NewsletterNewsletter n°183 – Mars 2024
ACCORD COLLECTIF ET UES: L’accord modifiant le périmètre d’une UES n’est pas un accord interentreprises.
Au sens des articles L. 2313-9 et L. 2232-36 et suivants du Code du travail, l’accord modifiant le périmètre d’une UES n’est pas un accord interentreprises. Dès lors, doivent être invités à la négociation l’ensemble des syndicats représentatifs des entités du périmètre concerné, et non les seuls syndicats représentatifs sur l’ensemble du périmètre couvert (Cass. Soc. 6 mars 2024, n° 22-13.672).
LICENCIEMENT D’UN SALARIE EXPATRIE: Les sommes dues à un salarié expatrié, dont le licenciement est prononcé sans cause réelle et sérieuse, doivent être calculées par référence aux salaires perçus par celui-ci dans son dernier emploi.
Au regard des dispositions de l’article L. 1231-5 du Code du travail, lorsqu’un salarié est licencié par une filiale étrangère et que la société mère ne le réintègre pas, « l’indemnité compensatrice de préavis, l’indemnité conventionnelle de licenciement, les salaires dus au titre de l’allocation de congé de reclassement et les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse auxquels le salarié peut prétendre doivent être calculés par référence aux salaires perçus par celui-ci dans son dernier emploi, nonobstant les stipulations contractuelles et les dispositions de la convention collective applicable moins favorables que la règle légale ». En l’espèce, les sommes dues au salarié devaient donc être calculées sur la base du salaire d’expatriation au Maroc (Cass. Soc. 6 mars 2024, n°22-19.879).
RUPTURE CONVENTIONNELLE : La signature d’une convention de rupture conventionnelle le jour même de l’entretien n’entraîne pas la nullité de la convention.
L’article L. 1237-12 du Code du travail n’instaure pas de délai entre l’entretien au cours duquel les parties conviennent de la rupture du contrat de travail et la signature de la convention de rupture. La Cour de cassation juge que « la cour d’appel, qui a constaté que l’entretien avait eu lieu avant la signature de la convention de rupture et écarté tout vice du consentement, a légalement justifié sa décision » (Cass. Soc. 13 mars 2024, n°22-10.551).
PRESCRIPTION: La prescription applicable à une créance dépend de son objet.
Il est de jurisprudence constante que la prescription dépend de la créance objet du litige (voir notamment le 1er arrêt sur cette question : Cass. Soc. 19 décembre 2018, n° 16-20.522). En l’espèce, la Haute juridiction considère que la demande d’un salarié tendant à la requalification de son contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet s’analyse en une réclamation en paiement de salaire. Par conséquent, «la durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l’action en paiement d’un rappel de salaire fondée sur la requalification d’un contrat de travail intermittent en contrat de travail à temps complet est soumise à la prescription triennale prévue par l’article L. 3245-1 du Code du travail» (Cass. Soc. 13 mars 2024, n°22-14.004).
HARCELEMENT SEXUEL: Le comportement à connotation sexuelle d’un salarié ayant connu une carrière irréprochable rend impossible son maintien dans l’entreprise.
La Cour de cassation juge que le fait d’envoyer des messages et d’adresser des propositions à connotation sexuelle à des subordonnées constitue des faits de harcèlement sexuel, dans la mesure où de tels messages créent une situation intimidante ou offensante. Ainsi, la Haute juridiction retient que de tels agissements constituaient une faute grave, peu important l’ancienneté et l’absence d’antécédents disciplinaire du salarié. La Cour nuance toutefois sa position en ce qui concerne la rémunération variable réclamée par le salarié : «ayant retenu à l’encontre du salarié un comportement déplaisant, déplacé, habituel et totalement inadapté pour un salarié ayant une position de responsabilité vis-à-vis des jeunes femmes contactées, comportement qu’elle a qualifié d’inapproprié, soit un comportement sans lien direct et étroit avec une activité professionnelle d’investissement à risques, la cour d’appel en a exactement déduit que ce comportement ne caractérise pas le défaut de respect des exigences d’honorabilité prévu par les dispositions légales ni le comportement professionnel à risque allégué » (Cass. Soc. 13 mars 2024, n°22-20.970).
LICENCIEMENT ET VIE PRIVEE DU SALARIE : Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut en principe justifier un licenciement disciplinaire.
La Cour de cassation confirme sa jurisprudence constante, selon laquelle l’employeur ne peut, pour procéder au licenciement d’un salarié, se fonder sur le contenu de messages, qui, « même s’ils avaient été envoyés au moyen de la messagerie professionnelle, relèvent de la vie personnelle du salarié dès lors, d’une part, que ces messages s’inscrivaient dans le cadre d’échanges privés, à l’intérieur d’un groupe de personnes, et n’avaient pas vocation à devenir publics, d’autre part, que les opinions exprimées par la salariée n’avaient eu aucune incidence sur son emploi ou ses relations avec les usagers ou ses collègues et qu’il n’est pas établi qu’ils auraient été connus en dehors du cadre privé » (Cass. Soc. 6 mars 2024, n°22-11.016).
LICENCIEMENT POUR INAPTITUDE: L’employeur peut licencier un salarié déclaré inapte s’il justifie du refus par celui-ci d’un emploi conforme aux préconisations du médecin du travail.
Conformément aux articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du Code du travail, l’employeur est considéré comme ayant respecté l’obligation de reclassement qui lui incombe lorsqu’il licencie un salarié déclaré inapte et que celui-ci refuse un emploi pourtant conforme aux préconisations du médecin du travail. En l’espèce, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel « qui juge dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude d’un salarié qui avait refusé un poste à mi-temps, conforme aux préconisations du médecin du travail, proposé par l’employeur au motif qu’il entraînait, par la baisse de rémunération qu’il générait, une modification de son contrat de travail que le salarié pouvait légitimement refusé » (Cass. Soc, 13 mars 2024, n°22-18.758 ).
RESILIATION JUDICIAIRE: La charge de la preuve du respect de l’obligation de sécurité repose sur l’employeur en cas de résiliation judiciaire.
Aux termes de l’article 1353 du Code civil, il appartient au salarié, dans le cadre d’une demande en résiliation judiciaire, de prouver les manquements qu’il impute à son employeur. Or, la Cour de cassation entend consacrer une exception à ce principe, considérant désormais que, dans le cadre d’une résiliation judiciaire fondée sur un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, la charge de la preuve est inversée : « lorsque le salarié invoque un manquement de l’employeur aux règles de prévention et de sécurité à l’origine de l’accident du travail dont il a été victime, il appartient à l’employeur de justifier avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail » (Cass. Soc. 28 février 2024, n°22-15.624).