NewsletterNewsletter n°169 – Janvier 2023
HARCELEMENT SEXUEL: Contrôle du respect de l’obligation de prévention en matière de harcèlement sexuel : office du juge d’appel en l’absence de comparution de l’employeur.
Pour mémoire, l’article 472 du Code de procédure civile prévoit que « si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond » et que « le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée ». En l’espèce, une salariée licenciée pour inaptitude avait saisi la juridiction prud’homale, faisant valoir que son inaptitude était causée par des faits de harcèlement sexuel de la part d’un autre salarié. La cour d’appel a fait droit à ses demandes, considérant que l’employeur ne démontrait pas avoir pris les mesures nécessaires pour mettre fin aux faits allégués, alors qu’il en avait connaissance et que cette situation était à l’origine de la dégradation de l’état de santé de la salariée. L’employeur, qui ne s’était pas présenté en appel, a formé un pourvoi contre l’arrêt, au motif que « le juge d’appel ne peut, en l’absence de la partie intimée, infirmer le jugement sans réfuter la motivation des juges du fond ». La Cour de cassation a suivi son argumentation et jugé que la cour d’appel aurait dû examiner les motifs du premier jugement, d’autant que « les débats et les pièces versées démontrent que la société a cessé de faire circuler dans la même voiture la salariée et son collègue dès qu’elle a été mise au courant de la situation de harcèlement sexuel alléguée », « informé l’inspection du travail » et « donc effectué tout ce qui était en son pouvoir pour respecter son obligation de sécurité » (Cass., Soc., 18 janvier 2023, n°21-23.796).
DISCRIMINATIONS: La protection contre les discriminations s’étend aux travailleurs indépendants.
En l’espèce, une société avait rompu ses contrats de prestation et cessé toute activité avec un travailleur indépendant polonais après la révélation publique, par ce dernier, de son orientation sexuelle. Ce dernier a introduit, devant un tribunal polonais, une action en réparation de son préjudice pour discrimination directe en raison de son orientation sexuelle. Une question préjudicielle a été posée à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour savoir si la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail s’oppose à une réglementation nationale excluant de la protection contre les discriminations le refus de conclure ou de renouveler un contrat avec un travailleur indépendant en raison de son orientation sexuelle, et ce au nom de la liberté contractuelle. La Cour répond en plusieurs temps. Elle affirme, d’abord, qu’il convient de comprendre la notion de « conditions d’accès à l’emploi, aux activités non salariées ou au travail » entrant dans le champ d’application de la directive comme incluant toute activité professionnelle, quelles que soient la nationalité et les caractéristiques de ladite activité. Cette activité doit tout de même être réelle et exercée dans le cadre d’une relation juridique caractérisée par une certaine stabilité, condition remplie en l’espèce. Elle relève que doit également être interprétée largement la notion de licenciement, qui vise la cessation unilatérale de toute activité mentionnée à l’article 3, paragraphe 1, sous a) de la directive : la décision de ne pas renouveler le contrat en raison de l’orientation sexuelle du contractant relève donc bien du champ d’application de la directive 2000/78. Enfin, elle considère que la liberté contractuelle ne peut être invoquée comme un motif justifiant le refus de contracter avec une personne en raison de son orientation sexuelle, ce qui priverait de son effet utile l’interdiction de discrimination posée par la directive (CJUE, 12 janvier 2023, aff. C-356/21).
LICENCIEMENT ECONOMIQUE: L’information du salarié sur le motif économique de la rupture du contrat de travail doit intervenir avant l’adhésion au CSP.
Pour rappel, le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) est un dispositif d’accompagnement renforcé ayant pour objet l’organisation et le déroulement d’un parcours de retour à l’emploi. Les articles L.1233-65 et suivants du Code du travail imposent à l’employeur de proposer son bénéfice lors de l’entretien préalable ou de la dernière réunion des représentants du personnel à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique. Dans un arrêt du 18 janvier 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle que le salarié qui adhère à un contrat de sécurisation professionnelle en signant le bulletin d’acceptation doit avoir reçu de la part de l’employeur, antérieurement à cette adhésion, un document écrit énonçant le motif économique de la rupture du contrat de travail. Une information donnée dans la lettre de licenciement notifiée postérieurement à son adhésion est donc irrégulière et rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass Soc., 18 janvier 2023, n°21-19.349).
GREVE: Nullité du licenciement d’un salarié gréviste : l’employeur doit rembourser les allocations chômage.
Un salarié avait été licencié pour faute lourde pour avoir tenu, lors d’une grève à laquelle il participait, des propos à connotation raciste, insulté et menacé des salariés non-grévistes. La Cour de cassation a approuvé les juges du fond d’avoir considéré que l’intention de nuire, et donc la faute lourde, n’était pas caractérisée et d’avoir prononcé la nullité du licenciement en raison de l’exercice normal du droit de grève en application de l’article L.2511-1 du Code du travail. Elle a également approuvé la condamnation de l’employeur, en application de l’article L.1235-4 du même code, à rembourser à Pôle emploi les allocations de chômage versées au salarié entre la date du licenciement et le jugement dans la limite de 3 mois d’allocations (Cass. Soc., 18 janvier 2023, n°21-20.311).
SANTE ET SECURITE: Elargissement du périmètre d’indemnisation des victimes d’AT/MP en cas de faute inexcusable de l’employeur.
Par un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation admet désormais que les victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle peuvent obtenir une réparation complémentaire pour les souffrances physiques ou morales endurées après consolidation. Il n’est pas nécessaire de démontrer que la rente perçue ne couvre pas déjà ces souffrances (Cass. Ass. Plen., 20 janvier 2023, n°21-23.947 ; Cass. Ass. Plen., 20 janvier 2023, n°20-23.673).
RETRAITE: Présentation du projet de réforme des retraites.
Le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 prévoit l’évolution de certaines relatives au départ à la retraite. En effet, à compter du 1er septembre 2023, l’âge légal de départ à la retraite serait relevé de 3 mois par an pour atteindre 64 ans en 2030. L’âge auquel les travailleurs peuvent partir à la retraite sans décote serait, lui, maintenu à 67 ans. Le projet serait universel et concernerait tous les actifs : il serait donc demandé aux employeurs une contribution supplémentaire pour le financement de la retraite, parallèlement à une diminution du montant de la cotisation versée au régime des accidents du travail et maladies professionnelles. L’exécutif souhaite conserver et améliorer le dispositif « carrières longues » pour qu’aucune personne ayant commencé à travailler tôt ne soit contrainte de travailler plus de 44 ans. S’agissant des métiers pénibles, le Gouvernement entend renforcer le suivi médical et mieux accompagner les salariés concernés vers des dispositifs de départ anticipé à 62 ans. De même, un départ à 62 ans à taux plein serait maintenu pour les personnes en invalidité, en incapacité ou en inaptitude. Le Gouvernement souhaite enfin fermer la plupart des régimes spéciaux. Les nouveaux embauchés seraient donc affiliés au régime général.