NewsletterNewsletter n°148 – Avril 2021
TELETRAVAIL: Précision relative à la rémunération du salarié en télétravail.
Dans notre lettre d’actualité du mois de mars (n° 147) nous vous faisions part d’une décision rendue le 10 mars 2021 par le Tribunal judiciaire de Nanterre, lequel avait jugé que l’employeur n’était pas tenu d’attribuer des tickets-restaurant aux salariés placés en télétravail (TJ Nanterre, 10 mars 2021, n°20/09616). Le 30 mars suivant, le Tribunal judiciaire de Paris a rendu une décision exactement contraire, précisant : « aux termes de l’article L.1222-9 du code du travail, le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail effectué par un salarié hors des locaux de l’employeur qui utilise les technologies de l’information et de la communication, ce qui n’implique pas pour le salarié de se trouver à son domicile ni de disposer d’un espace personnel pour préparer son repas ». Il poursuit : « l’objet du titre-restaurant est de permettre au salarié de se restaurer lorsqu’il accomplit son horaire de travail journalier comprenant un repas, mais non sous condition qu’il ne dispose pas d’un espace personnel pour préparer celui-ci ». Le tribunal conclut : « Au contraire de ce qui est soutenu par l’employeur, les conditions d’utilisation des titres-restaurant sont tout à fait compatibles avec l’exécution des fonctions en télétravail puisqu’elles ont pour principe directeur de permettre au salarié de se restaurer lorsque son temps de travail comprend un repas, et qu’à ce titre les télétravailleurs se trouvent dans une situation équivalente à celle des salariés sur site. » Au passage, le Tribunal judiciaire de Paris évoque l’ANI du 26 novembre 2020 qui « ne comporte aucune mention expresse quant à la restauration des salariés en télétravail (ce qui) ne saurait permettre de conclure que l’employeur ne dispose d’aucune obligation d’attribuer des tickets restaurants aux salariés en télétravail ». La juridiction fait également référence à un Questions-Réponses publié sur le site du ministère du travail concernant le thème « Télétravail en période de COVID », dans lequel il est indiqué : « dès lors que les salariés exerçant leur activité dans les locaux de l’entreprise bénéficient des titres-restaurant, les télétravailleurs doivent aussi en recevoir si leurs conditions de travail sont équivalentes » (TJ Paris, 30 mars 2021, n°20/09805).
DISCRIMINATION: Absence de clause de neutralité dans le règlement intérieur.
Dans cette affaire, une salariée s’est présentée à son poste de travail avec un foulard dissimulant ses cheveux, ses oreilles et son cou. L’employeur lui a demandé de retirer son foulard et à la suite du refus opposé par la salariée, a placé celle-ci en dispense d’activité, puis l’a licenciée pour cause réelle et sérieuse. Le 14 avril 2021, la Haute juridiction a donné raison à la Cour d’appel de Toulouse d’avoir jugé le licenciement discriminatoire. La Cour de cassation rappelle, au préalable, que le règlement intérieur peut prévoir une clause de neutralité « interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients ». En l’absence d’une telle clause dans le règlement intérieur, ce qui était le cas de l’espèce, des restrictions à la liberté religieuse ne sont possibles que s’il existe une « exigence professionnelle essentielle et déterminante » au sens de l’article 4.1 de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000. Or, pour la Cour de cassation, les juges du fond ont justement apprécié que cette exigence professionnelle essentielle et déterminante n’était pas constituée par « (…) l’attente alléguée des clients sur l’apparence physique des vendeuses d’un commerce de détail d’habillement (…) » (Cass. Soc., 14 avril 2021, n° 19-24.079).
REMUNERATION VARIABLE: Modification des objectifs.
Lorsque le contrat de travail prévoit une rémunération variable en fonction d’objectifs, ceux-ci peuvent être définis unilatéralement par l’employeur. Ils sont susceptibles d’être ensuite modifiés à l’initiative de ce dernier à la double condition que les nouveaux objectifs soient réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice. C’est cette seconde condition que rappelle ici la Cour de cassation en énonçant : « (…) si l’employeur peut modifier les objectifs annuels dans le cadre de son pouvoir de direction , il lui appartient cependant de le faire en début d’exercice, et non en cours d’exécution alors qu’il prend conscience de leur niveau d’exécution (…) l’employeur ne pouvait, à l’issue de l’exercice, unilatéralement, ni modifier le mode de calcul convenu de la rémunération, ni réduire le montant de la prime (…) » (Cass. Soc., 8 avril 2021, n°19-15.432).
COVID 19: Jours de repos imposés.
Un groupe industriel avait imposé à ses salariés ne pouvant télétravailler la prise de 10 jours de congés dans le cadre du dispositif prévu par les articles 2 et 4 de l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos. Une action en annulation des jours de congés imposés a été introduite devant la formation des référés du Tribunal judiciaire de Paris par un syndicat. Celui-ci, débouté en première instance, a interjeté appel devant la Cour d’appel de Paris, qui a considéré que cet employeur ne pouvait imposer les dates de congés à ses salariés dans le cadre du dispositif prévu par l’ordonnance précitée car ce texte « prévoit expressément et clairement que la prise de mesures dérogatoires ne peut intervenir que lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid 19 ; Qu’il appartient aux sociétés du Groupe (…) de rapporter la preuve des difficultés économiques liées à la propagation du covid-19, ce qu’elles ne font pas, les mesures d’adaptation dont elles excipent ne les caractérisant pas » (CA Paris, 1er avril 2021, n° 20/12215).
SANCTION DISCIPLINAIRE: Contestation possible d’une rétrogradation acceptée par le salarié.
Un salarié avait contesté une rétrogradation disciplinaire qu’il avait pourtant expressément acceptée en signant l’avenant au contrat de travail correspondant. La Haute juridiction a néanmoins considéré que les juges du fond devaient s’assurer « de la réalité des faits invoqués par l’employeur, de leur caractère fautif et de la proportionnalité de la sanction prononcée à la faute reprochée au salarié » (Cass. Soc. ,14 avril 2021, n°19-12.180).
COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE: Le CSE n’a pas de représentant légal.
La Haute juridiction rappelle que le secrétaire et le secrétaire adjoint du CSE n’ont pas la qualité de représentants légaux : « alors que l’intervention volontaire du comité social et économique mentionnait que le comité était représenté par ses secrétaire et secrétaire adjoint, que ni le secrétaire du comité social et économique ni le secrétaire adjoint n’en sont les représentants légaux, qu’il appartient au comité social et économique de justifier qu’il avait mandaté expressément un de ses membres à l’effet de le représenter en justice (…) » (Cass. Soc., 31 mars 2021, n°19-23.654).