NewsletterNewsletter n°182 – Février 2024
CONGES PAYES: Conformité à la Constitution des dispositions légales sur l’acquisition des congés payés pendant l’arrêt maladie.
Depuis le revirement opéré par les arrêts du 13 septembre 2023 (n° 22-17.638, n°22-17.340, n°22-14.043) et la remise en question par la Cour de cassation de la conformité au droit de l’Union des dispositions légales, la question de l’acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie est restée en suspens. Dans l’optique de sécuriser les dispositifs, le Conseil constitutionnel a été saisi d’une QPC portant sur la conformité des articles L.3141-5 et L.3141-3 du Code du travail aux dispositions constitutionnelles sur la santé et le droit au repos des travailleurs d’une part, et au principe d’égalité devant la loi, d’autre part. Sur le 1er point, le Conseil constitutionnel juge qu’il n’est pas contraire au droit au repos de limiter l’acquisition des congés payés aux seules périodes de suspension du contrat de travail pour cause de maladie professionnelle ou d’accident du travail, et d’en limiter le bénéfice à un an. Sur le 2ème point, le Conseil constitutionnel rappelle que « le législateur a pu prévoir des règles différentes d’acquisition » selon que la maladie ou l’accident est d’origine professionnelle ou non. Les Sages ont donc retenu la constitutionnalité des dispositions légales. Néanmoins, cela ne résout pas le problème de la contrariété entre le droit français et le droit européen, sur laquelle la position du législateur français est toujours attendue… (Cons. Const. 8 février 2024, n° 2023-1079 QPC).
LOYAUTE DE LA PREUVE: Admissibilité de la vidéosurveillance pour assurer l’exercice du droit à la preuve de l’employeur.
La Cour de cassation applique sa nouvelle jurisprudence issue des arrêts du 22 décembre 2023 (Ass. plén. 22 décembre 2023, n°20-20.648) modifiant la recevabilité des preuves déloyales. Dans cette nouvelle espèce, une société subissait des vols. Dans le dessein d’en comprendre l’origine, elle décide d’installer, pour une durée limitée, un système de vidéosurveillance sans respecter les prescriptions légales. Les images permettant d’établir que les vols étaient commis par certains salariés, l’employeur décide de les produire en justice. Afin d’analyser le caractère indispensable de la preuve, la Cour de cassation approuve la décision de la Cour d’appel d’avoir mis « en balance […] le droit de la salariée au respect de sa vie privée et le droit de son employeur au bon fonctionnement de l’entreprise, en tenant compte du but légitime […] poursuivi par l’entreprise compte tenu de la situation ». Il en ressort que « la production des données personnelles issues du système de vidéosurveillance était indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et proportionnée au but poursuivi », de telle sorte que les pièces produites étaient recevables (Cass. Soc. 14 février 2024, n°22-23.073).
IMAGE DU SALARIE: L’image du salarié ne peut pas être utilisée par l’employeur à des fins commerciales s’il n’a pas obtenu son accord préalable.
En l’espèce, la Cour de cassation juge qu’un employeur ne peut diffuser à ses clients « une plaquette de présentation des concierges, comportant une photographie du visage et une du buste de chaque concierge et des photographies collectives de ces derniers » sans recueillir, en amont, l’accord des salariés concernés. A cet égard, la Cour se fonde sur l’article 9 du Code civil, considérant que « le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation, et que la seule constatation d’une atteinte ouvre droit à réparation » (Cass. Soc. 14 février 2024, n°22-18.014).
LICENCIEMENT SANS CAUSE REELLE ET SERIEUSE: La Cour d’appel de Grenoble résiste et rejette, une nouvelle fois, le barème Macron.
Déjà connue pour ses arrêts rejetant le barème Macron (CA Grenoble, 16 mars 2023, n°21/02048), la Cour d’appel de Grenoble persiste à vouloir réparer le préjudice né d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse au-delà du barème. Eu égard à l’application directe de l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT et de l’article 24 de la Charte sociale européenne, les magistrats de la Cour d’appel considèrent que « les barèmes d’indemnisation prévus par l’article L.1235-3 du code du travail ne garantissent pas au salarié licencié de manière injustifiée […] une indemnité adéquate, il y a lieu de les écarter purement et simplement […] et d’apprécier souverainement les éléments de préjudice […] pour déterminer une indemnité adéquate réparant, […] le préjudice subi à raison du licenciement sans cause réelle et sérieuse » (CA Grenoble, 1er février 2024, n° RG 21/02004).
HEURES SUPPLEMENTAIRES: La preuve des heures supplémentaires peut être rapportée par tout moyen.
Aux termes de l’article L. 3171-2 du Code du travail, et de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’employeur doit assurer le contrôle de la durée du travail de ses salariés. A ce titre, l’employeur a l’obligation d’établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail. Dans le cadre d’un litige relatif à des rappels d’heures supplémentaires, ce dernier doit pouvoir fournir un décompte objectif et fiable, afin de justifier du contrôle des heures de travail effectuées. En l’espèce, l’employeur produisait un cahier de relevés d’heures mentionnant pour chaque jour, de manière manuscrite, les heures accomplies. La Cour de cassation précise qu’en l’absence de mise en place par l’employeur d’un système de contrôle du temps de travail, celui-ci conserve le « droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l’existence ou au nombre d’heures accomplies » (Cass. Soc. 7 février 2024, n°22-16.323).
DROIT DISCIPLINAIRE : Aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l’engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction.
Il est possible pour un employeur de se fonder sur d’anciennes sanctions prises à l’encontre d’un salarié pour appuyer une mesure de licenciement, en se cantonnant néanmoins à la limite de trois ans. En l’espèce, un employeur avait licencié un salarié en invoquant dans la lettre de licenciement une sanction prise 3 ans et 1 mois plus tôt. La Cour de cassation profite de cet arrêt pour rappeler la règle édictée à l’article L. 1332-5 du Code du travail, selon laquelle « aucune sanction antérieure de plus de trois ans à l’engagement des poursuites disciplinaires ne peut être invoquée à l’appui d’une nouvelle sanction » (Cass. Soc. 14 février 2024, n°22-22.440).
DUREE DU TRAVAIL: Le non-respect de la durée maximale de travail cause nécessairement préjudice au salarié.
L’article L.4121-1 du Code du travail prévoit la mise en place, par l’employeur, de mesures permettant d’assurer la sécurité et de protéger la santé des salariés. Des conventions ou accords collectifs peuvent mettre en place des durées minimales de repos que l’employeur se doit de respecter. A défaut, le seul manquement à ces dispositions entraîne un préjudice automatique pour le salarié, lui ouvrant « droit à réparation ». C’est ce qui ressort d’un arrêt rendu le 7 février 2024 par la Cour de cassation, selon lequel « le seul constat que le salarié n’a pas bénéficié du repos journalier de douze heures entre deux services ouvre droit à réparation » (Cass. Soc. 7 février 2024, n°21-22.809).