NewsletterNewsletter n°154 – Octobre 2021
VIDEO-SURVEILLANCE: Licéité du moyen de preuve.
Un salarié a été licencié pour avoir commis une faute grave dont la preuve résultait d’un enregistrement de vidéo-surveillance montrant qu’il s’était livré à des pratiques de voyeurisme dans les toilettes pour femmes. Le salarié a contesté son licenciement en invoquant notamment le caractère illicite du moyen de preuve, dès lors que le dispositif de vidéo-surveillance n’avait pas fait l’objet d’une information conformément à l’article L.1222-4 du code du travail qui dispose qu’« aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. » La Cour d’appel de Paris a donné raison au salarié. Mais la Cour de Cassation n’est pas de cet avis et reproche aux juges du fond de ne pas avoir vérifié si le dispositif de surveillance avait bien pour objet de contrôler le salarié dans l’exercice de ses fonctions. En d’autres termes, même s’il n’a pas procédé à une information des salariés, l’employeur peut valablement utiliser des images issues d’un système de vidéosurveillance comme moyen de preuve, dès lors que l’objectif du dispositif n’est pas de surveiller les salariés, mais d’assurer la sécurité des lieux (Cass.Soc. 22 sept. 2021, 20-10.843).
DISCIPLINE: Précision sur la procédure applicable en cas d’avertissement.
En principe, l’employeur n’est pas tenu de convoquer le salarié à un entretien préalable, lorsqu’il envisage de prononcer un avertissement ou une sanction de même nature. En effet, l’article L.1332-2 du code du travail dispose : « lorsque l’employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l’objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié (…) » Toutefois, au regard de cet article, la Cour de Cassation a déjà jugé que, lorsqu’un règlement intérieur subordonne un licenciement au prononcé préalable de deux avertissements, l’employeur doit mettre en œuvre la procédure disciplinaire classique (convocation à entretien préalable) avant de prononcer une telle sanction, dès lors que l’avertissement peut avoir une influence sur le maintien du salarié dans l’entreprise (Cass. Soc. 3 mai 2011, n° 10-14.104). Dans deux arrêts du 22 septembre 2021, la Cour de Cassation transpose cette solution aux dispositions provenant d’une convention collective. La Haute Juridiction considère, en effet, que l’employeur est tenu de convoquer le salarié à un entretien préalable avant de lui notifier un avertissement lorsque, au regard des dispositions d’une convention collective, la sanction peut avoir une influence sur le maintien du salarié dans l’entreprise. Ce qui est le cas lorsque la convention collective institue une garantie de fond en subordonnant le licenciement à l’existence de deux sanctions antérieures (Cass. Soc. 22 sept. 2021, n°18-22.204 et Cass. Soc. 22 sept. 2021, n° 19-12.538).
TELETRAVAIL: Indemnité prévue par accord collectif.
Un accord télétravail conclu avant la pandémie prévoyait le versement d’une indemnité de 5 euros par jour au profit des salariés dont le télétravail régulier était formalisé par un avenant. L’accord prévoyait également la possibilité de recourir au télétravail de façon occasionnelle, dans la limite de 40 jours par an, sans avenant ni indemnité. A compter du 16 mars 2020, conformément aux prescriptions gouvernementales, presque tous les salariés du siège de la société concernée ont été placés en télétravail à 100% en raison de la crise sanitaire. L’employeur n’a pas versé l’indemnité prévue par l’accord collectif à ces salariés placés en télétravail sans avenant. Ceux-ci avaient toutefois perçu une indemnité de 200 euros nets en novembre 2020. Le Tribunal Judiciaire de Paris vient de juger que le principe d’égalité de traitement s’oppose à ce que l’indemnité ne soit maintenue qu’au profit des salariés déjà titulaires d’un avenant sur le télétravail régulier. Il a donc ordonné le versement, à tous les salariés, de l’indemnité de 5 euros par jour télétravaillé, considérant que peu importait que les salariés aient ou non signé l’avenant (TJ Paris, 28 septembre 2021, n°21/06097).
PRIME SUR OBJECTIFS: Condition de présence.
Une salariée, engagée au mois de juin 2019 comme responsable du développement commercial, a été licenciée en octobre 2010. Son contrat de travail prévoyait une rémunération variable sous condition de présence dans l’entreprise au-delà du 31 décembre de l’année de référence. Son licenciement étant intervenu en octobre 2010, l’employeur a estimé que cette prime n’était pas due en application de la condition de présence. Mais la Cour de Cassation n’a pas la même position. Au visa de l’article L.1134 du code civil, elle rappelle en effet que « si l’ouverture du droit à un élément de rémunération afférent à une période travaillée peut être soumise à une condition de présence à la date de son échéance, le droit à rémunération, qui est acquis lorsque cette période a été intégralement travaillée, ne peut être soumise à condition de présence à la date postérieure de son versement . » Or « les primes litigieuses constituaient la partie variable de la rémunération versée à la salariée en contrepartie de son activité, de sorte qu’elles s’acquéraient au prorata de son temps de présence dans l’entreprise au cours de l’exercice » (Cass.Soc. 29 sept. 2021, n° 13-25.549).
CONGES PAYES: Diligences de l’employeur.
Après la rupture de son contrat de travail, un salarié a réclamé le paiement de jours de congés payés dont il prétendait ne pas avoir bénéficié. Son employeur opposait le bulletin de paie pour la période considérée sur lequel figurait la mention de congés payés. Le salarié, éducateur sportif, a pu rapporter la preuve qu’il était présent sur le stade durant cette période. La Cour de cassation rappelle, à l’occasion de cette affaire, que l’employeur ne peut se contenter de montrer qu’il a payé les congés, il doit être en mesure de prouver qu’il a pris des mesures pour que le salarié les prenne effectivement, la charge de cette démonstration lui incombant : « il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement » (Cass.soc. 29 sept. 2021, n°19-19.223).
FORFAIT JOURS: Conditions de validité de l’accord collectif l’instituant.
La Cour de Cassation déclare nulle la clause de forfait jours de la convention collective nationale du Crédit Agricole. Elle considère en effet que les stipulations de la clause l’instituant sont insuffisantes à garantir le respect de durées raisonnables de travail. Selon elle, les dispositions de cet accord qui « se bornent à prévoir que le nombre de jours travaillés dans l’année est au plus de 205 jours, compte tenu d’un droit à congé payé complet, que le contrôle des jours travaillés et des jours de repos est effectué dans le cadre d’un bilan annuel défini dans le présent accord et qu’un suivi hebdomadaire vérifie le respect des règles légales et conventionnelles les concernant en matière de temps de travail ; notamment les onze heures de repos quotidien, sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé ». Elle en déduit que « la convention de forfait jours était nulle » (Cass.Soc. 13 oct. 2021, n°19-20.531).