Newsletter n°99 – Mars 2017
Maternité: validation du licenciement d’une salariée enceinte en l’absence de renouvellement de l’autorisation de travail.
Dans un arrêt du 15 mars 2017, la Cour de cassation tranche un cas de figure inédit en jurisprudence : le licenciement d’une salariée étrangère enceinte, dont l’autorisation de travail n’a pas été renouvelée. Cette affaire implique une confrontation entre deux normes impératives que sont la protection renforcée de la maternité en matière de licenciement et l’interdiction d’emploi d’un étranger non muni d’un titre l’autorisant à exercer son activité en France. La Cour de cassation juge que « l’employeur ne peut, directement ou indirectement, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France » et en déduit qu’ « une salariée dans une telle situation ne saurait bénéficier des dispositions légales protectrices de la femme enceinte interdisant ou limitant les cas de licenciement » (Cass. Soc., 15 mars 2017, n°15-27.928).
Co-emploi : le soutien financier et l’assistance technique apportés par la société mère à une filiale ne suffisent pas à caractériser le co-emploi.
La Cour de cassation confirme sa jurisprudence restrictive à l’égard des situations de co-emploi. Dans un arrêt du 7 mars 2017, elle a jugé que ne suffisait pas à caractériser une situation de co-emploi :
– l’étroite collaboration des dirigeants de la filiale, provenant du groupe, avec la société dominante ;
– l’important soutien financier apporté par la société dominante au groupe par rapport aux capacités de remboursement de la filiale ;
– la signature d’une convention de trésorerie et d’une convention générale d’assurance couvrant l’ensemble des métiers de l’entreprise pour le fonctionnement de la filiale, moyennant rémunération (Cass. Soc., 7 mars 2017, n°15-16.865).
Religion dans l’entreprise : la CJUE pose ses conditions quant aux restrictions au port de signes religieux dans l’entreprise.
La Cour de Justice de l’Union Européenne s’est enfin prononcée sur l’épineuse question posée par la France et la Belgique au cours de l’année 2015, de savoir s’il était possible d’apporter des restrictions au port de signes religieux en entreprise. Par un arrêt du 14 mars 2017, la CJUE encadre la possibilité pour les entreprises d’insérer des clauses de neutralité dans leur règlement intérieur. Au regard des exigences posées par la directive 2000 / 78 / CE du Conseil du 27 novembre 2000 sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, elle juge qu’une clause interdisant ou restreignant le port de tout signe d’appartenance politique, religieuse ou philosophique au travail doit être justifiée par un objectif légitime (telle que la poursuite, dans les relations avec la clientèle, d’une politique de neutralité philosophique ou religieuse), dès lors que les moyens sont appropriés et nécessaires, ce dont le juge national devra s’assurer. En revanche, à défaut de précision dans le règlement intérieur, la CJUE considère que le souhait d’un client de ne plus voir de services fournis par une salariée portant un signe d’appartenance à une religion, ne peut pas constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante, mais constituerait une discrimination (CJUE, Gde Chbre, 14 mars 2017, aff C-157-15 et C-188/15).
Documents de fin de contrat : la remise de l’attestation Pôle Emploi s’impose en cas de démission.
L’article R.1234-9 du Code du travail impose la remise des documents de fin de contrat par l’employeur « au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail ». A l’occasion d’un arrêt rendu le 15 mars 2017, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’une Cour d’appel qui avait retenu que « la délivrance d’une attestation pôle emploi ne s’imposait pas, la salariée ne pouvant prétendre au paiement d’allocations de chômage du fait de la démission ». Elle juge ainsi que l’obligation pour l’employeur de délivrer une attestation d’assurance chômage au salarié s’applique à tous les cas de rupture du contrat de travail, y compris la démission (Cass. Soc., 15 mars 2017, n°15-21.232).
Harcèlement managérial : validation du licenciement du responsable RH n’ayant pas mis fin aux agissements de harcèlement.
Dans un arrêt rendu le 8 mars 2017, la Cour de cassation valide le licenciement d’une responsable des ressources humaines, qui n’avait pas pris les mesures permettant de faire cesser les méthodes de management douteuses et abusives d’un directeur de magasin. Elle juge en effet que « la salariée, qui travaillait en très étroite collaboration avec le directeur du magasin, avait connaissance du comportement inacceptable de celui-ci à l’encontre de ses subordonnés et pouvait en outre s’y associer, qu’elle n’a rien fait pour mettre fin à ces pratiques alors qu’en sa qualité de responsable des ressources humaines, elle avait une mission particulière en matière de management, qu’il relevait de ses fonctions de veiller au climat social et à des conditions de travail « optimales » pour les collaborateurs ». Elle conclut enfin que « la salariée avait manqué à ses obligations contractuelles et avait mis en danger tant la santé physique que mentale des salariés » (Cass. Soc., 8 mars 2017, n°15-24.406).
Sociétés anonymes (SA) cotées : parution du décret prévoyant la validation par les actionnaires de la rémunération des dirigeants.
Le dispositif d’encadrement de la rémunération des dirigeants instauré par la loi Sapin II est entré en vigueur. En effet, depuis le 18 mars 2017, l’assemblée générale des actionnaires des SA cotées en bourse est tenue d’approuver la rémunération de ses dirigeants, et non plus seulement de rendre un simple avis consultatif dans ce domaine. Cette loi vise ainsi les présidents, les directeurs généraux et directeurs généraux délégués de SA à conseil d’administration, mais également les membres du directoire, le directeur général et les membres du conseil de surveillance des SA à conseil de surveillance (D. n°2017-340 du 16 mars 2017, JO 17 mars).
Devoir de vigilance : promulgation de la loi sans son volet « amende ».
La loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre a créé l’article L. 225-102-4 du Code de commerce, qui prévoit que toute société, qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins 5.000 salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes, dont le siège social est fixé en France, ou au moins 10.000 salariés si le siège social est situé en France ou à l’étranger, doit établir un plan de vigilance, afin d’identifier les risques et prévenir les atteintes graves envers les droits humains, les libertés fondamentales, la santé et sécurité des personnes. La loi publiée a été amputée par le Conseil Constitutionnel des dispositions prévoyant la possibilité d’infliger une amende aux entreprises récalcitrantes (CC, décision n° 2017-750 DC, 23 mars 2017 ; L. n°2017-399 du 27 mars 2017, JO 28 mars).