NewsletterNewsletter n°185 – Mai 2024
ACCORD DE SUBSTITUTION: Un accord de substitution peut s’appliquer rétroactivement, dès lors qu’il ne prive pas le salarié des droits qu’il tient de la loi.
À la suite d’un transfert d’entreprise, un accord de substitution prévoyait de mettre fin de manière rétroactive à la grille de rémunération fixée par l’accord collectif mis en cause. Un salarié dont le contrat de travail avait été transféré a saisi la juridiction prud’homale, considérant que les dispositions de l’accord collectif mis en cause auraient dû perdurer durant l’année suivant le terme du préavis légal. Compte tenu du fait qu’en l’espèce ni le montant de la rémunération, ni sa structure n’étaient modifiés, la Cour de cassation déboute le salarié de ses prétentions, au motif « qu’un accord de substitution peut prévoir des dispositions rétroactives à la date de la mise en cause de la convention ou de l’accord antérieur dès lors que ces dispositions ne privent pas un salarié des droits qu’il tient de la loi, notamment des dispositions de l’article L. 2261-14, alinéa 1er, du code du travail, ou du principe d’égalité de traitement pour une période antérieure à l’entrée en vigueur de l’accord de substitution » (Cass. Soc, 15 mai 2024, n°22-17.195).
PROCEDURE DISCIPLINAIRE: Lorsque des règles statutaires ou conventionnelles le prévoient, la saisine d’un Conseil de discipline interrompt le délai d’un mois pour notifier la sanction disciplinaire.
L’article L.1332-2 du Code du travail dispose qu’une sanction disciplinaire doit être prononcée dans le mois suivant la tenue de l’entretien préalable. En l’espèce, une salariée d’Air France, convoquée à un entretien préalable à une sanction disciplinaire avait été informée, quinze jours plus tard, de la saisine du conseil de discipline, conformément à la convention collective du personnel au sol de la compagnie. La salariée a refusé cette saisine et a été licenciée pour faute grave plus d’un mois après l’entretien. Par la suite, la salariée a contesté son licenciement, arguant que le délai d’un mois n’avait pas été respecté. La Haute juridiction rejette son argumentation, considérant que l’employeur peut dépasser le délai d’un mois fixé par l’article L. 1332-2 du Code du travail, pour consulter un organisme de discipline, dès lors que le salarié est informé de cette saisine avant l’expiration du délai. En cas de refus du salarié, un nouveau délai d’un mois commence à partir de ce refus (Cass. Soc., 2 mai 2024, n°22-18.450).
ACCIDENTS DU TRAVAIL: Constitue un accident du travail le décès d’un salarié à son domicile dû à un infarctus survenu pendant ses heures de télétravail.
Se fondant sur les dispositions des articles L. 411-1 du Code de la sécurité sociale et de l’article 21 de l’ordonnance n° 2017-1387, la Cour d’appel de Nîmes juge que l’accident survenu sur le lieu de télétravail et durant les heures de travail est présumé être un accident du travail. En effet, la Cour d’appel considère qu’« étant survenu au temps et au lieu de travail, l’accident dont [V] [N] a été victime bénéficie de la présomption d’imputabilité au travail. La Sarl [4] ne produit aucun élément de nature à combattre utilement cette présomption. C’est à bon droit que les premiers juges ont considéré que [V] [N] a été victime d’un accident du travail qui a conduit à son décès et qu’il a été pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire » (CA Nîmes, 2 mai 2024, n°23/00507).
PREUVE DE LA DISCRIMINATION: L’impossibilité matérielle d’un employeur à prendre en compte le statut de travailleur handicapé d’un salarié et à proposer les aménagements nécessaires ne constitue pas, en soi, une discrimination.
Dans un arrêt rendu en formation plénière, la Cour de cassation rappelle que le juge, saisi d’une action au titre de discrimination en raison du handicap, doit, en premier lieu, rechercher si le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination, tels que le refus, même implicite, de l’employeur de prendre des mesures concrètes et appropriées d’aménagements raisonnables éventuellement sollicitées par le salarié ou préconisées par le médecin du travail ou par le comité social et économique. Ce n’est qu’en second lieu que le juge sera tenu de rechercher « si l’employeur démontre que son refus de prendre ces mesures est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison du handicap, tenant à l’impossibilité matérielle de prendre les mesures sollicitées ou préconisées ou au caractère disproportionné pour l’entreprise des charges consécutives à leur mise en œuvre » (Cass. Soc., 15 mai 2024, n°22-11.652).
ARRETS DE TRAVAIL: L’exercice d’une activité sportive durant un arrêt de travail, sans autorisation expresse et préalable, entraîne la perte des indemnités journalières.
Dans un arrêt du 16 mai 2024, la Cour de cassation rappelle, conformément aux dispositions de l’article L.323-6 du Code de la sécurité sociale, que le salarié en arrêt de travail qui pratiquerait une activité physique et sportive, sans autorisation expresse et préalable du médecin prescripteur, perd son droit de percevoir les indemnités journalières et doit, le cas échéant, rembourser les sommes perçues. La délivrance d’une autorisation expresse, mais postérieure à l’arrêt de travail, est insuffisante pour éviter la perte desdites indemnités (Cass. Soc., 16 mai 2024, n°22-14.402).
DROIT DE RETRAIT: L’employeur peut effectuer une retenue salariale, dès lors qu’il estime abusif l’exercice du droit de retrait.
Dans un arrêt du 22 mai 2024, la Cour de cassation juge que, lorsque les conditions de l’exercice du droit de retrait ne sont pas réunies, l’employeur peut procéder à une retenue sur salaire envers le salarié sans être tenu de saisir préalablement le juge du bien-fondé de l’exercice de ce droit par le salarié. L’employeur est ainsi libre de procéder à une retenue sur salaire, dès lors qu’il estime abusif l’exercice du droit de retrait. Néanmoins, les juges pourront, tel au cas d’espèce, être saisis a posteriori, afin de juger l’appréciation faite par l’employeur du bien-fondé de l’exercice du droit de retrait (Cass. Soc., 22 mai 2024, n°22-19.849).
INAPTITUDE: Le délai de prescription de l’action en paiement des salaires court à compter de la date d’exigibilité de chacune des créances de salaire dues.
Dans un arrêt du 7 mai 2024, la Cour de cassation juge que le délai de prescription triennale de l’action en paiement des salaires, dont le versement doit être repris par l’employeur à partir de l’expiration du délai d’un mois suivant la déclaration d’inaptitude, court à compter de la date d’exigibilité de chacune des créances de salaire dues jusqu’à la rupture du contrat de travail. Elle considère ainsi que pour les salariés payés de manière mensuelle, « la date d’exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l’entreprise et concerne l’intégralité du salaire afférent au mois considéré ». Cette solution, retenant une prescription glissante, est conforme à la jurisprudence antérieure (Cass. Soc., 24 avril 2013, n°12-10.196), la Cour de cassation ayant déjà précisé que le point de départ de la prescription est la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible (Cass. Soc., 7 mai 2024, n°22-24.394).