NewsletterNewsletter n°160 – Avril 2022
LIBERTE D’EXPRESSION: Propos sexistes banalisant les violences faites aux femmes.
Un humoriste, animateur sur France 2, avait été licencié pour faute grave dans les circonstances suivantes : à la fin d’une émission, invité à conclure celle-ci par un trait d’humour, il avait tenu ces propos : « les gars vous savez c’qu’on dit à une femme qu’a déjà les deux yeux au beurre noir ? – Elle est terrible celle-là ! – on lui dit plus rien, on vient déjà d’lui expliquer deux fois ! » Quelques jours plus tard, à l’occasion d’un tournage, l’animateur posait plusieurs questions à une candidate sur la fréquence de ses relations sexuelles avec son compagnon, alors qu’il avait par ailleurs été alerté à plusieurs reprises par son employeur sur la nécessité de faire évoluer le comportement qu’il avait sur le plateau à l’égard des femmes. Le salarié a contesté son licenciement, estimant qu’il pouvait user librement de sa liberté d’expression dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, et qu’il n’avait commis aucun abus, ni manquement à son engagement éthique, d’autant plus qu’il était humoriste. Depuis de nombreuses années, la Cour de cassation juge que, sauf abus, le salarié jouit d’une liberté d’expression dans l’entreprise et en dehors de celle-ci. Cette liberté peut faire l’objet de restrictions justifiées par la nature des tâches à accomplir, mais elles doivent être proportionnées au but recherché. Dans cette affaire, l’animateur salarié était tenu par son contrat de travail de respecter une charte par laquelle il s’engageait à ne tenir aucun propos à connotation sexiste. La Cour de Cassation a considéré que cette limitation de la liberté d’expression poursuivait un but légitime : « De l’ensemble de ces élément, la cour d’appel qui a fait ressortir que le licenciement, fondé sur la violation par le salarié d’une clause de son contrat de travail d’animateur, poursuivait le but légitime de lutte contre les discriminations à raison du sexe et des violences domestiques et celui de la réputation et des droits de l’employeur, a exactement déduit, compte tenu de l’impact potentiel des propos réitérés du salarié, reflétant une banalisation des violences à l’égard des femmes, sur les intérêts commerciaux de l’employeur, que cette rupture n’était pas disproportionnée et ne portait pas une atteinte excessive à la liberté d’expression du salarié » (Cass. Soc., 20 avril 2022, n°20-10.852).
LIEN DE SUBORDINATION: Caractérisation dans le cadre d’une relation entre un chauffeur et une plateforme.
Un chauffeur de VTC avait passé un contrat de location longue durée d’un véhicule, ainsi qu’un contrat d’adhésion informatisé avec une même société. A la suite de la rupture du contrat, il a saisi la juridiction prud’homale pour faire reconnaitre la requalification de la relation en contrat de travail. Les juges du fond relevaient l’existence d’un lien de subordination à travers les éléments suivants : l’absence de libre choix du véhicule, l’interdépendance entre les contrats de location et l’adhésion à la plateforme, la localisation du chauffeur par GPS en temps réel et son contrôle permanent, la facturation par la société du client au nom et pour le compte du chauffeur, et le pouvoir de sanction à travers le système de notation par les personnes transportées. La Cour de cassation n’est cependant pas de cet avis. Elle casse l’arrêt de la Cour d’appel en précisant que dans le cadre d’un service organisé, le lien de subordination est caractérisé par « des directives sur les modalités d’exécution du travail » (…) ainsi que le « pouvoir d’en contrôler le respect et d’en sanctionner l’inobservation (…) » (Cass. soc. 13 avril 2022, n°20-14.870).
REINTEGRATION DU SALARIE PROTEGE: Conséquences fiscales du versement de l’indemnité réparant le préjudice subi.
Un salarié protégé était licencié sur autorisation de l’inspection du travail puis réintégré à son poste, plus de deux années plus tard, à l’issue d’un recours devant les juridictions administratives. Il perçut l’indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration., ce qui eut pour effet de majorer son impôt sur le revenu. Le salarié obtenait devant les juridictions du fond la condamnation de l’employeur à des dommages- intérêts en réparation de ce préjudice fiscal. La Cour de cassation n’est toutefois pas d’accord avec cette solution et rappelle que, si la réparation du préjudice doit être intégrale, sans perte ni profit, « les dispositions fiscales frappant les revenus sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et le calcul de l’indemnisation des victimes » (Cass. Soc. 6 avril 2022, n°20-22.918).
SYNDICAT: Vérification de la représentativité des syndicats signataires d’un accord collectif.
Lorsque l’administration est saisie d’une demande de validation d’un accord d’entreprise portant plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), elle doit vérifier que l’accord soumis a été régulièrement signé pour le compte d’une ou plusieurs organisations syndicales représentatives représentant au moins 50% des suffrages exprimés lors du premier tour des dernières élections professionnelles. A ce titre, rappelle le Conseil d’Etat, elle doit notamment vérifier les critères de représentativité du syndicat, parmi lesquels figure la transparence financière. En l’espèce, le syndicat signataire qui n’avait pas publié ses comptes du dernier exercice clos précédant la signature de l’accord, ne remplissait pas ce critère, si bien que l’administration ne pouvait pas homologuer l’accord PSE (CE, 6 avril 2022, n°444460).
ELECTIONS PROFESSIONNELLES: Contentieux préélectoral suivi d’un contentieux électoral.
Un syndicat avait saisi le tribunal d’instance pour demander l’annulation d’une candidature présentée par un autre syndicat, en raison du non-respect des règles de parité. Il était débouté. Après les élections, le syndicat saisissait de nouveau le tribunal, cette fois en annulation de l’élection de la même candidate élue. Le tribunal déclarait la demande irrecevable au regard de la chose jugée tirée du précédent jugement. Mais la Cour de cassation considère que, même si c’est sur le fondement des mêmes motifs, il n’y a pas d’autorité de la chose jugée entre une décision en matière de contentieux préélectoral et un litige électoral (Cass. Soc. 6 avril 2022, n°20-18.198).
LICENCIEMENT DISCIPLINAIRE: Révélation de fautes après l’entretien préalable et nouvelle convocation avant la notification du licenciement.
Un employeur avait convoqué un salarié à un entretien préalable en vue d’un licenciement disciplinaire. Quinze jours après cet entretien, informé de nouvelles fautes, il convoquait le salarié à un nouvel entretien. Le salarié ayant été licencié pour faute grave plus d’un mois après le premier entretien, la cour d’appel a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Mais l’employeur obtient gain de cause devant la Cour de Cassation, qui précise au visa de l’article L.1332-2 du code du travail : « Il résulte de ce texte que lorsqu’en raison de la révélation de faits fautifs nouveaux postérieurement à un entretien préalable, l’employeur adresse au salarié, dans le délai d’un mois à compter du premier entretien, une convocation à un nouvel entretien préalable, c’est à compter de la date du dernier entretien que court le délai d’un mois qui lui est imparti pour notifier la sanction » (Cass. Soc. 23 mars 2022, n°20-19.963).
BDESE: Liste des indicateurs environnementaux.
La loi Climat du 22 août 2021 a ajouté un volet environnemental à la base de données économiques et sociales (BDES), devenue ainsi la base des données économiques, sociales et environnementales (BDESE). Le décret fixant la liste des indicateurs environnementaux devant y figurer vient d’être publié et entre en application dès le 28 avril 2022 (D. n°2022-678 du 26 avril 2022, JO du 27 avril).