NewsletterNewsletter n°139 – Juillet 2020
REPRÉSENTANTS DU PERSONNEL: Appréciation de la détermination des établissements distincts pour la mise en place du CSE.
Aux termes de l’article L. 2313-4 du Code du travail, « en l’absence d’accord […], l’employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel ». En l’espèce, une entreprise avait, par décision unilatérale, fixé à vingt le nombre d’établissements et délimité leur périmètre. La Direccte ayant rejeté les recours formés contre cette décision unilatérale, des syndicats ont saisi le tribunal d’instance compétent, qui a accueilli cette contestation et fixé à nouveau le nombre et le périmètre des établissements de l’entreprise. La Cour de cassation valide ce jugement, considérant « qu’il résulte de l’article L. 2313-5 du code du travail que, lorsqu’il est saisi de contestations de la décision de l’autorité administrative quant à la fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts, il appartient au juge de se prononcer sur la légalité de cette décision au regard de l’ensemble des circonstances de fait dont il est justifié à la date de la décision administrative et, en cas d’annulation de cette dernière décision, de statuer à nouveau, en fixant ce nombre et ce périmètre d’après l’ensemble des circonstances de fait à la date où le juge statue ». En l’espèce, c’est à juste titre que le juge du fond a constaté qu’il n’existait pas, à l’échelon des magasins, une autonomie suffisante en ce qui concerne la gestion du personnel pour retenir que chaque magasin constituait un établissement distinct, les directeurs de magasin étant notamment privés du pouvoir de sanction et de recrutement (Cass. Soc. 8 juill. 2020, n° 19-11.918).
SANTE ET SÉCURITÉ: Précision sur le délai de prescription du préjudice d’anxiété.
Le point de départ du délai de prescription de l’action par laquelle un salarié demande à son employeur (auquel il reproche un manquement à son obligation de sécurité) réparation de son préjudice d’anxiété, est la date à laquelle le salarié a eu connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave résultant de son exposition à l’amiante. Ce point de départ ne peut être antérieur à la date à laquelle cette exposition a pris fin. En l’espèce, la Cour de cassation a reproché à la cour d’appel de ne pas avoir recherché à quelle date les salariés avaient cessé d’être exposés à un risque élevé de développer une pathologie grave résultant d’une exposition à l’amiante (Cass. Soc. 8 juill. 2020, 18-26.585).
COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE: Précisions relatives au délai de consultation du CSE.
En l’absence d’accord collectif portant sur cette question, le code du travail fixe les délais à l’expiration desquels le CSE est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif. Selon la Cour de cassation, ces délais préfix peuvent être prolongés d’un commun accord entre l’employeur et le comité (Cass. Soc. 8 juill. 2020, n°19-10.987).
LIBERTÉS ET DROITS FONDAMENTAUX: Portée de l’interdiction du port de la barbe.
Un salarié, licencié pour faute grave pour avoir porté une barbe « pouvant être connotée de façon religieuse », a saisi le conseil de prud’hommes de demandes tendant notamment à la nullité du licenciement, ce dernier reposant, selon lui, sur un motif discriminatoire. , Soulignant que le règlement intérieur de la société ne comportait aucune clause de neutralité, la Cour de cassation considère que l’interdiction faite au salarié, lors de l’exercice de ses missions, du port de la barbe, en tant qu’elle manifestait des convictions religieuses et politiques, et l’injonction faite par l’employeur de revenir à une apparence considérée par ce dernier comme plus neutre, caractérisaient une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses et politiques du salarié. La Haute juridiction rappelle en outre que seule une exigence professionnelle et déterminante, résultant de la nature de l’activité professionnelle ou des conditions de son exercice et pour autant que l’objectif poursuivi soit légitime et que l’exigence soit proportionnée, peut justifier un licenciement pour faute. Or, elle considère que « les demandes d’un client relatives au port d’une barbe pouvant être connotée de façon religieuse ne sauraient, par elles-mêmes, être considérées comme une exigence professionnelle et déterminante » et l’employeur ne justifiait pas, en l’espèce, des risques de sécurité spécifiques qu’il invoquait, liés au port de la barbe, dans le cadre de l’exécution de la mission du salarié (Cass. Soc. 8 juill. 2020, n°18-23.743).
CONGÉS: Précision relative aux règles de fixation de l’ordre des départs en congé annuel.
Un salarié licencié notamment pour avoir refusé de signer une fiche de demande de congés reportés contestait son licenciement en reprochant notamment à son employeur de l’avoir contraint à prendre, du jour au lendemain, l’intégralité de ses congés en retard. Rappelant que « les droits à congés reportés ou acquis ont la même nature, de sorte que les règles de fixation de l’ordre des départs en congé annuel s’appliquent aux congés annuels reportés », la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir jugé qu’en imposant sans délai de prévenance au salarié de solder l’intégralité de ses congés reportés, l’employeur avait abusé de son pouvoir de direction, de sorte que le refus du salarié était privé de caractère fautif (Cass. Soc. 8 juil. 2020, n°18-21.681).
COVID-19: Crise sanitaire et congés payés.
Une société, dans laquelle un accord collectif prévoyait d’informer chaque année au mois de décembre les délégués du personnel des périodes de prise de congés payés et jours de repos durant l’année suivante, a informé les salariés, le 4 juin 2020, de sa décision d’étendre la période obligatoire de prise de congés, en raison de la crise sanitaire. Dans une ordonnance de référé, le Tribunal judiciaire de Lyon précise qu’une entreprise « ne saurait […] sous couvert de son pouvoir de direction, lequel l’autorise notamment à fixer les dates de fermeture de l’entreprise et à imposer aux salariés des congés payés durant cette fermeture, remettre en cause unilatéralement un engagement librement consenti avec les organisations syndicales et concrétisé par « un accord collectif », et ce alors même qu’il aurait sollicité postérieurement l’avis du CSE sur cette question » (TJ Lyon, 9 juill. 2020, n°20/00838).
LICENCIEMENT ECONOMIQUE: Contestation du licenciement en cas de cessation d’activité de l’entreprise.
Selon la Cour de cassation, « le fait que la cessation d’activité de l’entreprise résulte de sa liquidation judiciaire ne prive pas le salarié de la possibilité d’invoquer l’existence d’une faute de l’employeur à l’origine de la cessation d’activité, de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse » (Cass. Soc. 8 juill. 2020, n°18-26.140).
COVID-19: Loi organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire.
Cette loi autorise notamment le Premier Ministre à prendre par décret, du 11 juillet au 30 octobre 2020, des décisions visant à restreindre la circulation des personnes et l’accès aux établissements recevant du public (L. n°2020-856 du 9 juill. 2020, JO du 10 juillet).