NewsletterNewsletter N°178 – Octobre 2023
SALARIES PROTEGES: L’employeur qui n’a pas contesté la candidature d’un salarié ne peut écarter la procédure d’autorisation préalable de licenciement.
Conformément aux dispositions de l’article L.2411-7 du Code du travail, le salarié candidat à une élection professionnelle est protégé à partir du moment où l’employeur a eu connaissance de sa candidature. L’employeur devra obtenir l’autorisation de l’inspecteur du travail avant tout licenciement. Il doit néanmoins contester cette candidature dans un délai de forclusion de quinze jours devant le tribunal judicaire (art. R.2324-24 anc. et R.2314-24 du Code du travail). Au-delà du délai de forclusion, plus aucune contestation n’est en effet envisageable. Il en ressort que la candidature du salarié, « dans le seul but de se protéger d’une intention prêtée à l’employeur de rompre son contrat de travail », ne peut engendrer la perte du statut protecteur. Dans un arrêt du 18 octobre 2023, la Cour de cassation rappelle que « l’employeur qui n’a pas contesté la régularité de la candidature du salarié devant le tribunal dans le délai de forclusion légalement prévu n’est pas recevable à alléguer le caractère frauduleux de la candidature du salarié pour écarter la procédure d’autorisation administrative de licenciement » (Cass. Soc. 18 octobre 2023, n°22-11.339).
DROIT A LA PREUVE ET VIE PRIVEE: L’atteinte à la vie privée doit être indispensable à l’exercice du droit à la preuve.
« L’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats » : c’est ce que rappelle la Cour de cassation dans deux arrêts du 4 octobre 2023, au visa des articles 6 et 8 et de la Convention européenne des droits de l’homme. En effet, depuis son arrêt « Petit Bateau » (Cass. Soc. 30 septembre 2020, n°19-12.058), la Cour de cassation n’a cessé de confronter l’atteinte à la vie privée (articles 8 CEDH et L.1121-1 du Code du travail), à l’exercice du droit à la preuve (articles 6 CEDH et 9 du Code de procédure civile). L’exercice du droit à la preuve prime sur l’atteinte à la vie privée, lorsque celle-ci était « indispensable à l’exercice [du droit à la preuve] et proportionnée au but poursuivi ». En l’espèce, des salariées, toutes deux infirmières dans un hôpital, « s’adonnaient à la consommation d’alcool au sein de l’hôpital, dans le cadre de soirées festives, parfois pendant la durée du service » et avaient publié sur un groupe Messenger des photographies et des vidéos « en maillot de bain au temps et sur le lieu de travail » qui en attestaient. Pour la Cour de cassation, « la cour d’appel, qui a fait ressortir que la production des photographies extraites du compte Messenger portant atteinte à la vie privée de la salariée était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la protection des patients, confiés aux soins des infirmières employées dans son établissement, a (…) légalement justifié sa décision » (Cass. Soc. 4 octobre 2023, n°22-18.217 et n°21-25.452).
LANGUE FRANÇAISE: Les documents de travail rédigés en anglais ne sont pas opposables au salarié.
Un arrêt de la Cour de cassation du 11 octobre 2023 rappelle au visa de l’article L.1321-6 du Code du travail que les documents portant des obligations pour le salarié doivent être rédigés en français. Toutefois, « cette règle n’est pas applicable aux documents reçus de l’étranger ou destinés à des étrangers ». Le seul fait pour une entreprise d’être une filiale d’un groupe américain et d’utiliser des documents de travail en anglais, ne saurait justifier la provenance de l’étranger de ces documents. Il en résulte que, si « les documents fixant les objectifs nécessaires à la détermination de la rémunération variable contractuelle n’étaient pas rédigés en français », la cour d’appel aurait dû rechercher si les documents provenaient de l’étranger, avant de les déclarer opposables au salarié. « La cour d’appel, qui n’a pas constaté qu’ils avaient été reçus de l’étranger, a violé le texte susvisé (article L.1321-6) » (Cass. Soc. 11 octobre 2023, n°22-13.770).
VIE PRIVEE: Les infractions au code de la route par un salarié lors de trajets personnels avec un véhicule de société ne peuvent justifier un licenciement pour faute.
En l’espèce, un salarié qui exerçait en tant que mécanicien, avait été licencié pour faute en raison d’infractions au Code de la route. Ces infractions ayant été commises lorsqu’il se rendait sur son lieu de travail, et avec le véhicule de la société, le rattachement à la vie professionnelle, était pour l’employeur, évident. Néanmoins, la cour d’appel a considéré que ces « infractions au code de la route avaient été commises durant les temps de trajet durant lesquels le salarié n’était pas à la disposition de l’employeur et ensuite, que l’outil de travail mis à sa disposition n’avait subi aucun dommage et que le comportement de l’intéressé n’avait pas eu d’incidence sur les obligations découlant de son contrat de travail en tant que mécanicien ». De ces constatations, la Cour de cassation juge que « les infractions au code de la route ne pouvaient être regardées comme une méconnaissance par l’intéressé de ses obligations découlant de son contrat, ni comme se rattachant à sa vie professionnelle ». Le motif de la vie personnelle du salarié ne pouvant, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail, « la cour d’appel a exactement déduit que ces faits de la vie personnelle ne pouvaient justifier un licenciement disciplinaire » (Cass. Soc. 4 octobre 2023, n°21-25.421).
BDESE: L’employeur n’est pas tenu d’organiser une négociation préalable sur le contenu de la base de données économiques et sociales.
Dans un projet de cession et de réorganisation, une entreprise s’est vue assignée par des membres de son CSE et un syndicat. Le but était, entre autres, de suspendre la mise en place de la base de données économiques et sociales, pour absence de consultation. Sur ce point les requérant demandaient d’ordonner sous astreinte, une négociation loyale avec les organisations syndicales, afin d’établir le contenu de la BDESE. La Cour d’appel de Versailles a rejeté la demande et jugé « que l’employeur n’avait commis aucun manquement en s’abstenant d’engager une telle négociation », position confirmée par la Cour de cassation selon laquelle « le contenu de la base de données économiques et sociales étant, en l’absence d’accord, déterminé par les dispositions légales et réglementaires, la négociation préalable d’un accord prévu à l’article L. 2312-21 du code du travail ne présente pas de caractère obligatoire » (Cass. Soc. 4 octobre 2023, n°21-25.748).
ORDRE DES LICENCIEMENTS: L’ordre des licenciements n’est pas nécessaire si tous les postes d’une même catégorie sont supprimés.
L’article L.1233-5 du code du travail prévoit l’obligation pour l’employeur d’établir un ordre des licenciements en cas de licenciement collectif pour motif économique. Toutefois, il n’est applicable « que si l’employeur doit opérer un choix parmi les salariés à licencier. Tel n’est pas le cas lorsque tous les emplois d’une même catégorie professionnelle sont supprimés » (Cass. Soc. 4 octobre 2023, n°19-16.550).