NewsletterNewsletter n°167 – Novembre 2022
SALARIES ITINERANTS: Le temps de trajet des salariés itinérants peut constituer un temps de travail effectif.
Pour rappel, le temps de déplacement d’un salarié ne doit être qualifié de temps de travail effectif que lorsqu’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail. Une difficulté se pose s’agissant des salariés itinérants, puisque ces derniers n’ont, par définition, ni lieu de travail habituel ni temps normal de trajet domicile/travail. En l’espèce, un salarié itinérant devait, lors de ses trajets, effectués avec le véhicule de la société, fixer des rendez-vous ou encore appeler et répondre à divers interlocuteurs. Il intervenait auprès de clients répartis dans une zone très étendue. Dans un arrêt du 23 novembre 2022, la Cour de cassation a fini par s’aligner sur la position de la Cour de justice de l’Union Européenne, en considérant que le temps de déplacement d’un salarié itinérant entre son domicile et les sites d’entreprise des premiers et derniers clients peut, sous certaines conditions, être reconnu comme du temps de travail effectif (Cass. Soc., 23 nov. n°20-21.924). Par conséquent, ce temps de déplacement peut entrer dans le décompte des heures supplémentaires…
INAPTITUDE: Pas de consultation du CSE en cas de dispense de recherche de reclassement.
Pour rappel, l’employeur doit recueillir l’avis du comité social et économique (CSE) sur les possibilités de reclassement de tout salarié déclaré inapte (C. trav. art. L 1226-2, al. 3 ; C. trav. art. L 1226-10, al. 2). Par ailleurs, tout salarié déclaré inapte peut faire l’objet d’une dispense expresse de reclassement par le médecin du travail, quelle que soit l’origine de cette inaptitude (C. trav. art. L 1226-2-1, al. 2 ; C. trav. art. L 1226-12, al. 2). Dans un arrêt du 8 juin 2022, la Cour de cassation avait déjà jugé que l’obligation de consulter le CSE ne s’imposait pas lorsque l’avis d’inaptitude du médecin du travail mentionnait expressément que tout maintien du salarié dans son emploi était gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé de l’intéressé faisait obstacle à tout reclassement dans son emploi (Cass, Soc. 8 juin 2022, n°20-22.500). Cet arrêt avait été rendu à propos d’une salariée victime d’un accident professionnel. Par un arrêt du 16 novembre 2022, la Cour de cassation élargit logiquement cette solution en la transposant aux salariés déclarés inaptes à la suite d’un accident ou d’une maladie non professionnelle (Cass, Soc., 16 nov. 2022, n°21-17.255).
REPRESENTATION DU PERSONNEL: La règle de représentation proportionnée des femmes et des hommes s’applique aux élections partielles.
En l’espèce, le CSE en place dans une entreprise avait perdu la moitié de ses élus titulaires. L’employeur était donc tenu d’organiser des élections partielles. L’un des syndicats avait déposé une liste de quatre candidats, composée uniquement d’hommes, tant pour les titulaires que pour les suppléants. Dans un arrêt du 9 novembre 2022, la Cour de cassation entérine le jugement du tribunal judiciaire, précisant que « les élections partielles se déroulent sur la base des dispositions en vigueur lors de l’élection précédente » (Cass. Soc., 9 nov. 2022, n° 21-60.183). Par conséquent, la question du respect de la parité pour la liste d’un syndicat doit s’apprécier à chaque dépôt de la liste, c’est-à-dire au moment de l’élection initiale du CSE comme au moment de l’élection partielle.
DISCRIMINATION: Une compagnie aérienne ne peut interdire à un steward de porter des tresses.
En l’espèce, un steward d’Air France s’était vu refuser l’embarquement, au motif que sa coiffure – des cheveux longs coiffés en tresses africaines nouées en chignon – n’était pas autorisée par le manuel des règles de port de l’uniforme pour le personnel navigant commercial masculin. La cour d’appel avait estimé cette interdiction légitime, écartant toute forme de discrimination, en estimant notamment que la présentation du personnel navigant commercial faisait partie intégrante de l’image de marque de la compagnie et que la volonté de la compagnie de sauvegarder son image constituait une cause valable de limitation de la libre apparence des salariés. Pour la Cour de cassation, cette interdiction constitue une discrimination. Dans un arrêt du 23 novembre 2022, la Cour considère en effet que « l’interdiction faite à l’intéressé de porter une coiffure, pourtant autorisée par le même référentiel pour le personnel féminin, caractérisait une discrimination directement fondée sur l’apparence physique en lien avec le sexe » (Cass. Soc., 23 nov. 2022, n° 21-14.060). Elle estime que la cour d’appel ne pouvait considérer que les restrictions étaient nécessaires pour permettre l’identification du personnel de la société Air France et préserver l’image de celle-ci. Elle indique également que la cour d’appel ne pouvait pas non plus se fonder « sur la perception sociale de l’apparence physique des genres masculin et féminin », laquelle ne pouvait constituer une exigence professionnelle véritable et déterminante justifiant une différence de traitement relative à la coiffure entre les femmes et les hommes. Dans son communiqué, la Cour de cassation a précisé que les codes sociaux ne sauraient constituer des critères objectifs justifiant une différence de traitement entre les hommes et les femmes.
PREUVE: Les éléments de preuve provenant de l’agenda électronique personnel du salarié ne sont pas forcément irrecevables.
En l’espèce, une salariée avait pris acte de la rupture de son contrat de travail, reprochant notamment à l’employeur des agissements de harcèlement moral et de discrimination. Elle réclamait la requalification de cette prise d’acte et le versement de dommages-intérêts. Pour sa défense, l’employeur produisait des documents émanant de fichiers issus de l’agenda électronique de la salariée enregistrés sur son ordinateur professionnel et non identifiés comme personnels. Les juges du fond avaient fait droit à la demande de la salariée, considérant que ce mode de preuve était irrecevable. Dans un arrêt du 9 novembre 2022, la Cour de cassation estime cependant qu’avant d’écarter des débats des éléments de preuve provenant de l’agenda électronique du salarié disponible sur son ordinateur professionnel, les juges du fond devaient vérifier « si ces pièces avaient été identifiées comme étant personnelles par leur auteur » (Cass. Soc., 9 nov. 2022, n°20-18.922).
ABANDON DE POSTE: La présomption de démission est définitivement adoptée.
La loi « marché du travail » insère, dans la section du Code du travail consacrée à la rupture à l’initiative du salarié, un article L.1237-1-1. Selon ce nouvel article, le salarié qui abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste dans le délai fixé par l’employeur est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai. L’entrée en vigueur de cette mesure, qui fait l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel, est subordonnée à la publication d’un décret d’application.
PROTECTION SOCIALE: Les entreprises doivent s’inscrire sur le compte AT/MP avant le 12 décembre 2022.
Pour rappel, depuis le 1er janvier 2022, toutes les entreprises qui relèvent du régime général, quel que soit leur effectif, doivent procéder à une notification dématérialisée du taux de cotisation accidents du travail et maladies professionnelles (AT/MP). Pour remplir cette obligation légale, il suffit pour l’entreprise de s’inscrire au compte AT/MP sur net-entreprises.fr avant le 12 décembre 2022.