NewsletterJournal de bord n°98 – Février 2017
Licenciement économique: Prise en compte de l’ensemble des critères d’ordre de licenciement.
Dans un arrêt du 1er février 2017, le Conseil d’Etat se prononce pour la première fois sur le contenu du contrôle que doit opérer la Direccte qui serait saisie d’une demande d’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) unilatéral, plus précisément en matière de critères d’ordre de licenciement. Le Conseil d’Etat a considéré « qu’en l’absence d’accord collectif ayant fixé les critères d’ordre des licenciements, le plan de sauvegarde de l’emploi de la société ne pouvait donner au critère de « qualification professionnelle » une valeur fixe et, par suite, le neutraliser, sans méconnaître les dispositions de l’article L. 1233-5 du code du travail ». A ce titre, l’administration est tenue de refuser l’homologation d’un document unilatéral qui ne viserait pas l’ensemble des critères visés par le Code du travail (CE, 1er février 2017, n°38-7886).
Reclassement: Le refus d’un poste en raison de l’éloignement du domicile vaut également pour un poste à l’étranger.
Depuis un revirement de jurisprudence du 23 novembre 2016, l’employeur peut désormais limiter les recherches de reclassement selon les restrictions géographiques posées par le salarié à l’occasion d’un refus de poste qui lui est proposé, sans risque de voir son licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 23 novembre 2016, n° 14-26.398). Comme l’illustre un nouvel arrêt, lorsqu’un salarié refuse un poste en raison de l’éloignement de son domicile et de sa situation familiale, l’employeur peut légitimement présupposer qu’il refusera un poste à l’étranger. Cette nouvelle décision permet à la Cour de cassation de confirmer sa jurisprudence récente, mais également de préciser que les restrictions que l’employeur est en droit de prendre en compte dans ses recherches suite à un premier refus de poste de la part du salarié n’ont pas nécessairement à être explicitement posées par le salarié (Cass. Soc., 8 février 2017, n°15-22.964).
Licenciement économique : Nullité du licenciement pendant le congé maternité.
Aux termes de l’article L. 1225-4 du Code du travail, il est formellement interdit à l’employeur de notifier un licenciement durant le congé de maternité d’une salariée, sous peine de nullité du licenciement. Pour la première fois, la Haute Juridiction énonce, dans un attendu de principe, « qu’il résulte de l’article L. 1225-4 du code du travail, alors applicable, interprété à la lumière de l’article 10 de la Directive 92/85 du 19 octobre 1992, qu’il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu’en soit le motif, pendant la période de protection visée à ce texte, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision ». Ainsi, cette interdiction vaut pour tout motif de licenciement, y compris pour un motif économique (Cass. Soc., 1er février 2017, n°15-26.250).
Discrimination: Nullité du licenciement d’un salarié ayant refusé de prêter serment pour un motif religieux.
A l’occasion d’un arrêt rendu le 1er février 2017, la Cour de cassation a sanctionné par la nullité le licenciement disciplinaire fondé sur les convictions religieuses du salarié. Elle a ainsi jugé qu’un salarié de la RATP n’avait commis aucune faute en proposant, en lieu et place des termes du serment demandé, une formule différente de « je le jure », au motif que sa religion chrétienne le lui interdisait. Elle justifie sa décision en précisant « qu‘il résulte de l’article 23 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer que le serment des agents de surveillance exerçant au sein des entreprises visées par cette disposition peut être reçu selon les formes en usage dans leur religion ». En conséquence, le licenciement, motivé par le défaut d’assermentation devant le tribunal, est nul pour avoir été prononcé en raison des convictions religieuses du salarié, et revêt un caractère discriminatoire (Cass. Soc., 1er février 2017, n°16-10.459).
Salariés protégés : Le fait de siéger au sein d’une commission paritaire professionnelle ouvre droit au statut protecteur.
Par cet arrêt rendu le 1er février 2017, la Cour de cassation décide de s’aligner sur la position du Conseil d’Etat en matière de statut protecteur et reconnaît, aux salariés mandatés par des organisations syndicales pour siéger au sein des commissions paritaires professionnelles créées par accord collectif, le bénéfice des dispositions relatives à la protection contre le licenciement applicables aux délégués syndicaux. Il en résulte que « le législateur a entendu accorder aux salariés membres des commissions paritaires professionnelles créées par accord collectif la protection prévue par l’article L. 2411-3 du code du travail pour les délégués syndicaux en cas de licenciement ». La Haute Juridiction ajoute alors que « ces dispositions qui sont d’ordre public en raison de leur objet, s’imposent, en vertu des principes généraux du droit du travail, à toutes les commissions paritaires professionnelles créées par accord collectif, y compris celles créées par des accords antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004 » (Cass. Soc., 1er février 2017, n° 15-24.310).
Faute lourde : Dénigrer la politique de l’entreprise auprès des clients ne constitue pas nécessairement une faute lourde.
Dans cet arrêt du 8 février 2017, la Cour de cassation est venue rappeler la définition jurisprudentielle de la faute lourde. Elle considère que celle-ci est caractérisée par « l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif, et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise ». En l’espèce, la Cour de cassation a considéré que le dénigrement, par un directeur d’agence, expert-comptable, de la politique tarifaire de l’entreprise auprès des clients, même s’il est préjudiciable à cette dernière, ne constitue pas nécessairement une faute lourde, mais revêt le caractère de faute grave (Cass. Soc., 8 février 2017, n° 15-21.064).
Cotisations sociales : Interdiction pour l’employeur étranger de transférer la responsabilité du versement des cotisations sociales sur le salarié en l’absence d’établissement en France.
Depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, les entreprises basées à l’étranger, employant du personnel en France sans y implanter un établissement, doivent remplir leurs obligations de versement des cotisations sociales auprès d’un organisme unique, le centre national des firmes étrangères, directement ou par l’intermédiaire d’un représentant désigné. A ce titre, la Cour de cassation vient de préciser que la convention par laquelle la société désigne l’un de ses salariés pour remplir ses obligations de paiement des cotisations est nulle et ne peut produire aucun effet, peu important que ce salarié ne supporte pas la charge définitive de ce versement (Cass. Civ. 2ème, 9 février 2017, n°16-10.796).