NewsletterNewsletter n°177 – Septembre 2023
RECRUTEMENT: Un employeur ne peut exiger de connaître l’âge d’un candidat à un emploi, s’il ne démontre pas qu’il s’agit d’un critère objectif et déterminant à son embauche.
Une candidate avait été présélectionnée à un poste dans le cadre d’une candidature anonymisée. Ayant contacté la société pour lui demander de reporter sa journée de test à une date ultérieure, celle-ci lui demande son âge, information que la candidate refuse de communiquer. La société décide alors de ne pas lui accorder d’autre date pour une journée de test. La candidate intente une action à l’encontre de la société pour discrimination fondée sur l’âge, ce dont celle-ci se défend en arguant notamment que la phase d’anonymat avait pris fin au moment de la première convocation, et que le critère de l’âge était justifié par la nature et les exigences de l’emploi. La Cour de cassation n’est pas de cet avis et juge que « la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé que la connaissance de la date de naissance de la candidate, à ce stade du processus de recrutement sur un poste d’animateur agent mobile, était objectivement et raisonnablement justifiée par un but légitime, et que le refus de reconvoquer la candidate à la suite de son refus de communiquer sa date de naissance était nécessaire et approprié, n’a pas donné de base légale à sa décision » (Cass. soc., 6 septembre 2023, n°22-15.514).
CONGES PAYES: Evolutions jurisprudentielles majeures concernant le droit à congés payés.
Par une série d’arrêts rendus le 13 septembre 2023, la Cour de cassation met en conformité le Droit national avec le Droit européen en matière de congés payés. Dans un premier arrêt, un salarié avait été placé en arrêt à la suite d’un accident du travail. Selon l’article L. 3141-5 du Code du travail, seule la première année ininterrompue de suspension du contrat de travail donne droit à des congés payés. Par application de l’article 31§2 de la CDFUE (Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne), la Cour de cassation juge qu’il convient d’écarter l’application de ces dispositions « en ce qu’elles limitent à une durée ininterrompue d’un an les périodes de suspension du contrat de travail pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle assimilées à du temps de travail effectif pendant lesquelles le salarié peut acquérir des droits à congé payé et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période » (Cass. soc., 13 septembre 2023, n°22-17.638). Dans un deuxième arrêt, trois salariés avaient été placés en arrêt maladie non professionnelle, et n’avaient pu, conformément à l’article L. 3141-3 du Code du travail, acquérir de congés payés. Sur le fondement de l’article 31§2 de la CDFUE, la Cour de cassation juge qu’il convient d’écarter l’application de ces dispositions « en ce qu’elles subordonnent à l’exécution d’un travail effectif l’acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l’effet d’un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de cette période » (Cass. soc., 13 septembre 2023, n°22-17.340). Dans un troisième arrêt, le contrat de travail d’une salariée avait été suspendu pour cause de maladie, puis de congé pathologique et prénatal, puis de congé maternité, puis de congé parental d’éducation, ce qui ne lui avait pas permis de faire usage de son droit annuel à congés payés. Faisant application de la Directive 2010/18/UE du 8 mars 2010, la Cour de cassation juge que « lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l’année de référence en raison de l’exercice de son droit au congé parental, les congés payés acquis à la date du début du congé parental doivent être reportés après la date de reprise du travail » (Cass. soc., 13 septembre 2023, n°22-14.043). Enfin, dans un quatrième arrêt, une prestataire réclamait, dans le cadre de la requalification de sa situation en contrat de travail, le paiement des congés payés qu’elle n’avait pu percevoir durant dix années, ce qui s’opposait à la prescription triennale en matière de salaires. S’appuyant sur une décision de la CJUE du 22 septembre 2022 (affaire C-120/21), la Cour de cassation juge désormais que « le point de départ du délai de prescription de l’indemnité de congés payés doit être fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris dès lors que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé. » (Cass. soc., 13 septembre 2023, n°22-10.529).
ENTRETIEN PREALABLE: Le délai entre la convocation et la tenue de l’entretien préalable au licenciement débute à la présentation de la convocation.
Une salariée avait été convoquée à un entretien préalable fixé le 24 janvier 2018. La convocation, envoyée par lettre recommandée, était parvenue à son domicile le 12 janvier. La salariée étant absente, le courrier avait été conservé à la Poste, où il n’avait été récupéré que le 22 janvier. Par la suite, la salariée avait contesté la procédure de licenciement, disant n’avoir eu connaissance de l’entretien préalable que deux jours avant qu’il ne se tienne. La Cour de cassation rappelle cependant que « le délai de cinq jours avait commencé à courir le 13 janvier 2018, le jour suivant la présentation de la lettre recommandée, en sorte qu’à la date de l’entretien fixé au 24 janvier suivant, la salariée avait bénéficié d’un délai de cinq jours ouvrables pleins » (Cass. soc., 6 septembre 2023, n°22-11.661).
REGIME DE LA PREUVE: La preuve d’une faute rapportée par un « client mystère » est licite, dès lors que le salarié a été informé d’un tel procédé.
Un salarié est licencié à la suite de l’intervention d’un « client mystère », qui a relevé plusieurs fautes de sa part. Le salarié saisit le juge prud’homal, estimant que ce mode de preuve est illicite. L’employeur soutient avoir préalablement informé le salarié de l’existence de ce dispositif, de sa récurrence, et expliqué son fonctionnement ainsi que son objectif. La Cour de cassation confirme que « le salarié avait été, conformément aux dispositions de l’article L. 1222-3 du code du travail, expressément informé, préalablement à sa mise en œuvre, de cette méthode d’évaluation professionnelle mise en œuvre à son égard par l’employeur, ce dont il résultait que ce dernier pouvait en utiliser les résultats au soutien d’une procédure disciplinaire » (Cass. soc., 6 septembre 2023, n°22-13.783).
LANCEUR D’ALERTE: Le lanceur d’alerte dénonçant un crime ou un délit n’a pas à être désintéressé.
Un salarié avait été licencié après avoir informé le Président de la société pour laquelle il travaillait qu’il entendait entamer des démarches, afin de dénoncer des irrégularités relatives au non-respect de la réglementation qui y étaient commises. L’employeur considérait que le salarié n’était pas un lanceur d’alerte, puisqu’il avait agi par intérêt en essayant de le faire chanter, ce qui caractérisait sa mauvaise foi. Dans un arrêt du 13 septembre 2023, la Cour de cassation retient au contraire que « le salarié qui relate ou témoigne de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions n’est pas soumis à l’exigence d’agir de manière désintéressée » et « qu’il ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance de la fausseté des faits qu’il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis » (Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 21-22.301).