Newsletter n°96 – Décembre 2016
Licenciement d’un salarié protégé : précisions relatives au contrôle de l’inspecteur du travail à l’expiration de la période de protection.
Le Conseil d’Etat revient sur sa jurisprudence antérieure, en considérant que l’autorisation de l’inspecteur du travail pour le licenciement de salariés protégés « est requise si le salarié bénéficie de la protection attachée à son mandat à la date de l’envoi par l’employeur de sa convocation à l’entretien préalable au licenciement ». C’est donc « à la date de l’envoi par l’employeur de la convocation du salarié à l’entretien préalable au licenciement » que l’inspecteur doit se placer pour déterminer s’il est compétent pour statuer sur la demande d’autorisation de licenciement et non à la date à laquelle il rend sa décision (CE 23 novembre 2016, n°392059).
Clause de non-concurrence : pas d’extension de la clause au-delà de ce qu’elle prévoit expressément.
Une clause de non-concurrence interdisait à un ancien salarié d’une société d’investissement financier d’exercer « toute fonction similaire au sein d’une entreprise concurrente et s’étend géographiquement à Paris, au Royaume-Uni et à la Suisse ». L’ancien salarié s’était installé en Belgique pour exercer son activité via internet, démarcher la clientèle de son ancien employeur, et travailler sur les marchés de Paris, du Royaume-Uni et de la Suisse. Il sollicitait le versement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, qu’il considérait avoir respecté. La Cour de cassation a fait droit à sa demande, après avoir rappelé qu’« une clause de non-concurrence, qui apporte une restriction aux principes de la liberté fondamentale d’exercer une activité professionnelle et de la liberté d’entreprendre, ne peut être étendue au-delà de ses prévisions » et constaté en pratique que l’ancien salarié avait respecté ces obligations (Cass. Soc. 23 novembre 2016, n°15-13.707, 15-13.708).
Avantages catégoriels : une différence de traitement peut être instituée, sous conditions, en matière de rémunération.
Dans cette espèce, deux accords collectifs instituaient une différence de traitement entre les cadres et les Etam s’agissant de l’assiette de calcul du bonus d’évolution de rémunération. La Cour d’appel avait considéré que l’employeur ne justifiait pas de raison objective et pertinente de nature à légitimer cette différence. La Haute juridiction casse l’arrêt rendu après avoir rappelé d’une part que « des différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie (…) d’accords collectifs négociés et signés par des organisations syndicales représentatives (…) sont présumées justifiées » et d’autre part qu’il « appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle » (Cass. Soc. 1er décembre 2016, n° 15-17.461 15-17.462 15-17.463 15-17.464).
Rupture conventionnelle : le défaut d’entretien est une cause d’annulation de la convention.
Conformément aux dispositions de l’article L. 1237-12 du Code du travail, les parties s’entendent sur le principe de la rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens. Bien que la loi n’impose aucun formalisme particulier sur la tenue de cet entretien, la Cour de cassation affirme de manière inédite que « le défaut du ou des entretiens prévus par le premier de ces textes, relatif à la conclusion d’une convention de rupture, entraîne la nullité de la convention ». Elle précise toutefois que « c’est à celui qui invoque cette cause de nullité d’en établir l’existence. » En l’espèce, c’est donc au salarié qui invoque le défaut d’entretien d’établir qu’aucun entretien n’a été organisé (Cass. Soc. 23 novembre 2016, n°14-26.398 et 15-18.092).
Lanceurs d’alerte : publication de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite « Sapin II ».
Le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution la définition du lanceur d’alerte (« une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi » des faits dont il a « eu personnellement connaissance ») et la procédure de signalement d’une alerte en 3 phases (auprès de l’employeur, puis auprès d’une autorité administrative ou judiciaire et, enfin, en l’absence de traitement, auprès du public). Les employeurs, publics ou privés, d’au moins 50 salariés, devront mettre en place « des procédures appropriées de recueil des signalements émis par les membres de leur personnel ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels », selon des modalités qui seront précisées par décret, à paraître. Par ailleurs, ce texte prévoit également l’encadrement de la rémunération des dirigeants des sociétés cotées, conditionnée au vote contraignant des actionnaires (L. n°2016-1691 du 9 décembre 2016, JO 10 décembre, L organique n°2016-1690, JO 10 décembre, CC n° 2016-741 et n°2016-740 D du 8 décembre 2016).
Institutions représentatives du personnel : parution du décret décrivant les modalités de contestation des expertises CHSCT.
Le décret est pris pour l’application de la loi du « Travail » du 8 août 2016. Aux termes de l’article L. 4614-13 du Code du travail dans sa version désormais en vigueur, l’employeur qui entend contester le recours du CHSCT à une expertise (sa nécessité, la désignation de l’expert, le coût prévisionnel de l’expertise, son étendue ou son délai) saisit le juge judiciaire dans un délai de 15 jours à compter de la délibération du CHSCT. Le décret précise que ces contestations relèvent de la compétence du président du Tribunal de grande instance (qui doit statuer dans les 10 jours suivant sa saisine) et qu’un pourvoi en cassation peut être formé à l’encontre du jugement, dans un délai de 10 jours à compter de sa notification. Le décret prévoit aussi qu’en cas de contestation du coût final de l’expertise, institué par la loi « Travail », le TGI est également compétent (D. n°2016-1761 du 16 décembre 2016, JO du 18 décembre).
Elections professionnelles: parution du décret relatif au vote électronique.
Le décret est également pris pour l’application de la loi « Travail », laquelle prévoit que l’employeur peut unilatéralement décider de recourir au vote électronique pour les élections des délégués du personnel et du comité d’entreprise (jusqu’à présent il fallait un accord collectif). Désormais, « à défaut d’accord, l’employeur peut décider de ce recours qui vaut aussi, le cas échéant, pour les élections partielles se déroulant en cours de mandat. » et ce, « sans préjudice des dispositions relatives au protocole d’accord préélectoral ». A noter que « la mise en place du vote électro-nique n’interdit pas le vote à bulletin secret sous enveloppe si l’accord ou l’employeur n’exclut pas cette modalité ». Un cahier des charges devra être établi dans le cadre de l’accord ou à défaut, par l’employeur, et devra être tenu à la disposition des salariés (D. n°2016-1676 du 5 décembre 2016, JO du 6 décembre).