NewsletterNewsletter n°141 – Septembre 2020
CONTRAT DE TRAVAIL: Délai de prescription de l’action en requalification d’un contrat de travail à temps partiel.
Aux termes de l’article L. 1471-1 alinéa 1 du Code du travail, « toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ». L’article L. 3245-1 du même code dispose que « l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ». En l’espèce, à l’occasion de la contestation de son licenciement pour motif économique, un salarié demandait la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein. Les juges du fond l’ont débouté de cette demande sur le fondement de l’article L. 1471-1 du Code du travail, considérant que son action (portant sur l’exécution du contrat de travail) était prescrite. La Haute juridiction a cassé et annulé cette décision, aux motifs que « l’action en requalification du contrat de travail en contrat à temps complet est une action en paiement du salaire soumise au délai de prescription prévu par l’article L. 3245-1 du code du travail » (Cass. Soc. 9 sept. 2020, n° 18-24.831).
LICENCIEMENT DISCIPLINAIRE: Pouvoir d’appréciation du juge en matière de faute.
Dans une première affaire, une cour d’appel avait requalifié un licenciement pour faute lourde en licenciement sans cause réelle et sérieuse, tout en ayant relevé que les faits reprochés étaient fautifs. La Cour de cassation rappelle que « s’agissant d’un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l’encontre du salarié et les conséquences que l’employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués ». En l’espèce, la cour d’appel aurait donc dû rechercher « si les faits reprochés à la salariée n’étaient pas constitutifs d’une faute grave ou d’une faute de nature à conférer une cause réelle et sérieuse au licenciement »plutôt que juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. Soc. 16 sept. 2020, n°18-25.943). Dans une deuxième affaire, un chauffeur routier, licencié pour cause réelle et sérieuse, avait vu son préavis rompu de façon anticipée en raison de la commission d’une faute grave. Les juges du fond avaient considéré que la faute grave commise par le salarié pendant le préavis justifiait que soit requalifié en licenciement pour faute grave son licenciement pour cause réelle et sérieuse. Or, selon la Cour de cassation, une telle décision n’est pas possible. En effet, « la lettre de licenciement fixant les limites du litige, le juge ne peut aggraver la qualification de la faute retenue par l’employeur dans cette lettre » (Cass. Soc. 16 sept. 2020, n°19-10.583).
LIBERTES ET DROITS FONDAMENTAUX: Précisions relatives à la messagerie instantanée professionnelle.
Lorsque des messages électroniques, échangés à l’aide de l’outil informatique mis à la disposition du salarié par l’employeur pour les besoins de son travail, proviennent d’une boîte à lettre électronique professionnelle et n’ont pas été identifiés comme personnels, l’employeur peut en prendre connaissance. En l’espèce, un salarié avait été licencié pour faute grave, en raison notamment de messages échangés avec une collègue comportant des propos insultants et dégradants envers des supérieurs et subordonnés, mais également de nombreuses critiques sur l’organisation, la stratégie et les méthodes de l’entreprise. La Cour de cassation valide la décision de la cour d’appel qui a retenu que « ces messages, qui étaient en rapport avec l’activité professionnelle, ne revêtaient pas un caractère privé, elle a ainsi fait ressortir qu’ils pouvaient être invoqués au soutien d’une procédure disciplinaire contre le salarié dont elle a relevé le comportement déloyal » (Cass. Soc. 9 sept. 2020, n°18-20.489).
ELECTIONS PROFESSIONNELLES: Précisions sur l’obligation d’information de l’employeur vis-à-vis des syndicats.
Préalablement à la négociation du protocole d’accord préélectoral, un syndicat a sollicité la remise d’un certain nombre de documents pour contrôler la réalité de l’effectif de l’entreprise. Cette dernière ayant remis une partie des documents demandés et refusé de communiquer les autres, le syndicat a saisi le tribunal d’instance pour obtenir la remise de ces documents. Les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, ont débouté les demandeurs, après avoir relevé que « dans le cadre de la négociation du protocole préélectoral, l’employeur avait remis au syndicat le registre unique du personnel, la liste des contrats à durée déterminée autres que de remplacement, la liste des intérimaires, la liste des prestataires, la liste des salariés à temps partiel ainsi qu’un tableau des effectifs et que le syndicat n’établissait pas la nécessité de pièces complémentaires pour permettre le calcul des effectifs de l’entreprise », de sorte que l’employeur avait satisfait à son obligation d’information (Cass. Soc. 16 sept. 2020, n°19-60.185).
HARCELEMENT: Incidence de la mauvaise foi du salarié.
Aux termes de l’article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir témoigné ou relaté des agissements répétés de harcèlement moral. Selon l’article L. 1152-3 du même code, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance de ce texte est nulle. Selon la Cour de cassation, « il s’en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce ». Dans cette affaire, un salarié reprochait « mensongèrement » à son employeur de ne pas lui avoir donné pendant plusieurs mois les motifs de sa fin de mission, alors qu’il en avait été informé par écrit. Les juges du fond ayant relevé que « la connaissance que le salarié avait de la fausseté de ses allégations de harcèlement moral se déduisait, d’une part de la contradiction existant entre son souhait affiché d’obtenir des explications sur les motifs de son retrait de mission et son refus persistant de s’expliquer loyalement avec l’employeur sur lesdits motifs, d’autre part du caractère répétitif des remerciements qu’il avait adressés à l’employeur et de l’expression réitérée de sa volonté d’ouverture au dialogue, alors qu’il avait mis en réalité en échec toutes les tentatives de l’employeur de parvenir à une communication constructive en refusant d’honorer tous les rendez-vous qui lui étaient donnés au mépris de ses obligations contractuelles », la Cour de cassation considère qu’ils avaient ainsi caractérisé « la mauvaise foi du salarié dans la dénonciation des faits de harcèlement moral ». La Haute juridiction précise ici que « l’absence éventuelle dans la lettre de licenciement de mention de la mauvaise foi avec laquelle le salarié a relaté des agissements de harcèlement moral n’est pas exclusive de la mauvaise foi de l’intéressé, laquelle peut être alléguée par l’employeur devant le juge » (Cass. Soc. 16 septembre 2020, n°18-26.696).