NewsletterNewsletter n°173 – Mai 2023
HARCELEMENT MORAL: Qualification du harcèlement moral par le salarié qui entend le dénoncer.
Depuis un arrêt du 13 septembre 2017 (n°15-23.045), la Cour de cassation exige du salarié qui entend dénoncer un harcèlement moral de le qualifier clairement pour bénéficier de la protection contre le licenciement (C. trav., article L. 1152-3). En l’espèce, une salariée avait été licenciée après avoir dénoncé, au moyen d’un courrier adressé au conseil d’administration de son entreprise, les agissements de son employeur, qui avaient eu pour effet, selon elle, de dégrader ses conditions de travail. S’estimant victime de harcèlement moral, elle saisit la juridiction prud’homale. Son employeur avance alors que la salariée, dans son courrier, n’avait pas clairement fait mention de harcèlement moral, et qu’ainsi, elle ne pouvait demander à bénéficier de la protection prévue par le Code du travail, sans faire preuve de mauvaise foi. La Cour de cassation invalide ce raisonnement, en retenant qu’« il y a lieu désormais de juger que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu’il n’ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi » . Il lui faut cependant démontrer le « caractère évident » de son existence, l’employeur ne pouvant légitimement ignorer la dénonciation d’un harcèlement moral lorsqu’elle est émise. (Cass. soc., 19 avril 2023, n° 21-21.053).
RUPTURE CONVENTIONNELLE: La signature d’une rupture conventionnelle vaut renonciation au licenciement verbal antérieurement prononcé.
Après avoir été licencié verbalement, un salarié signe une rupture conventionnelle avec son employeur. Plus d’un an après son homologation, il saisit la juridiction prud’homale afin de la faire annuler. L’employeur lui oppose alors l’article L. 1237-14 du Code du travail, qui dispose qu’une rupture conventionnelle peut être contestée dans un délai maximal de 12 mois suivant son homologation, à peine d’irrecevabilité. Le salarié soutient que cette règle est inapplicable à l’espèce, la convention reposant selon lui sur le licenciement verbal, dont la contestation pouvait alors être entreprise dans un délai de deux ans (délai ramené à 12 mois depuis les faits). Reprenant sa position de 2015, la Cour de cassation juge « qu’en signant une rupture conventionnelle, les parties avaient d’un commun accord renoncé au licenciement verbal antérieur invoqué par le salarié et que le délai de prescription prévu à l’article L. 1237-14 du code du travail était applicable » (Cass. Soc., 11 mai 2023, n° 21-18.117).
TELETRAVAIL: Possibilité d’instituer une différence de traitement dans l’attribution des titres-restaurant.
Les travailleurs sur site et les télétravailleurs bénéficient d’une égalité de traitement (C. trav., article L. 1222-9). En l’espèce, un accord collectif attribuait des titres restaurant uniquement aux salariés travaillant sur site, et non à ceux en télétravail. L’accord prévoyait aussi que les salariés étant partiellement en télétravail ne recevraient des titres-restaurant que pour les jours travaillés sur site. Dans un arrêt du 11 mai 2023 (n°22/02913), la Cour d’appel de Versailles retient que cette différence de traitement est justifiée. Elle précise que les organisations syndicales ne sont pas recevables à demander, au nom du principe d’égalité susmentionné, l’attribution de titres à l’ensemble des salariés, s’agissant d’une « régularisation de la situation de tous les collaborateurs en télétravail ».
PRIME D’ARRIVEE: Possibilité de conditionner la prime de bienvenue à une clause de présence, sous peine d’un remboursement prorata temporis.
Un employeur avait conditionné le versement d’une prime d’arrivée à une clause de présence pendant une certaine durée au sein de l’entreprise, sous peine d’un remboursement partiel de la prime, au prorata du temps que le salarié n’aurait pas passé au sein de celle-ci. Alors qu’un salarié avait démissionné avant la date prévue par la clause, l’employeur lui avait réclamé le remboursement d’une partie de la prime d’arrivée. Dans un arrêt du 11 mai 2023, la Cour de cassation juge, au visa de l’article L. 1121-1 du Code du travail qu’une clause ayant pour objet de fidéliser le salarié « peut, sans porter une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail, subordonner l’acquisition de l’intégralité d’une prime d’arrivée, indépendante de la rémunération de l’activité du salarié, à une condition de présence de ce dernier dans l’entreprise pendant une certaine durée (…) et prévoir le remboursement de la prime au prorata du temps que le salarié, en raison de sa démission, n’aura pas passé dans l’entreprise avant l’échéance prévue » (Cass. Soc., 11 mai 2023, n° 21-25.136).
LICENCIEMENT POUR FAIT DE LA VIE PRIVEE: Le licenciement d’un salarié condamné pour agression sexuelle ayant causé un émoi durable dans l’entreprise est justifié.
Le salarié a le droit au respect de sa vie privée, ses agissements en dehors de son temps de travail ne pouvant constituer une faute, à moins que soit conséquemment caractérisé un trouble objectif au bon fonctionnement de l’entreprise (Cass. soc. 30/11/2005, no 04-13.877). En l’espèce, un salarié avait été condamné pour agression sexuelle sur mineurs dans le cadre de ses activités d’entraîneur de football dans un club. Malgré une incarcération de 3 ans et un arrêt de travail de plusieurs mois, un émoi durable subsistait au sein de l’entreprise où il travaillait. Plus de 40 salariés se sont mis en grève afin de manifester leur désaccord à son retour. Dans un arrêt du 13 avril 2023, la Cour de cassation en a déduit que « la condamnation pénale du salarié avait créé un trouble objectif au bon fonctionnent de l’entreprise et justifié le licenciement pour cause réelle et sérieuse » (Cass. soc., 13 avril 2023, n°22-10.476).
REPOS DOMINICAL: La loi « JO 2024 » apporte une dérogation au principe de repos dominical, le temps des Jeux Olympiques.
Le repos hebdomadaire interdit de travailler plus de six jours consécutifs par semaine (C. trav., article L. 3132-1), et, par convenance, le dimanche (C. trav., article L. 3132-3). Si des dérogations légales et réglementaires existent, aucune ne répondait aux besoins des clients et des commerçants durant la période toute particulière des Jeux Olympiques. Ainsi, l’article 25 à la loi relative aux Jeux olympiques et paralympiques met en place un système de dérogation préfectorale permettant à « un établissement de vente au détail qui met à disposition des biens ou des services » d’ouvrir le dimanche. Seuls les établissements situés dans les communes d’implantation des sites de compétitions des JO, ainsi que les communes alentours pourront bénéficier de cette dérogation. Celle-ci ne sera valable que durant une période allant du 15 juin au 30 septembre 2024. De même, si une dérogation préexiste, elle ne saurait être cumulée à celle spécifique aux JO. Par ailleurs, aucun salarié ne pourra être discriminé s’il refuse une telle demande par son employeur. S’il accepte cependant, il aura le droit à une rémunération au moins équivalente au double de sa rémunération habituelle, et à un temps équivalent de repos compensateur.