Newsletter n°95 – Novembre 2016
Rupture du contrat de travail : précision relative à la levée de la clause de non-concurrence par l’employeur.
Une société contestait sa condamnation à régler une indemnité spéciale de non-concurrence à une de ses anciennes salariées. Les juges du fond avaient considéré que la renonciation à la clause de non concurrence par l’employeur, un mois et demi après le licenciement, était tardive, dans la mesure où la salariée avait été dispensée de l’exécution de son préavis. La Cour de cassation leur donne raison. Selon elle, « l’employeur qui dispense le salarié de l’exécution de son préavis doit, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, le faire au plus tard à la date du départ effectif de l’intéressé de l’entreprise, nonobstant stipulations ou dispositions contraires » (Cass. Soc. 3 novembre 2016, n°15-17.666).
Représentants du personnel : conditions de recevabilité des moyens de preuve rapportés par un syndicat.
Un syndicat reprochait aux juges du fond d’avoir considéré que des documents appartenant à la société et communiqués aux délégués du personnel dans le cadre d’une consultation constituaient un mode de preuve illicite. La Cour de cassation précise, de manière inédite, que « l’article L.3171-2 du code du travail, qui autorise les délégués du personnel à consulter les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, n’interdit pas à un syndicat de produire ces documents en justice » et que « le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit nécessaire à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi » (Cass. Soc. 9 novembre 2016, n°15-10.203).
Licenciement économique : clarification de la notion de périmètre du groupe.
Pour la première fois, la Cour de cassation énonce que « la cause économique d’un licenciement s’apprécie au niveau de l’entreprise ou, si celle-ci fait partie d’un groupe, au niveau du secteur d’activité du groupe dans lequel elle intervient ; que le périmètre du groupe à prendre en considération à cet effet est l’ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l’influence d’une entreprise dominante dans les conditions définies à l’article L. 2331-1 du Code du travail, sans qu’il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national » (Cass. Soc. 16 novembre 2016, n°14-30.063, 15-19.927, 15-15.190).
Inaptitude: précisions inédites relatives au reclassement du salarié.
Traditionnellement, la Haute juridiction considérait que, dans le cadre d’une procédure de licenciement pour inaptitude, l’employeur ne pouvait pas tenir compte de la position exprimée par le salarié pour orienter ses recherches de reclassement. La Cour de cassation opère ici, dans deux arrêts rendus le même jour, un revirement de jurisprudence : désormais, l’employeur « peut tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte » et, par là même, limiter le périmètre des recherches de reclassement en fonction des souhaits exprimés par le salarié. Dans le premier arrêt, l’employeur a ainsi pu tenir compte du fait que le salarié avait refusé des postes proposés en France en raison de leur éloignement de son domicile et n’avait pas émis la volonté d’être reclassé à l’étranger. Dans le second arrêt, la salariée n’avait pas accepté un poste à Strasbourg et exprimé l’absence de volonté d’être reclassée au niveau du groupe, ce dont a pu tenir compte l’employeur dans le cadre des recherches de reclassement (Cass. Soc. 23 novembre 2016, n°14-26.398 et 15-18.092).
Comité d’entreprise : précision relative au calcul de la contribution aux activités sociales et culturelles.
Un comité d’entreprise reprochait à une cour d’appel d’avoir retenu que la masse salariale servant d’assiette pour le calcul de la contribution patronale due aux activités sociales et culturelles due au comité d’entreprise s’entendait de la masse salariale brute, dont il fallait retrancher la rémunération des dirigeants sociaux et non pas seulement la rémunération des mandataires sociaux. Or, la Haute juridiction retient une position différente. Elle considère, en effet, que « seule la rémunération du mandat social peut être exclue de la masse salariale servant de calcul à la contribution patronale et que les salaires versés aux dirigeants titulaires d’un contrat de travail doivent y demeurer » (Cass. Soc. 3 novembre 2016, n°15-19.385).
Licenciement: publication du référentiel des indemnités dues en cas de licenciement injustifié.
Depuis la loi du 6 août 2015, le juge peut prendre en compte, pour fixer le montant des indemnités qu’il octroie dans le cadre d’un licenciement injustifié, un référentiel indicatif. L’article L. 1235-1 du Code du travail dispose notamment que « ce référentiel fixe le montant de l’indemnité susceptible d’être allouée, en fonction notamment de l’ancienneté, de l’âge et de la situation du demandeur par rapport à l’emploi. Si les parties en font conjointement la demande, l’indemnité est fixée par la seule application de ce référentiel ». Le décret fixant ce barème vient de paraître, tandis qu’un deuxième décret modifie le barème de l’indemnité forfaitaire de conciliation (D. n°2016-1581 et n°2016-1582 du 23 novembre 2016, JO du 25 novembre).
Procédure : loi de modernisation de la justice du XXIe siècle.
En matière de droit du travail, cette réforme apporte deux nouveautés. D’une part, à compter du 1er janvier 2017, les employeurs auront l’obligation de divulguer les coordonnées du salarié d’un véhicule de l’entreprise et, d’autre part, les actions de groupe sont désormais possibles en cas de discrimination collective liée au travail. Ces actions, dont le principe a été validé par le Conseil constitutionnel, pourront être exercées, devant le tribunal de grande instance territorialement compétent, par des associations évoluant dans le domaine du handicap ou de la lutte contre les discriminations, ou par des organisations syndicales (L.n°2016-1547 du 18 novembre 2016, JO du 19 novembre, CC n°2016-739 D du 17 novembre 2016).
Durée du travail : décrets portant diverses mesures relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés.
Ces décrets sont pris pour l’application de la loi du 8 août 2016 et procèdent, pour l’essentiel, à la réécriture de la partie règlementaire du Code du travail portant sur la durée du travail, afin de la mettre en conformité avec les nouvelles dispositions légales. Ils précisent, par ailleurs, les modalités de recours aux congés spécifiques (D. n°2016-1551, 2016-1552, 2016-1553, 2016-1554 et 2016-1555 du 18 novembre 2016, JO du 19 novembre).