NewsletterNewsletter n°161 – Mai 2022
RUPTURE DU CONTRAT: Validation du barème Macron en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par deux arrêts du 11 mai 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation a tranché plusieurs questions délicates relatives au barème Macron. Dans le premier litige, la cour d’appel avait déclaré l’application du barème non conforme à l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT. Dans la seconde affaire, le salarié contestait l’application du barème par la cour d’appel en soulevant son incompatibilité avec l’article 24 de la Charte sociale européenne. La Cour de cassation retient que « les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du Code du travail sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT ». Elle rejette ainsi toute possibilité d’un contrôle de conventionnalité in concreto au regard de cette Convention, arguant qu’un tel contrôle créerait pour les justiciables une incertitude sur la règle de droit applicable, alors susceptible de changer en fonction de circonstances individuelles et de leur appréciation par les juges, et porterait atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi. Enfin, elle conclut à la non-invocabilité de la Charte sociale européenne par les particuliers devant les juges nationaux (Cass. soc., 11 mai 2022, n°21-14.490, Cass. soc., 11 mai 2022, n°21-15.247).
SALARIE PROTEGE LANCEUR D’ALERTE: Précisions sur la procédure à suivre en cas de licenciement.
Conformément à l’article L.1132-3-3 du Code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné pour avoir relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions. Ce régime de protection spécifique peut interférer avec la protection dont disposerait également le salarié au titre d’un mandat représentatif, laquelle fait intervenir l’inspecteur du travail préalablement à tout licenciement. En l’espèce, un salarié protégé en tant qu’élu du CSE avait signalé aux commissaires aux comptes de la société qui l’employait des faits pouvant, selon lui, constituer un délit d’abus de biens sociaux. Son employeur avait obtenu, sur recours hiérarchique, l’autorisation de le licencier pour faute grave en raison du signalement ainsi opéré. Le tribunal administratif puis la cour administrative d’appel avaient jugé les accusations formulées constitutives d’une faute suffisamment grave pour justifier le licenciement, estimant qu’elles « n’étaient étayées par aucun élément probant », mettant en péril l’image et la réputation de la société. Le Conseil d’Etat a considéré que dans le cas où l’inspection du travail est saisie d’une telle demande, il lui appartient de rechercher 1) si les faits dénoncés sont susceptibles de recevoir la qualification de crime ou de délit, 2) si le salarié en a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et 3) s’il peut être regardé comme ayant agi de bonne foi. Lorsque les trois conditions sont réunies, l’autorité administrative doit refuser de délivrer l’autorisation de licenciement (CE, 27 avril 2022, n°437735).
ELECTIONS PROFESSIONNELLES: Contestation de la décision unilatérale de l’employeur fixant les modalités d’organisation des élections.
Les modalités d’organisation et de déroulement des opérations électorales font l’objet d’un accord entre l’employeur et les organisations syndicales, conclu conformément au code du travail. Les modalités sur lesquelles aucun accord n’a pu intervenir peuvent être fixées par une décision du juge judiciaire. A défaut d’accord satisfaisant aux conditions de validité prévues par le code du travail, il appartient à l’employeur, en l’absence de saisine du tribunal judiciaire, de fixer les modalités d’organisation et de déroulement des élections. Par un arrêt du 18 mai 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation a décidé qu’en l’absence de saisine préalable du juge judiciaire en contestation d’une telle décision, un syndicat n’ayant pas émis de réserves sur lesdites modalités ne peut contester la validité de cette décision unilatérale après la proclamation des résultats des élections (Cass. soc., 18 mai 2022, n°21-11.737).
CONTRAT DE TRAVAIL: Délai de prescription d’une action en reconnaissance d’un contrat de travail.
Dans deux affaires similaires, la Cour de Cassation a jugé que « l’action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat, dont la nature juridique est indécise ou contestée, de contrat de travail revêt le caractère d’une action personnelle et relève de la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil », en ajoutant : « Le point de départ de ce délai se situe à la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé. C’est en effet à cette date que le titulaire connaît l’ensemble des faits lui permettant d’exercer son droit » (Cass. soc., 11 mai 2022, n°20-14.421, n°20-18.084).
SANTE ET SECURITE: Obligation de reclassement d’un salarié déclaré inapte par le médecin du travail.
L’article L.1226-2 du code du travail prévoit que « lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail (…) à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient ». Dans un arrêt du 11 mai 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que l’obligation qui pèse sur l’employeur de rechercher un reclassement au salarié déclaré inapte naît à la date de la déclaration d’inaptitude par le médecin du travail. Ainsi, dès lors que l’inaptitude n’a pas été constatée en application de l’article L.4624-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, entrée en vigueur postérieurement à l’avis d’inaptitude, les dispositions antérieures à l’entrée en vigueur de cette loi s’appliquent (Cass. soc., 11 mai 2022, n°20-20.717).
NEGOCIATION COLLECTIVE: Concours entre stipulations contractuelles et dispositions conventionnelles.
Un employeur sollicitait le remboursement de la prime d’assiduité instaurée par accord collectif en faisant valoir que les salariés ne pouvaient pas bénéficier du cumul de la prime de production, qui présentait un caractère contractuel, et de la prime d’assiduité au motif qu’elles visaient toutes deux à encourager et récompenser la présence effective du salarié à son poste de travail et présentaient ainsi le même objet et la même cause. La cour d’appel de Paris a débouté la société de sa demande et jugé que la prime de production n’avait pas le même objet que la prime d’assiduité. La Cour de cassation l’a censurée en rappelant qu’en cas de concours entre des stipulations contractuelles et des dispositions conventionnelles, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent, sauf stipulations contraires, se cumuler, seul le plus favorable d’entre eux pouvant être accordé (Cass. soc., 11 mai 2022, n°21-11.240).
RUPTURE CONVENTIONNELLE: Paiement de l’indemnité aux ayants droit du salarié décédé après l’homologation.
Un salarié et son employeur ont signé le 11 septembre 2015 une rupture conventionnelle devant prendre effet le 21 octobre suivant. L’autorité administrative homologuait la convention le 9 octobre. Le salarié décédait malheureusement entre l’homologation et la date de la rupture. La cour d’appel a condamné l’employeur à payer le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle aux ayants droit du salarié défunt. La Cour de cassation a confirmé cette décision et jugé que « la créance d’indemnité de rupture, si elle n’est exigible qu’à la date fixée par la rupture, naît dès l’homologation de la convention » (Cass. soc., 11 mai 2022, n°20-21.103).