NewsletterNewsletter n°172 – Avril 2023
INAPTITUDE: Précisions sur l’étendue de l’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur.
Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait, il appartient à l’employeur de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités. Lorsqu’il émet sa proposition, l’employeur doit notamment prendre en compte les conclusions écrites du médecin du travail. L’emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles qu’une mutation, une transformation de postes ou un aménagement du temps de travail (C. trav. art. L. 1226-2 ; L. 1226-10). En l’espèce, l’avis du médecin du travail précisait que la salariée « pourrait occuper un poste administratif sans déplacement et à temps partiel (2 jours par semaine) en télétravail à son domicile avec aménagement du poste approprié ». Licenciée pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement, elle a saisi la juridiction prud’homale. Selon l’employeur, cette obligation ne portait que sur des postes disponibles existant au sein de l’entreprise. L’employeur considérait donc qu’il n’était pas tenu de reclasser la salariée sur un poste en télétravail puisqu’il n’existait aucun poste de ce type au sein de l’organisation. Dans un arrêt du 29 mars 2023, la Cour de cassation rappelle, au visa des articles L.1226-10 et L.1226-12 du Code du travail, qu’ « il appartient à l’employeur de proposer au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail, un autre emploi approprié à ses capacités ». Dans son arrêt, la Haute juridiction estime que la cour d’appel était fondée à considérer que l’employeur avait manqué à son obligation de reclassement, mais aussi que les missions de la salariée « étaient susceptibles d’être pour l’essentiel réalisées à domicile en télétravail et à temps partiel», comme cela avait été préconisé par le médecin du travail. La Cour de cassation précise également que, pour prendre sa décision, la cour d’appel n’avait pas besoin de rechercher si le télétravail avait été mis en place au sein de la société, « l’aménagement d’un poste en télétravail [pouvant] résulter d’un avenant au contrat de travail ». Eu égard à la similitude de rédaction entre les dispositions d’espèce applicables en cas d’inaptitude professionnelle, et les dispositions applicables en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle, cette solution semble applicable à tout licenciement pour inaptitude, peu important l’origine de celui-ci (Cass. Soc., 29 mars 2023, n°21-15.472).
EXPERTISE SUR LE RAPPORT RELATIF A LA PARTICIPATION: Le financement du coût de l’expertise relative à l’établissement du rapport sur la participation dans l’entreprise repose exclusivement sur l’employeur.
Dans les six mois qui suivent la clôture de chaque exercice, il appartient à l’employeur de présenter au CSE un rapport relatif à l’accord de participation, qui détaille notamment les modalités de calcul du montant de la réserve spéciale (C. trav., art. D. 3323-13). En vue de l’établissement de ce rapport, le CSE est en droit de recourir à l’assistance d’un expert-comptable (C. trav., art. D. 3323-14). En l’espèce, il existait un désaccord sur la prise en charge du coût de l’expertise votée par le CSE. Il est important de noter que, depuis les ordonnances de 2017, aucune disposition légale ne règle la question du financement de l’expertise relative au rapport de la participation. Dans un arrêt du 5 avril 2023, la Cour de cassation considère que le financement de cette expertise est intégralement à la charge de l’employeur. Pour en décider ainsi, la Cour de cassation fonde principalement sa décision sur le fait que « l’expertise décidée par le comité social et économique appelé à siéger pour examiner le rapport relatif à l’accord de participation devant lui être présenté par l’employeur dans les six mois qui suivent la clôture de chaque exercice, participe de la consultation récurrente sur la situation économique et financière de l’entreprise prévue à l’article L. 2315-88 du Code du travail ». En conséquence, la Cour de cassation affirme que l’expert-comptable qui est désigné dans ce contexte doit être « rémunéré par l’employeur selon les modalités de l’article L. 2315-80, 1° du Code du travail » (Cass. Soc., 5 avril 2023, n°21-23.427).
ACCEPTATION DU CSP: Précisions sur le délai dans lequel l’employeur doit préciser les motifs de la rupture.
La rupture du contrat de travail résultant de l’acceptation par le salarié d’un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) doit avoir une cause économique réelle et sérieuse (C. trav., art. L. 1233-65 ; L. 1233-66 ; L. 1233-67). Pour rappel, « les motifs énoncés dans la lettre de licenciement prévue aux articles L. 1232-6, L. 1233-16 et L. 1233-42 peuvent, après la notification de celle-ci, être précisés par l’employeur, soit à son initiative soit à la demande du salarié ». Ces précisions doivent être apportées dans un délai de quinze jours, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. (C. trav., art. R. 1233-2-2). Un 21 septembre, le document d’information sur le CSP ainsi qu’un courrier explicitant les motifs économiques de la rupture étaient remis à des salariés menacés de licenciement économique Les salariés ont adhéré au CSP le 27 septembre. Le 9 octobre suivant, l’employeur a transmis par courrier aux salariés la lettre de notification de leur licenciement, rappelant ces motifs économiques et indiquant que leur poste de travail était supprimé. Dans un arrêt du 5 avril 2023, la Cour de cassation indique au visa des articles précités, de façon inédite, les modalités d’appréciation du délai offert à l’employeur lorsqu’il précise le motif économique d’une rupture résultant de l’acceptation par le salarié d’un CSP : « le document par lequel l’employeur informe [le salarié] du motif économique de la rupture envisagée peut être précisé par l’employeur, soit à son initiative, soit à la demande du salarié, dans le délai de quinze jours suivant l’adhésion de ce dernier au dispositif. ». En conséquence, la Cour considère que l’employeur avait respecté ce délai, en adressant son courrier le 9 octobre, soit moins de 15 jours après l’adhésion des salariés au CSP (Cass. Soc., 5 avril 2023, n°21-18.636).
CDD MULTI-REMPLACEMENT: Prolongement de l’expérimentation du CDD multi-remplacement jusqu’au 13 avril 2025.
La loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018 avait introduit, à titre expérimental, entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2020, la possibilité pour les entreprises de conclure un seul contrat court (CDD ou contrat de mission) pour remplacer plusieurs salariés absents simultanément, ou successivement. La loi Marché du travail du 21 décembre 2022 a repris cette expérimentation pour une durée de deux ans, à compter de la publication du décret, le 13 avril 2023. Le décret liste les conventions collectives nationales concernées. Cette liste a augmenté : 19 nouvelles branches ont été ajoutées aux 11 secteurs concernés par la précédente expérimentation.
ABANDON DE POSTE: Parution du décret relatif à la présomption de démission en cas d’abandon de poste.
Jusqu’à présent, un salarié en abandon de poste pouvait – pour ce motif – être licencié et ainsi prétendre à des allocations chômage. Aux termes de la loi Marché du travail du 21 décembre 2022, le salarié abandonnant son poste doit être présumé démissionnaire, et ne peut dès lors plus bénéficier des allocations chômage. Ainsi, le nouvel article L. 1237-1-1 du Code du travail et le décret du 17 avril 2023 prévoient qu’un salarié qui a abandonné son poste et qui ne l’a pas repris après avoir été mis en demeure de le faire, et de justifier son absence dans un délai de 15 jours, est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai. Le Questions-Réponses du Ministère du travail précise que l’employeur doit mettre en œuvre cette nouvelle mesure, et n’a plus « vocation à engager une procédure de licenciement pour faute ».