. n°2016-832 du 24 juin 2016, JO du 25 juin).