NewsletterNewsletter n°181 – Janvier 2024
INAPTITUDE : Le respect de l’obligation de reclassement par l’employeur ne le dispense pas de reprendre le versement du salaire si aucun licenciement ou reclassement n’est intervenu dans le mois suivant la déclaration d’inaptitude.
Un salarié, qui avait refusé une proposition de reclassement avait été convoqué à un entretien préalable. En raison de la pandémie, l’entretien a été reporté de plusieurs mois sans reprise de versement des salaires. La Cour de cassation juge que l’employeur, qui a respecté son obligation de reclassement, n’est pas dispensé de « verser au salarié, qui a refusé [une] proposition de reclassement et qui n’a pas été reclassé dans l’entreprise à l’issue du délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise ou qui n’a pas été licencié, le salaire correspondant à l’emploi qu’il occupait avant la suspension du contrat de travail » (Cass. Soc., 10 janvier 2024, n°21-20.229).
SALARIES PROTEGES: La décision d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé s’impose au juge judiciaire.
Un représentant du personnel est licencié pour motif économique, après autorisation de l’inspecteur du travail. Soutenant avoir subi une discrimination syndicale, il saisit la juridiction prud’homale de diverses demandes en paiement au titre de la discrimination et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En cause d’appel, il sollicite la nullité de son licenciement et une indemnité à ce titre. Estimant que la discrimination invoquée par le salarié était établie, la cour d’appel fait droit à sa demande jugeant nul le licenciement intervenu dans ce contexte de discrimination syndicale. La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en se fondant sur le principe de séparation des pouvoirs, mais considère que le juge judiciaire reste néanmoins « compétent pour apprécier les fautes commises par l’employeur pendant la période antérieure au licenciement et notamment l’existence d’une discrimination syndicale » en vue d’indemniser le préjudice éventuellement subi (Cass. Soc. 17 janvier 2024, n°22-20.778).
CONVENTION DE FORFAIT-JOURS : La convention individuelle de forfait en jours conclue à défaut d’accord collectif doit respecter les dispositions supplétives sous peine de nullité.
En l’absence d’accord collectif, une convention individuelle peut être valablement conclue. L’employeur doit alors respecter les dispositions supplétives prévues par l’article L. 3121-65 du Code du travail et s’assurer de leur effectivité. Dans un arrêt du 10 janvier 2024, la Cour de cassation juge qu’en cas de « manquement à l’une de ces obligations, l’employeur ne peut se prévaloir du régime dérogatoire ouvert par l’article L. 3121-65 du code du travail. Il en résulte que la convention individuelle de forfait en jours conclue, alors que l’accord collectif ouvrant le recours au forfait en jours ne répond pas aux exigences de l’article L.3121-64, II, 1° et 2°, du même code, est nulle ». L’arrêt rappelle que l’employeur doit être en mesure de « s’assurer que la charge de travail était compatible avec le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire » (Cass. Soc. 10 janvier 2024, n°22-15.782).
LOYAUTE DE LA PREUVE : Irrecevabilité de l’enregistrement audio qui n’était pas indispensable dans l’exercice du droit à la preuve.
Dans la droite ligne de sa nouvelle jurisprudence issue des arrêts rendus le 22 décembre 2023 (Ass. plén. 22 décembre 2023, n°20-20.648), la Cour de cassation rappelle que dorénavant, « l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats ». La preuve pourra être utilisée à condition que sa « production soit indispensable […]et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ». En l’espèce, d’« autres éléments de preuve produits par le salarié, […] laissaient supposer l’existence d’un harcèlement moral, faisant ainsi ressortir que la production de l’enregistrement clandestin des membres du CHSCT n’était pas indispensable au soutien des demandes du salarié » (Cass. Soc. 17 janvier 2024, n°22-17.474).
CHARGE DE LA PREUVE: La charge de la preuve imposée à la victime de harcèlement moral et sexuel ne doit pas être excessive.
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) condamne la France pour violation de la liberté d’expression prévue à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. La requérante avait été condamnée devant la juridiction pénale pour diffamation publique à la suite d’allégations de harcèlement et d’agression sexuelle dirigées contre son employeur. Pour la CEDH, « les juridictions nationales, en refusant d’adapter aux circonstances de l’espèce la notion de base factuelle suffisante et les critères de la bonne foi, ont fait peser sur la requérante une charge de la preuve excessive en exigeant qu’elle rapporte la preuve des faits qu’elle entendait dénoncer ». La France doit garantir une procédure n’ayant pas d’« effet dissuasif susceptible de décourager les intéressés de dénoncer des faits aussi graves que ceux caractérisant, à leurs yeux, un harcèlement moral ou sexuel, ou une agression sexuelle » (CEDH, 5ème sect. 18 janvier 2024, n°20725/20, affaire Allée c. France).
CLAUSE DE NON-CONCURRENCE : La violation de la clause de non-concurrence par le salarié entraîne la perte définitive de la contrepartie financière.
Un salarié viole la clause de non-concurrence qui le lie à son ancien employeur. Alors que ce dernier agit afin de faire cesser l’activité concurrentielle, le salarié sollicite, quant à lui, le paiement de la contrepartie financière. La Cour de cassation rappelle que « la violation de la clause de non-concurrence ne permet plus au salarié de prétendre au bénéfice de la contrepartie financière de cette clause même après la cessation de sa violation ». Peu importe que le salarié n’ait travaillé que six mois en violation de cette clause. L’employeur n’a non plus pas à prouver, ni même alléguer « que le salarié aurait ensuite poursuivi une activité concurrente » pour suspendre le versement de la contrepartie financière (Cass. Soc. 24 janvier 2024, n°22-20.926).
INDEMNISATION CHOMAGE: Précisions sur la procédure applicable en cas de refus par un salarié d’une proposition de contrat de travail à durée indéterminée à l’issue d’un contrat précaire.
Depuis le 1er janvier 2024, lorsqu’un salarié refuse, à deux reprises, un CDI en l’espace de douze mois, celui-ci ne peut plus bénéficier de l’indemnisation chômage prévue par l’article L. 5422-1 du Code du travail. L’employeur doit, à la suite du deuxième refus, informer l’opérateur France Travail, par voie dématérialisée, dans un délai d’un mois, en précisant différentes informations relatives au poste proposé, dont la rémunération, la durée du travail et la classification. A réception de l’ensemble de ces informations, France Travail avertit le salarié des conséquences de son refus sur l’ouverture des droits à l’allocation d’assurance chômage (Décret n°2023-1307 du 28 décembre 2023, JO 29 décembre 2023).