NewsletterNewsletter n°158 – Février 2022
FORFAIT-JOURS: Conséquences sur les RTT de l’annulation de la convention de forfait-jours.
Un salarié avait saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail. La Cour d’appel déclarait nulle la clause de forfait-jours du salarié. Elle déboutait néanmoins l’employeur qui, sur le fondement de la répétition de l’indu (article 1302 alinéa 1 du code civil), réclamait le remboursement des journées de RTT payées en application de cette clause. La Cour de cassation donne tort à la cour d’appel : « Pour débouter l’employeur de sa demande en remboursement des jours de réduction du temps de travail accordés, l’arrêt retient que le caractère indu des sommes versées au titre des jours de RTT n’est pas démontré dans la mesure où elles rémunéraient des jours de repos réellement pris, qui ne peuvent conduire à la réduction du salaire servi à l’époque, et que les heures supplémentaires accordées ne les prennent pas en compte.
En statuant ainsi, alors qu’elle avait retenu que la convention de forfait à laquelle le salarié était soumis était nulle, en sorte que le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu, la cour d’appel a violé les textes susvisés » (Cass. Soc., 9 février 2022, n° 20-14.063).
DUREE DU TRAVAIL: Droit à indemnisation en cas de dépassement de la durée maximale de travail.
Au cours d’une même semaine, la durée du travail ne doit pas dépasser 48 heures (article L 3121-20 du code du travail). Un salarié qui avait travaillé 50H et 45 minutes au cours d’une semaine avait demandé des dommages et intérêts pour violation de la durée maximale de travail. Il a été débouté par la cour d’appel qui lui reprochait de ne pas apporter la preuve de son préjudice. La Cour de Cassation n’est pas de cet avis et juge que le salarié n’a pas à justifier de son préjudice : « Pour débouter le salarié de sa demande en dommages-intérêts pour violation de la durée maximale de travail, l’arrêt, après avoir constaté que le salarié avait travaillé 50,45 heures durant la semaine du 6 au 11 juillet 2015, retient que celui-ci doit démontrer très exactement en quoi ces horaires chargés lui ont porté préjudice et, qu’en l’état des éléments soumis, ce préjudice n’est pas suffisamment démontré. En statuant ainsi, alors que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (Cass. Soc. , 26 janvier 2022, n°20-21.636).
DROIT DISCIPLINAIRE: Le compte-rendu d’entretien annuel comportant des reproches peut-il constituer une sanction disciplinaire ?
Lors d’un entretien annuel, un manager avait fait part à un salarié de son mécontentement sur un certain nombre de points. Cet entretien avait donné lieu à un compte-rendu écrit dans lequel le manager formulait des griefs et demandait au salarié de changer d’attitude sans délai. Le salarié a ensuite fait l’objet d’un licenciement pour faute grave en raison des manquements dont il lui avait été fait reproche lors de l’entretien annuel. La Cour d’appel de Besançon a jugé que le compte-rendu d’entretien constituait un avertissement, si bien que l’employeur ne pouvait prononcer un licenciement disciplinaire sur ces mêmes faits. La Cour de Cassation lui donne raison : « Après avoir relevé que, dans son compte rendu d’entretien, l’employeur reprochait au salarié son attitude dure et fermée aux changements, à l’origine d’une plainte de collaborateurs en souffrance, des dysfonctionnements graves liés à la sécurité électrique et le non-respect des normes réglementaires, et l’invitait de manière impérative et comminatoire et sans délai à un changement complet et total, la cour d’appel en a exactement déduit que ce document comportant des griefs précis sanctionnait un comportement considéré comme fautif et constituait un avertissement, en sorte que les mêmes faits ne pouvaient plus justifier un licenciement ultérieur. » (Cass. Soc., 2 février 2022, n°20-13.833).
CONTRAT DE TRAVAIL: Temps de repos
Un agent de surveillance avait saisi la juridiction prud’homale pour demander des rappels de salaire correspondant à ses temps d’attente. Le salarié soutenait, en effet, qu’il ne pouvait vaquer librement à ses occupations pendant ces périodes, car il devait garder son arme de service sur lui, ce qui impliquait une attention constante, l’employeur n’ayant pas mis à sa disposition les moyens de la remiser en sureté. La Cour de cassation ne le suit pas dans son raisonnement. Après avoir rappelé que « la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles » (article L 3121-1 du code du travail), la Cour considère que « la conservation par le salarié de son arme de service pendant la durée du repos journalier pris en dehors de sa zone normale d’emploi ou de son domicile n’avait pas eu pour effet de le maintenir à la disposition de l’employeur entre deux services » (Cass. Soc., 9 février 2022, n° 20-21.541).
MINIMUM CONVENTIONNEL: Précisions sur la prise en compte du treizième mois pour apprécier le minimum conventionnel.
Un litige portait sur les modalités de prise en compte de la prime annuelle de treizième mois pour apprécier le respect du salaire minimum prévu par la convention collective applicable. L’employeur avait, pour sa part, procédé à un lissage de cette prime sur l’année, alors que la salariée considérait, au contraire, que le treizième mois ne pouvait être pris en compte que pour le mois où il était versé. Les juges du fond ont adopté la solution de la salariée, et la Cour de Cassation approuve ce raisonnement en l’absence de disposition conventionnelle contraire : « Ayant constaté, s’agissant de la période d’octobre 2006 à décembre 2013, au cours de laquelle les deux conventions collectives s’étaient appliquées successivement, que la salariée avait perçu une rémunération inférieure au salaire minimum conventionnel auquel elle pouvait prétendre, sauf certains mois au cours desquels elle avait perçu la prime de treizième mois ou la prime d’objectifs, la cour d’appel a fait l’exacte application des textes conventionnels » (Cass. Soc., 12 janvier 2022, n° 20-12.542).
DROIT A L’IMAGE: Précisions concernant l’atteinte au droit à l’image.
Des salariés avaient été photographiés avec l’ensemble de l’équipe pour apparaître sur le site internet de l’entreprise. Cette dernière avait refusé de retirer la photographie malgré la demande écrite de plusieurs salariés figurant sur celles-ci. Ils ont alors saisi la juridiction prud’homale d’une demande de versement de dommages et intérêts pour atteinte au droit à l’image sur le fondement de l’article 9 du code civil. Devant la juridiction d’appel, les salariés avaient été déboutés de leur demande, au motif que l’employeur avait supprimé la photographie litigieuse postérieurement à la communication des conclusions de première instance des salariés formulant cette demande, et qu’il n’était pas démontré l’existence d’un préjudice personnel, direct et certain résultant du délai de suppression de la photographie en question. La Cour de Cassation casse l’arrêt d’appel, car « la seule constatation de l’atteinte au droit à l’image » ouvrait « droit à réparation » des salariés sans que ces derniers n’aient à démontrer l’existence d’un préjudice (Cass. Soc., 19 janvier 2022, n° 20-12.420).