NewsletterNewsletter n°174 – Juin 2023
REMUNERATION VARIABLE: Les objectifs annuels définis unilatéralement par l’employeur ne sont pas implicitement reconductibles.
Lorsque la rémunération variable est conditionnée par des objectifs définis unilatéralement et annuellement par l’employeur, le défaut de leur fixation entraîne le paiement de l’intégralité de ladite rémunération (CA Grenoble, 23 janvier 2020, n° 18/04055). En l’espèce, un employeur n’avait fixé des objectifs que pour certaines années, considérant, comme la cour d’appel, que ceux-ci devaient être, à chaque fois, implicitement reconduits jusqu’à la définition de nouveaux objectifs. La Cour de cassation n’est pas du même avis : « alors qu’elle avait constaté, d’une part, que la partie variable de la rémunération contractuelle du salarié dépendait de la réalisation d’objectifs fixés unilatéralement par l’employeur, d’autre part, que celui-ci n’avait pas fixé les objectifs à réaliser pour les années 2014, 2015 et 2017, la cour d’appel (…) n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ». La Cour précise donc qu’une reconductibilité implicite des objectifs est impossible et que le défaut de leur définition par l’employeur entraîne le paiement de l’intégralité de la rémunération variable au salarié. (Cass. soc., 7 juin 2023, n°21-23.232).
TEMPS DE TRAJET: Les temps de trajet d’un salarié en déplacement long ne constituent pas automatiquement un temps de travail.
En l’espèce, un salarié en déplacement prolongé était logé dans un hôtel en tant qu’enquêteur mystère, et devait visiter un nouveau site chaque jour. A l’issue de sa mission, le salarié réclamait le paiement des temps de trajet entre son hôtel et les sites visités comme un temps de travail effectif. Dans un arrêt du 7 juin 2023, la Cour de cassation retient une position différente et juge qu’il est nécessaire de vérifier si « les trajets effectués par le salarié pour se rendre à l’hôtel pour y dormir, et en repartir, constituaient, non pas des temps de trajets entre deux lieux de travail, mais de simples déplacements professionnels non assimilés à du temps de travail effectif », conformément à l’article L.3121-4 du Code du travail, et de s’assurer que durant ces temps de trajet, « le salarié était tenu de se conformer aux directives de l’employeur sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles », conformément à l’article L.3121-1 du Code du travail, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. (Cass. soc., 7 juin 2023 n°21-22.445).
RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL: Le licenciement prononcé en substitution d’une sanction disciplinaire ne revêt pas nécessairement un caractère disciplinaire.
Selon la jurisprudence (notamment Cass. soc., 8 juillet 2008, n°06-45.783), le motif de rupture mentionné dans la lettre de licenciement détermine le caractère disciplinaire ou non de celui-ci. En l’espèce, un employeur avait proposé une rétrogradation disciplinaire à un salarié emportant modification du contrat de travail, qu’il avait refusée. L’employeur avait alors notifié son licenciement au salarié en reprenant les mêmes faits et griefs que dans la lettre proposant la rétrogradation, mais en invoquant cette fois une insuffisance professionnelle, ainsi qu’une cause réelle et sérieuse. La cour d’appel a retenu que le licenciement revêtait nécessairement un caractère disciplinaire du fait de la proposition de sanction antérieure. Dans un arrêt du 7 juin 2023, la Cour de cassation considère, de son côté, que « sans rechercher si le motif mentionné dans la lettre de licenciement pouvait être qualifié de disciplinaire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ». Réaffirmant sa position de 2008, la Cour de cassation retient que seule la lettre de licenciement définit le caractère disciplinaire ou non du licenciement, peu importe la proposition antérieure d’une sanction (Cass. soc. 7 juin 2023, n°21-21.012).
SALARIES PROTEGES: Le juge judiciaire peut se prononcer sur la validité de sanctions prononcées à l’encontre d’un salarié protégé avant son licenciement.
A l’occasion du licenciement d’un salarié protégé, il revient à l’administration du travail de se prononcer sur le bien-fondé de celui-ci (C. trav. L. 2421-1). En l’espèce, un salarié protégé, après avoir été licencié, entendait faire reconnaître un harcèlement moral commis par son employeur, se caractérisant par l’accumulation de sanctions qu’il jugeait injustifiées. Dans un arrêt du 1er juin 2023, la Cour de cassation juge que, s’il appartient à l’administration du travail de vérifier que les faits sanctionnés par l’employeur sont établis et fautifs dans le cadre du licenciement, et que celui-ci est sans lien avec les mandats sociaux du salarié, ce contrôle ne saurait porter sur la validité des sanctions disciplinaires antérieures invoquées par l’employeur lors du licenciement. Ainsi, la Cour de cassation retient que « l’autorisation de licenciement donnée par l’administration du travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir le caractère systématique ou injustifié de ces sanctions devant le juge judiciaire au titre d’éléments permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral ». Dès lors, l’« autorisation de licenciement donnée par l’administration du travail ne fait pas obstacle à ce que le juge judiciaire se prononce sur la validité de ces sanctions ». (Cass. soc., 1er juin 2023, n°21-19.649).
TELETRAVAIL: L’accident d’un salarié survenu en dehors du temps de travail n’est pas un accident du travail.
Une salariée en télétravail était tombée dans ses escaliers après avoir effectué son pointage de fin de journée. Elle soutenait que l’accident était intervenu à peine une minute après ledit pointage, de sorte que l’accident devait être considéré comme un accident du travail. Dans un arrêt du 15 juin 2023, la cour d’appel d’Amiens retient cependant que « dès lors que l’accident s’est produit en dehors de l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur, la présomption d’imputabilité de l’accident du travail ne peut s’appliquer ». Dans ce contexte, «il appartient à la victime d’apporter la preuve de la matérialité du fait accidentel, de sa survenance par le fait ou à l’occasion du travail et du lien de causalité entre les lésions et le fait accidentel ». Or, cette preuve ne saurait résulter des seules déclarations de la salariée (CA Amiens, 15 juin 2023, n° 22/00474).
ACCIDENTS DU TRAVAIL: Obligation de l’employeur d’informer l’inspection du travail dans les 12 heures suivant l’accident.
En cas d’accident mortel du travail, l’employeur doit, comme pour tout accident du travail, prévenir la CPAM de cet événement dans les 48 heures qui suivent son occurrence (C. trav, article R.441-3). Le décret n°2023-452 du 9 juin 2023 ajoute une nouvelle obligation à l’employeur : en effet, depuis le 12 juin 2023, il est dans l’obligation « [d’informer] l’agent de contrôle de l’inspection du travail compétent pour le lieu de survenance de l’accident immédiatement et au plus tard dans les douze heures qui suivent le décès du travailleur, sauf s’il établit qu’il n’a pu avoir connaissance du décès que postérieurement ».L’information est communiquée par tout moyen permettant de conférer une date certaine, et doit notamment comporter les coordonnées de l’entreprise ou de l’établissement qui emploie le travailleur au moment de l’accident, l’identité de la victime, les date, heure, lieu et circonstances de l’accident ainsi que l’identité et les coordonnées des témoins, le cas échéant. En l’absence d’information de l’inspection du travail, l’employeur encourt une contravention de 5ème classe. (JORF n°0134 du 11 juin 2023).