NewsletterNewsletter N°135 – Mars 2020
INAPTITUDE PHYSIQUE: Précision relative à la reprise du salaire un mois après l’avis rendu par le médecin du travail.
L’article L. 1226-4 alinéa 1er du Code du travail dispose que « lorsque, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ». En l’espèce, une salariée reprochait à son ancien employeur de ne pas avoir repris le versement de son salaire à l’expiration de ce délai d’un mois. Les juges du fond l’ont déboutée de sa demande de rappel de salaire, au motif qu’elle avait retrouvé un emploi à temps plein avant son licenciement. Pour la Cour de cassation, le fait qu’elle ait retrouvé un emploi dans une autre entreprise importe peu : son employeur aurait dû reprendre le versement du salaire entre l’expiration du délai d’un mois et la notification du licenciement (Cass. Soc. 4 mars 2020, n°18-10.719).
TEMPS DE TRAVAIL: Précision relative à la charge de la preuve en matière d’heures supplémentaires.
Aux termes de l’article L. 3171-4 du Code du travail, « en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ». En l’espèce, un salarié avait été débouté de sa demande de rappel d’heures supplémentaires notamment parce que le décompte de ses heures différait entre ce qu’il avait présenté en première instance et celui dont il se prévalait en appel. Les juges du fond avaient ainsi considéré que les éléments présentés par le salarié n’étaient pas suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour étayer sa demande et permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. La Haute juridiction a cassé et annulé cette décision, considérant que la charge de la preuve des heures supplémentaires ne peut reposer sur le seul salarié. Comme elle l’indique elle-même dans une note explicative, « la Cour de cassation entend souligner que les juges du fond doivent apprécier les éléments produits par le salarié à l’appui de sa demande au regard de ceux produits par l’employeur et ce afin que les juges, dès lors que le salarié a produit des éléments factuels revêtant un minimum de précision, se livrent à une pesée des éléments de preuve produits par l’une et l’autre des parties, ce qui est en définitive la finalité du régime de preuve partagée » (Cass. Soc., 18 mars 2020, n° 18-10.919).
LICENCIEMENT: Grossesse et refus de modification du contrat de travail.
L’article L. 1225-4 du Code du travail interdit à l’employeur de licencier une salarié enceinte, sauf « s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement ». En l’espèce, une salariée enceinte avait été licenciée pour motif économique après avoir refusé de voir appliquer à son contrat de travail les stipulations d’un accord de mobilité interne. La Cour de cassation considère qu’ « un tel refus ne caractérise pas, par lui-même, l’impossibilité dans laquelle se trouve l’employeur de maintenir le contrat de travail d’une salariée enceinte pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement », de sorte que le licenciement devait encourir la nullité (Cass. Soc. 4 mars 2020, n°18-19.189).
CONTRAT DE TRAVAIL: Requalification des contrats des plates-formes numériques.
Dans un arrêt particulièrement attendu concernant un chauffeur de véhicule de tourisme exerçant pour le compte de la société Uber sous le statut d’auto-entrepreneur, la Cour de cassation a approuvé les juges du fond d’avoir qualifié cette relation contractuelle en contrat de travail après avoir constaté :
1°) que ce chauffeur a intégré un service de prestation de transport créé et entièrement organisé par cette société, service qui n’existe que grâce à cette plate-forme, à travers l’utilisation duquel il ne constitue aucune clientèle propre, ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport,
2°) que le chauffeur se voit imposer un itinéraire particulier dont il n’a pas le libre choix et pour lequel des corrections tarifaires sont appliquées si le chauffeur ne suit pas cet itinéraire,
3°) que la destination finale de la course n’est parfois pas connue du chauffeur, lequel ne peut réellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui lui convient ou non,
4°) que la société a la faculté de déconnecter temporairement le chauffeur de son application à partir de trois refus de courses et que le chauffeur peut perdre l’accès à son compte en cas de dépassement d’un taux d’annulation de commandes ou de signalements de « comportements problématiques », et déduit de l’ensemble de ces éléments « l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements et que, dès lors, le statut de travailleur indépendant du chauffeur était fictif » (Cass. Soc., 4 mars 2020, n° 19-13.316).
CORONAVIRUS: Entrée en vigueur de la « Loi pour faire face à l’épidémie de covid-19 ».
Cette loi instaure un dispositif d’ « état d’urgence sanitaire », à côté de l’état d’urgence de droit commun prévu par la loi du 3 avril 1955. Ce dispositif, introduit dans le code de la santé publique, n’est pas pérenne. Ses dispositions sont valables pendant un an, jusqu’au 1er avril 2021. En matière de droit du travail, l’article 11 de ce texte permet notamment au Gouvernement, par voie d’ordonnance, de limiter les ruptures de contrat de travail, d’autoriser les employeurs à imposer des congés, de modifier les modalités et les délais de versement de la prime d’intéressement. (L. n°2020-290 du 23 mars 2020, JO du 24 mars). Galion détaillera séparément les mesures prises par ordonnances.
CHÔMAGE: Report de l’entrée en vigueur de la réforme.
Dans le contexte de propagation du virus covid-19 et compte-tenu de ses conséquences sur le marché du travail, la date d’entrée en vigueur des modalités de calcul du salaire journalier de référence servant de base au calcul de l’allocation d’assurance chômage est reportée au 1er septembre 2020. Le décret complète en outre la liste des périodes susceptibles d’être neutralisées dans le cadre de la détermination du salaire journalier de référence servant de base au calcul de l’allocation et de la durée d’indemnisation (Décret n° 2020-361 du 27 mars 2020, JO du 29 mars).