NewsletterNewsletter n°163 – Juillet 2022
LICENCIEMENT: Mention de la procédure de demande de précision des motifs du licenciement dans la lettre de notification.
Selon l’article L.1235-2 du Code du travail, le salarié qui se voit notifier son licenciement peut, dans les 15 jours suivant la notification de la rupture de son contrat de travail, demander à l’employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de rupture. A défaut pour le salarié d’avoir actionné ce mécanisme, l’éventuelle insuffisance de motivation de la lettre de licenciement, qui serait ultérieurement constatée par le juge, ne constituera qu’une simple irrégularité de forme, réparée par une indemnité plafonnée à un mois de salaire. On aurait donc pu légitimement s’attendre à ce qu’il soit fait obligation à l’employeur de mentionner, dans la lettre de licenciement, l’existence d’une telle faculté. Dans un arrêt du 29 juin 2022, la Cour de cassation affirme pourtant qu’« aucune disposition n’impose à l’employeur d’informer le salarié de son droit de demander que les motifs de la lettre de licenciement soient précisés ». Ce faisant, elle rejoint la position que le ministère du travail avait exprimée le 15 juillet 2020 dans le cadre d’un Questions-Réponses, dans lequel il avait indiqué que « la procédure de précision des motifs […] ne doit pas impérativement apparaître dans une lettre de licenciement » (Cass. soc., 29 juin 2022, n°20-22.220).
COVID-19: Conditions de recours au dispositif dérogatoire de prise des jours de repos mis en place dans le cadre de la crise sanitaire.
L’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos a temporairement permis aux employeurs d’imposer unilatéralement aux salariés la prise, à une date déterminée, de jours de réduction du temps de travail (RTT), de jours de repos prévus par une convention de forfait ou résultant de l’utilisation des droits affectés sur le compte épargne-temps, dans la limite de 10 jours. Le mécanisme a été prolongé jusqu’au 30 septembre 2021. Dans un arrêt du 6 juillet 2022, la Cour de cassation a considéré qu’« en cas de litige, il appartient au juge de vérifier que l’employeur, auquel incombe la charge de la preuve, justifie que les mesures dérogatoires, qu’il a adoptées en application des articles 2 à 5 de l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020, ont été prises en raison de répercussions de la situation de crise sanitaire sur l’entreprise ». Elle a précisé, dans la notice explicative de l’arrêt, que « le recours aux mesures prévues par les articles 2 à 4 de l’ordonnance n’est pas limité à la seule situation de difficultés économiques, notamment telles qu’elles sont définies en matière de licenciement économique, ou aux problèmes de trésorerie ». Toutefois, ce dispositif ne pouvait être utilisé en ce qui concerne les salariés éligibles à l’activité partielle en tant que personnes vulnérables ou parents contraints de garder leur enfant à domicile (Cass. soc., 6 juillet 2022, n°21-15.189).
HARCELEMENT MORAL ET/OU SEXUEL: Recevabilité d’un rapport d’enquête interne non exhaustif comme preuve de faits de harcèlement.
Conformément aux articles L.4121-1 et L.1152-4 du Code du travail, lorsqu’il est informé de faits susceptibles de constituer un harcèlement, l’employeur doit, conformément à son obligation de sécurité, prendre immédiatement des mesures aux fins de faire cesser ces agissements. Parmi les actions à mettre en œuvre, il lui appartient de mener des investigations pour établir la réalité des faits. S’ils sont avérés, leur auteur sera passible d’une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement. En l’espèce, deux salariées avaient dénoncé des faits constitutifs de harcèlement moral et sexuel de la part de leur supérieur hiérarchique. L’employeur avait donc diligenté une enquête interne et interrogé les salariés en relation directe avec ces faits. Ayant reconnu les faits pendant l’enquête, le supérieur hiérarchique avait été licencié pour faute grave. La cour d’appel avait jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans un arrêt du 29 juin 2022, la Cour de cassation a rappelé que le rapport d’enquête interne est un mode de preuve valable dans un litige opposant l’employeur à un salarié licencié en raison de faits de harcèlement moral et/ou sexuel. Elle a précisé qu’il ne peut être écarté des débats, au motif que l’ensemble des témoins n’ont pas été auditionnés et que les élus du personnel n’y ont pas été associés (Cass. soc., 29 juin 2022, n°21-11.437).
FRAIS DE TRANSPORT: Prise en charge par l’employeur des frais de transport des salariés ayant déménagé en province pendant la crise sanitaire.
L’article L.3261-2 du Code du travail prévoit que « l’employeur prend en charge, dans une proportion et des conditions déterminées par voie réglementaire, le prix des titres d’abonnements souscrits par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélos ». L’article R.3261-1 du même code fixe à 50% la prise en charge desdits titres d’abonnement. En l’espèce, le syndicat et le Comité social et économique (CSE) d’une société contestaient le refus de l’employeur de prendre en charge les frais de transports pour des salariés qui avaient déménagé pendant la crise sanitaire. Ils considéraient que cette mesure contrevenait aux dispositions légales et à l’usage en vigueur au sein de la société, selon lequel la prise en charge se fait à hauteur de 60%, sans qu’il ne soit fait mention d’une quelconque obligation en matière de domiciliation. Dans un jugement du 5 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Paris a, considéré « qu’en conditionnant le remboursement des frais de transports en commun à un critère d’éloignement géographique […], l’employeur a méconnu ses obligations légales régies par les articles L.3261 et R.3261-1 et suivants du code du travail ». Il a ainsi institué entre les salariés une différence de traitement, privant une partie des salariés du remboursement des frais de transport (TJ Paris, 5 juillet 2022).
POLITIQUE SOCIALE: Adoption en première lecture du projet de loi sur le pouvoir d’achat.
Après quatre journées et une nuit d’examen en séance publique, le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a été adopté en première lecture par les députés dans la nuit du 21 au 22 juillet 2022. Ses principales dispositions visent à limiter l’impact de l’inflation sur le budget des ménages. Le projet de loi, qui n’a pas été profondément remanié par rapport à sa version présentée en Conseil des ministres le 7 juillet dernier, comprend trois volets : la protection du niveau de vie des Français, la protection des consommateurs et la souveraineté énergétique (Projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat).
COMPETENCE DU CSE D’ETABLISSEMENT: Consultation du CSEE pour déployer des mesures arrêtées au niveau central.
Dans un arrêt du 29 juin 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation a considéré qu’en cas d’aménagement important des conditions de travail décidé au niveau de l’entreprise, le CSE d’établissement (CSEE) n’est consulté que sur les mesures d’adaptation relevant de la compétence du chef d’établissement et qui sont spécifiques à cet établissement. C’est sur la base de ce principe, stricte synthèse des dispositions prévues par le Code du travail en la matière, que la Cour de cassation a écarté la consultation d’un CSEE sur le déploiement d’un plan national de reprise d’activité post-confinement, en l’absence de toute spécificité locale dans sa mise en œuvre. La consultation du CSE était suffisante (Cass. soc., 29 juin 2022, n°21-11.935).