NewsletterNewsletter n°144 – Décembre 2020
RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL: Licenciement et vie personnelle du salarié.
Un salarié avait été licencié après avoir posé une balise GPS sur le véhicule personnel d’une collègue avec qui il avait entretenu une relation amoureuse afin de la surveiller à son insu. Il lui avait également envoyé deux courriels, par l’intermédiaire de sa messagerie professionnelle, pour la presser de reprendre contact et lui reprocher d’entretenir une relation avec un collègue de travail. La Cour de cassation a confirmé la décision des premiers juges qui avaient considéré que le licenciement pour faute grave était dépourvu de cause réelle et sérieuse car les faits relevaient de la vie personnelle : « ayant retenu que la balise avait été posée sur le véhicule personnel de la salariée, que l’envoi à celle-ci de courriels au moyen de l’outil professionnel était limité à deux messages et que les faits n’avaient eu aucun retentissement au sein de l’agence ou sur la carrière de l’intéressée, la cour d’appel a pu en déduire que ces faits relevaient de la vie personnelle du salarié et ne constituaient pas un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail, en sorte que le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse » (Cass. Soc., 16 décembre 2020, n° 19-14.665).
LICENCIEMENT DISCIPLINAIRE: Indemnisation des conditions vexatoires et validation du licenciement.
Après avoir dit le licenciement fondé sur une faute grave, une cour d’appel avait rejeté la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire en réparation du préjudice moral causé par les circonstances de la rupture. Dans cet arrêt, la Cour de Cassation précise que, même lorsqu’il est justifié par une faute grave du salarié, le licenciement peut causer à celui-ci, en raison des circonstances vexatoires qui l’ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation (Cass. Soc., 16 décembre 2020 n° 18-23.966).
CHANGEMENT D’EMPLOYEUR: Précision relative au transfert par voie conventionnelle.
La Cour de Cassation rappelle que le changement d’employeur prévu et organisé par voie conventionnelle suppose l’accord exprès du salarié, lequel ne peut résulter de la seule poursuite de son contrat de travail sous une autre direction : « en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le salarié avait refusé toute modification de son contrat de travail, en sorte qu’en lui en imposant le transfert à un autre employeur, (la société)avait rompu de fait le contrat de travail qui les liait, cette rupture s’analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse la Cour d’appel a violé le texte susvisé » (Cass. Soc. ,16 décembre 2020, n°19-14.824).
LIBERTES FONDAMENTALES: Droit à la preuve et respect des données personnelles.
Un salarié, licencié pour faute grave à la suite d’une usurpation de données informatiques, reprochait aux juges du fond d’avoir validé son licenciement alors que, selon lui, ce dernier reposait sur un mode de preuve illicite, constitué notamment d’un traçage informatique non déclaré à la Cnil. La Haute juridiction casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, en considérant, pour la première fois, que « les adresses IP, qui permettent d’identifier indirectement une personne physique, sont des données à caractère personnel, de sorte que leur collecte par l’exploitation du fichier de journalisation constitue un traitement de données à caractère personnel et doit faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ». Si elle casse et annule l’arrêt de la cour d’appel, elle tempère néanmoins sa position en précisant que« l’illicéité d’un moyen de preuve, au regard des dispositions de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 […], dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données, n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi » (Cass. Soc., 25 novembre 2020, 17-19.523).
LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE: Conséquences d’un refus d’application d’un accord de mobilité.
Dans cette affaire, plusieurs salariés, qui avaient refusé les propositions de poste qui leur avaient été faites en application d’un accord de mobilité interne conclu dans l’entreprise, ont été licenciés sur le fondement du dernier alinéa de l’article L2242-23 du code du travail selon lequel « lorsqu’un ou plusieurs salariés refusent l’application à leur contrat de travail des stipulations de l’accord relatives à la mobilité interne mentionnées au premier alinéa de l’article L. 2242-21, leur licenciement repose sur un motif économique, est prononcé selon les modalités d’un licenciement individuel pour motif économique et ouvre droit aux mesures d’accompagnement et de reclassement que doit prévoir l’accord, qui adapte le champ et les modalités de mise en œuvre du reclassement interne prévu aux articles L. 1233-4 et L. 1233-4-1». La Cour de cassation précise, pour la première fois, que le refus d’application d’un accord de mobilité interne constitue un motif économique autonome de licenciement par rapport à l’article L1233-3 du code du travail qui définit le motif économique de licenciement. Pour autant, les licenciements prononcés dans ce cadre ne sont pas exempts de tout contrôle, les juges du fond devant notamment vérifier que l’accord de mobilité interne était justifié par l’existence des nécessités du fonctionnement de l’entreprise (Cass. Soc., 2 décembre 2020 n° 19-11.986 à 19-11.994).
COVID 19: Reconduction de certaines mesures transitoires en droit du travail.
Les mesures suivantes, destinées à faire face à l’épidémie de Covid-19, sont prolongées jusqu’au 30 juin 2021 :
– Un accord d’entreprise ou, à défaut, un accord de branche peut autoriser l’employeur à modifier ou imposer unilatéralement la date de prise de congés payés dans la limite de 6 jours ;
– Lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à l’épidémie du Covid-19, l’employeur peut unilatéralement imposer la prise de jours de repos conventionnels ou la modification de leur date dans la limite de 10 jours. Il peut s’agir des jours de repos prévus par un accord collectif sur la réduction du temps de travail (RTT), ceux prévus par une convention de forfait, ou encore ceux découlant des droits affectés sur le compte d’épargne temps (CET) ;
– Un accord collectif d’entreprise peut déroger aux règles relatives à la durée et au renouvellement des CDD et des contrats de travail temporaire ;
– Possibilité de déroger à certaines règles relatives au prêt de main-d’œuvre : la convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice peut exceptionnellement porter sur la mise à disposition de plusieurs salariés, et l’avenant au contrat de travail signé par le salarié peut ne pas contenir les horaires d’exécution du travail (mais le volume hebdomadaire des heures de travail durant lesquelles le salarié est mis à disposition doit être précisé) (Ord. n°2020-1597 du 16 décembre 2020, JO du 17 décembre ; Ord. n°2020-1597 du 16 décembre 2020, JO du 17 décembre).