NewsletterNewsletter n°147 – Mars 2021
TELETRAVAIL: Précision relative à la rémunération du salarié en télétravail.
Dans une décision rendue en première instance, le pôle social d’un tribunal judiciaire a jugé que l’employeur n’était pas tenu d’attribuer des tickets-restaurants aux salariés placés en télétravail. Selon cette juridiction, « l’objectif poursuivi par l’employeur en finançant ces titres de paiement en tout ou en partie, est de permettre à ses salariés de faire face au surcoût lié à la restauration hors de leur domicile pour ceux qui seraient dans l’impossibilité de prendre leur repas à leur domicile.
En l’occurrence, les salariés de l’UES, placés en télétravail, le sont à leur domicile et ne peuvent donc prétendre, en l’absence de surcoût lié à leur restauration hors de leur domicile, à l’attribution de tickets restaurant. De ce fait, la situation des télétravailleurs et celle des salariés travaillant sur site qui n’ ont pas accès à un restaurant d’entreprise et auxquels sont remis des tickets restaurant ne sont pas comparables de sorte que la fédération requérante ne peut valablement soutenir que faute de remise de tickets restaurant, les télétravailleurs ne bénéficieraient pas des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que les salariés travaillant sur site » (TJ Nanterre, 10 mars 2021, n°20/09616).
REPRESENTANTS DU PERSONNEL: Crédit d’heures et dispense d’activité.
Dans cette affaire, un salarié, titulaire d’un mandat d’élu au CHSCT, bénéficiait d’une dispense d’activité dans le cadre d’un congé de maintien de l’emploi des salariés seniors. Il soutenait que ses heures de délégation devaient être réglées en sus de la rémunération qui lui était versée. Selon la Cour de cassation, « en application de l’article L. 4614-6, alors applicable, du code du travail, l’utilisation des heures de délégation ne doit entraîner aucune perte de salaire pour le représentant du personnel et lorsque les heures de délégation sont prises en dehors du temps de travail, en raison des nécessités du mandat, elles doivent être payées en plus des heures de travail. Il en résulte qu’en cas de dispense d’activité, il convient de se référer aux horaires que le salarié aurait dû suivre s’il avait travaillé et que ce dernier peut prétendre au paiement des heures de délégation prises en dehors du temps de travail résultant de son planning théorique ». En l’espèce, l’employeur n’avait pas défini les heures de travail théoriques du salarié placé en dispense d’activité, de sorte que ce dernier était fondé à réclamer le paiement de ses heures de délégation (Cass. Soc. 3 mars 2021, n°19-18.150).
REPRESENTANTS DU PERSONNEL: Précision concernant le contentieux relatif au périmètre des établissements distincts.
Aux termes de l’article R. 2313-1 alinéa 3 du Code du travail, les organisations syndicales ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise peuvent, dans le délai de 15 jours à compter de la date à laquelle elles en ont été informées, contester, devant le Direccte, la décision de l’employeur fixant le périmètre des établissements distincts. La Haute juridiction précise ici que « lorsque le juge annule la décision du Direccte fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts de l’entreprise en raison de la saisine de celui-ci par des parties dépourvues de la personnalité juridique et, dès lors, du droit d’agir, il ne peut statuer, à nouveau, sur ce nombre et sur ce périmètre, par une décision se substituant à celle de l’autorité administrative » (Cass. Soc. 3 mars 2021, n° 19-21.086).
TEMPS DE TRAVAIL: Position de la CJUE concernant l’astreinte.
La CJUE vient de préciser, dans deux arrêts rendus le même jour, qu’une période de garde sous régime d’astreinte « ne constitue, dans son intégralité, du « temps de travail » […] que s’il découle d’une appréciation globale de l’ensemble des circonstances de l’espèce […] que les contraintes imposées à ce travailleur pendant ladite période sont d’une nature telle qu’elles affectent objectivement et très significativement la faculté pour ce dernier de gérer librement, au cours de la même période, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts ». Cela signifie que l’astreinte pourrait être considérée, sous certaines conditions soumises à l’appréciation du juge, comme du temps de travail effectif en dehors de toute intervention (CJUE 9 mars 2021, n° C2021-182 et C2021-183).
HARCELEMENT: Recevabilité d’un rapport d’enquête interne.
Une salariée contestait le licenciement pour faute grave dont elle avait fait l’objet à la suite d’un audit réalisé par une entreprise extérieure et qui avait révélé qu’elle avait proféré des insultes à caractère racial et discriminatoire. L’article L. 1222-4 du Code du travail dispose qu’« aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance ». Au visa de ce texte, les juges du fond avaient écarté le compte-rendu de l’enquête, au motif qu’il était déloyal car la salariée n’avait pas été informée de la mise en œuvre de cette enquête, et jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse. La Haute juridiction casse l’arrêt de la cour d’appel et considère qu’« une enquête effectuée au sein d’une entreprise à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4 du code du travail et ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d’un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié » (Cass. Soc. 17 mars 2021, n°18-25.557).
INAPTITUDE: Avis de la Cour de cassation sur la contestation des avis du médecin du travail.
Interrogée sur la possibilité de contester le non-respect de la procédure de constatation de l’inaptitude par le médecin du travail, la Cour de cassation dispose que « la contestation dont peut être saisi le conseil de prud’hommes, en application de l’article L. 4624-7 du code du travail dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, doit porter sur l’avis du médecin du travail. Le conseil des prud’hommes peut, dans ce cadre, examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s’est fondé pour rendre son avis.
Il substitue à cet avis sa propre décision, après avoir le cas échéant ordonné une mesure d’instruction.
Il ne peut déclarer inopposable à une partie l’avis rendu par le médecin du travail » (Cass. Soc. 17 mars 2021, avis n°15002).
INAPTITUDE: Incidence d’une modification du contrat de travail sur l’avis d’aptitude du médecin du travail.
Les articles L. 4624-3 et L. 4624-4 du Code du travail prévoient la possibilité pour le médecin du travail de proposer des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail avant de déclarer un travailleur apte. La Cour de cassation précise ici que « la circonstance que les mesures d’aménagement préconisées entraînent une modification du contrat de travail du salarié n’implique pas, en elle-même, la formulation d’un avis d’inaptitude ». En l’espèce, les restrictions émises par le médecin du travail ne concernaient que le travail de nuit après 22 heures et la salariée pouvait continuer à occuper son poste avec des horaires de jour, l’employeur ayant par ailleurs déjà aménagé ses horaires de travail. Dans ces conditions, elle était apte à son poste de travail (Cass. Soc. 24 mars 2021, n°19-16.558).