NewsletterNewsletter n°162 – Juin 2022
LICENCIEMENT ECONOMIQUE: Appréciation du motif économique reposant sur une baisse significative du chiffre d’affaires ou des commandes de l’entreprise.
Conformément à l’article L.1233-3 du code du travail, une baisse significative du chiffre d’affaires ou des commandes sur un ou plusieurs trimestres consécutifs permet de justifier un licenciement fondé sur des difficultés économiques. Dans un arrêt du 1er juin 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation a précisé que cette baisse s’apprécie « au cours de la période contemporaine de la notification de la rupture du contrat de travail », soit la période précédant directement le licenciement. En l’espèce, pour valider le licenciement prononcé pour un tel motif le 5 juillet 2017, la cour d’appel avait écarté de la période de référence le premier trimestre 2017 au motif que le chiffre d’affaires n’avait connu qu’une légère hausse de 0.50% par rapport au premier trimestre 2016. La Cour de cassation a estimé que le motif n’était pas valable, la durée de la baisse n’égalant pas quatre trimestres consécutifs précédant la rupture du contrat de travail. Elle a souligné que toute augmentation, même modeste, du chiffre d’affaires ou des commandes au cours de la période de référence suffit à disqualifier le licenciement. Ainsi, pour déterminer si une telle baisse est intervenue, le juge doit comparer deux périodes, d’un ou plusieurs trimestres selon l’effectif de l’entreprise, à savoir le ou les trimestres précédant la notification de la rupture du contrat de travail, et le ou les trimestres de la même période de l’année précédente (Cass. soc., 1er juin 2022, n°20-19.957).
ELECTIONS PROFESSIONNELLES: Valeur du principe d’égalité face à l’exercice du droit de vote.
Une société avait décidé de recourir au vote électronique pour les élections des membres du comité social et économique. Or, une partie des salariés n’ayant pas accès à des outils informatiques professionnels leur permettant de voter, deux syndicats avaient saisi le tribunal judiciaire et obtenu l’annulation de ces élections. Par un arrêt du 1er juin 2022, la Cour de cassation approuve cette solution, évoquant une « atteinte au principe général d’égalité face à l’exercice du droit de vote ». Elle rappelle que lorsqu’un scrutin est organisé exclusivement de manière électronique, l’employeur doit s’assurer que l’ensemble des électeurs a accès au matériel permettant d’y participer. Ce faisant, elle a érigé le principe d’égalité dans l’exercice du droit de vote au rang des principes généraux du droit électoral, rendant l’annulation inéluctable dès lors qu’une irrégularité est constatée en la matière (Cass. soc., 1er juin 2022, 20-22.860).
PAIE: Point de départ de l’action en rappel de salaires fondée sur la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein.
Un salarié licencié pour motif économique avait saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps plein et la condamnation de son employeur à diverses sommes au titre de l’exécution et la rupture de son contrat de travail. La Cour de cassation a, par un arrêt du 9 juin 2022, considéré que « la durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est soumise à la prescription triennale de l’article L.3245-1 du code du travail ». Ce délai court à compter de chaque échéance de paie, pour le montant dû à cette date ou, lorsque le contrat est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. En conséquence, le point de départ de l’action n’est pas l’irrégularité invoquée par le salarié, mais la date d’exigibilité des rappels de salaires dus en conséquence de la requalification (Cass. soc., 9 juin 2022, n°20-16.992).
CLAUSE DE MEDIATION PREALABLE: Saisine du conseil de prud’hommes en présence d’une clause de médiation préalable.
Dans un avis rendu le 14 juin 2022, la Cour de cassation a précisé « qu’en raison de l’existence en matière prud’homale d’une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une clause du contrat de travail qui institue une procédure de médiation préalable en cas de litige survenant à l’occasion de ce contrat n’empêche pas les parties de saisir directement le juge prud’homal de leur différend » (Avis du 14 juin 2022, n°22-70.004).
HEURES DE DELEGATION: Refus de l’employeur de payer les heures de délégation d’un représentant du personnel.
Les articles L.2142-1-3, L.2143-17 et L.2315-10 du code du travail prévoient que l’employeur qui entend contester l’utilisation faite des heures de délégation doit d’abord les payer, puis saisir le juge judiciaire. Un salarié exerçait ses fonctions représentatives à temps complet. Considérant que la durée de ses mandats ne couvrait plus l’intégralité de son temps de travail, l’employeur avait cessé de lui verser la partie de son salaire correspondant, selon lui, au travail effectif que le salarié aurait dû fournir. La Cour de cassation, dans un arrêt du 1er juin 2022, a considéré que, peu importe le motif de la contestation, dès lors que les retenues sur salaire correspondent à des heures de délégation, il y a trouble manifestement illicite que le juge des référés est en droit de faire cesser. Elle a toutefois précisé qu’un retard de l’employeur dans le paiement des sommes dues au salarié ne peut justifier sa condamnation au paiement de dommages-intérêts qu’à la double condition pour ce dernier de justifier d’un préjudice distinct de celui que réparent les intérêts de retard, et d’établir que la carence de l’employeur résulte de sa mauvaise foi, laquelle ne se présume pas (Cass. soc., 1er juin 2022, n°20-16 836).
ACCROISSEMENT TEMPORAIRE D’ACTIVITE: Recours au contrat de mission pour accroissement temporaire d’activité.
A l’occasion d’un contrat de mission, un salarié avait été mis à disposition d’une société pour « accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise lié au développement portefeuille clients France ». La relation de travail s’était poursuivie sous la forme d’un contrat à durée indéterminée. La Cour de cassation a retenu, dans un arrêt du 9 juin 2022, que le recours au contrat de mission pour accroissement temporaire d’activité pouvait correspondre à une activité supplémentaire liée à la saison, sans avoir comme motif de recours la saisonnalité, dès lors qu’il y avait corrélation entre pic d’activité et recours au contrat précaire. Elle a également précisé que la circonstance que le salarié ait été affecté, par contrat à durée indéterminée, à un emploi présentant de grandes similitudes avec celui ayant motivé le recours au contrat temporaire établit que la société a tiré les conséquences de la nécessité de pérenniser l’action en prospection, comme le lui avait démontré le salarié, et d’en faire une activité régulière étendue à l’ensemble de l’année (Cass. soc., 9 juin 2022, n°21-11.482).
HARCELEMENT MORAL: Enquête interne diligentée par la DRH comme moyen de preuve.
L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés. Il doit justifier avoir pris les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail et, s’il est informé de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, avoir pris les mesures immédiates propres à le faire cesser. Dans un arrêt du 1er juin 2022, la Cour de cassation a considéré que, même si les représentants du personnel n’ont pas été associés à la conduite d’une enquête interne diligentée par la DRH en raison d’un harcèlement moral invoqué par un salarié à l’encontre d’un collègue, cet élément de preuve doit être examiné par les juges du fond (Cass. soc., 1er juin 2022, n°20-22.058).