NewsletterNewsletter n°159 – Mars 2022
INAPTITUDE: Point de départ du délai de contestation.
L’article R. 4624-45 alinéa 1er du Code du travail dispose qu’« en cas de contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications reposant sur des éléments de nature médicale émis par le médecin du travail mentionnés à l’article L. 4624-7, le conseil de prud’hommes […] est saisi dans un délai de quinze jours à compter de leur notification. Les modalités de recours ainsi que ce délai sont mentionnés sur les avis et mesures émis par le médecin du travail ». La Cour de cassation précise que « pour constituer la notification faisant courir le délai de recours de quinze jours à l’encontre d’un avis d’aptitude ou d’inaptitude, la remise en main propre de cet avis doit être faite contre émargement ou récépissé » (Cass. Soc. 2 mars 2022, n°20-21.715).
CSE: Restriction du recours à l’expertise.
Le comité social et économique d’un établissement avait décidé du recours à une expertise en vue de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise. La société a demandé l’annulation de cette décision, au motif qu’un accord d’entreprise prévoyait que les consultations récurrentes étaient menées au niveau du comité social et économique central. Selon la Haute Juridiction, dès lors qu’en vertu d’un accord collectif, les consultations récurrentes ressortent du seul comité social et économique central de la société, le comité social et économique d’établissement ne peut procéder à la désignation d’un expert à cet égard (Cass. Soc. 9 mars 2022, n°20-19.974).
NEGOCIATION COLLECTIVE: Précision sur le niveau de négociation du plan de sauvegarde de l’emploi.
Pour la première fois, le Conseil d’Etat admet que l’accord fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi puisse être conclu au niveau de l’unité économique et sociale « même si celle-ci, qui n’a pas la personnalité morale, ne se substitue pas aux entités juridiques qui la composent » (CE, 2 mars 2022, n°438136).
SANTE ET SECURITE: Conditions de l’interdiction de consommation d’alcool en entreprise.
Le Conseil d’Etat précise que, si l’employeur qui estime devoir limiter, voire interdire , la consommation d’alcool sur le lieu de travail doit établir que cette restriction est justifiée et proportionnée, « cette exigence n’implique pas […] qu’il doive être en mesure de faire état de risques qui se seraient déjà réalisés » (CE, 14 mars 2022, n°434343).
TEMPS DE TRAVAIL: Forfait annuel en jours et obligation de sécurité de l’employeur.
Un salarié reprochait aux juges du fond de l’avoir débouté de sa demande en dommages-intérêts au titre du non-respect de l’obligation de sécurité, alors même qu’ils avaient condamné son employeur pour non-respect des conditions légales de mise en œuvre de la convention de forfait-jours. La cour d’appel avait, en effet, jugé que l’ensemble des éléments qui lui était soumis mettait en évidence un comportement de l’employeur conforme à son obligation de sécurité. Or, pour la Cour de cassation, dès lors qu’il est constaté que l’employeur ne justifie pas avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail du salarié restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition dans le temps du travail, l’employeur manque nécessairement à son obligation de sécurité (Cass. Soc. 2 mars 2022, n°20-16.683).
NEGOCIATION COLLECTIVE: Possibilité pour le CSE de contester un accord collectif.
Selon l’article L. 2262-14 du Code du travail, l’action en nullité de tout ou partie d’un accord collectif doit être engagée dans un délai de deux mois à compter de la notification de l’accord ou de sa publication. En 2018, le Conseil constitutionnel a précisé que ces dispositions ne privaient pas les salariés de la possibilité de contester, sans condition de délai, par voie d’exception, l’illégalité d’une clause de convention ou d’accord collectif, à l’occasion d’un litige individuel la mettant en œuvre (CC. 21 mars 2018, n°2018-761 DC). Pour la première fois, la Cour de cassation admet qu’un comité social et économique puisse également contester un accord d’entreprise par la voie d’exception (Cass. Soc. 2 mars 2022, n°20-16.002).
RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL: Validité d’un licenciement pour insuffisance professionnelle prononcé après un refus de rétrogradation.
Un salarié, directeur d’exploitation générale, a été convoqué, en novembre 2016, à un entretien préalable à une sanction disciplinaire. A l’issue de cet entretien, son employeur lui a proposé un poste de directeur d’exploitation sectorielle, assorti d’une rémunération mensuelle réduite, ce qu’il a refusé. En décembre 2016, son employeur l’a donc convoqué à un nouvel entretien préalable, avant de le licencier pour insuffisance professionnelle. Selon les juges du fond, ce licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors qu’antérieurement à la lettre de licenciement invoquant l’insuffisance professionnelle du salarié, l’employeur avait engagé une procédure de rétrogradation disciplinaire. La Cour de cassation considère qu’il résulte de l’article L. 1232-6 du Code du travail « que c’est le motif de la rupture mentionné dans la lettre de licenciement qui détermine le caractère disciplinaire ou non du licenciement, peu important la proposition faite par l’employeur d’une rétrogradation disciplinaire, impliquant une modification du contrat de travail refusée par le salarié » (Cass. Soc. 9 mars 2022, n°20-17.005).
ALERTE PROFESSIONNELLE: Renforcement de la protection des lanceurs d’alerte.
Deux lois publiées au Journal officiel du 22 mars 2022, dont une loi organique, visent à renforcer les dispositifs existant sur les lanceurs d’alerte en renforçant leur protection et en renforçant le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte. Le statut du lanceur d’alerte est notamment redéfini : « sera reconnue comme lanceur d’alerte la personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation du droit international ou de l’Union européenne, de la loi ou du règlement ». Désormais, le lanceur d’alerte peut signaler des faits qui lui sont rapportés et non seulement des faits dont il a personnellement connaissance. En outre, le lanceur d’alerte n’est plus contraint de lancer préalablement une alerte en interne. Il peut choisir d’emblée entre le signalement interne et le signalement au Défenseur des Droits (L. organique n°2022-400 du 21 mars 2022, L. n°2022-401 du 21 mars 2022, JO du 22 mars).
SANTE AU TRAVAIL: Publication du décret relatif au nouveau document unique d’évaluation des risques.
Pris à la suite de la loi n°2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, ce décret précise notamment les règles d’élaboration, de mise à jour, de conservation (dont la durée est désormais de 40 ans). Il élargit, en outre, la mise à disposition du document unique aux anciens travailleurs et aux services de prévention et de santé au travail (D. n°2022-395 du 18 mars 2022 , JO du 20 mars).