NewsletterNewsletter n°186 – Juin 2024
OBLIGATION DE LOYAUTE: La liaison entre une représentante du personnel et le responsable RH constitue un manquement à l’obligation de loyauté justifiant le licenciement de ce dernier.
Dans un arrêt du 29 mai 2024, la Cour de cassation juge qu’un responsable de site en charge des ressources humaines qui entretient une relation intime et cachée avec une salariée détenant des mandats syndicaux et de représentation du personnel manque à son obligation de loyauté, justifiant ainsi son licenciement pour faute grave. En effet, la Cour de cassation rappelle qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. Tel est le cas en l’espèce, puisque « en dissimulant cette relation intime, qui était en rapport avec ses fonctions professionnelles et de nature à en affecter le bon exercice, le salarié avait manqué à son obligation de loyauté à laquelle il était tenu envers son employeur et ce manquement rendait impossible son maintien dans l’entreprise, peu important qu’un préjudice pour l’employeur ou pour l’entreprise soit ou non établi » (Cass. Soc, 29 mai 2024, n°22-16.218).
MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL: Un salarié en charge d’un enfant en situation de handicap peut légitimement refuser un changement d’horaire.
Dans un arrêt du 29 mai 2024, la Cour de cassation rappelle qu’un salarié peut légitimement refuser une modification de son contrat, lorsque cette modification porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie personnelle et familiale. Tel est le cas en l’espèce, où un salarié avait refusé la proposition de son employeur de passer d’un horaire de nuit à un horaire de jour, en raison de la charge d’un enfant lourdement handicapé. Cette raison avait été estimée insuffisante par l’employeur, qui avait alors procédé à son licenciement. La Cour de cassation considère au contraire que cette charge constitue une « obligation familiale impérieuse », justifiant le refus du changement d’horaire. Le licenciement prononcé par l’employeur est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. Soc, 29 mai 2024, n°22-21.814).
PREUVE ET ACCIDENT DU TRAVAIL: Un enregistrement déloyal peut être considéré comme recevable pour permettre au salarié de faire reconnaître un accident du travail et une faute inexcusable.
Dans un arrêt du 6 juin 2024, la Cour de cassation fait application de sa nouvelle jurisprudence concernant la recevabilité d’une preuve déloyale dans une instance civile (Cass. AP, 22 décembre 2023, n°20-20.648). En l’espèce, pour demander la reconnaissance d’un accident du travail et d’une faute inexcusable, un salarié avait produit un enregistrement de l’altercation avec son employeur, réalisé à l’insu de celui-ci, ainsi que sa retranscription par un huissier de justice. La Cour de cassation a admis la recevabilité de cette preuve, pourtant déloyale, au motif qu’elle satisfaisait aux deux conditions posées dans son arrêt de 2023 : la preuve était indispensable au bon exercice du droit à la preuve et elle était proportionnée au but poursuivi. En effet, sans l’enregistrement et sa retranscription, les éléments étaient insuffisants pour démontrer que les blessures du salarié trouvaient leur origine dans l’altercation avec l’employeur (certificats médicaux et dépôts de plainte). De même, l’atteinte à la vie privée subie par l’employeur n’était pas disproportionnée, la Cour d’appel ayant constaté que l’altercation était intervenue dans un lieu ouvert au public (Cass. Soc, 6 juin 2024, n°22-11.736).
RUPTURE CONVENTIONNELLE: La dissimulation intentionnelle par le salarié d’une information déterminante du consentement de l’employeur entraîne la nullité de la rupture conventionnelle pour vice du consentement.
Dans un arrêt du 19 juin 2024, la Cour de cassation confirme la nullité d’une rupture conventionnelle pour vice du consentement de l’employeur. En effet, elle estime que la dissimulation intentionnelle faite par le salarié à l’employeur d’une information déterminante de son consentement (à savoir son projet d’exercer une activité concurrentielle à son employeur) en vue de signer une rupture conventionnelle entraîne la nullité de celle-ci en raison d’un vice du consentement. La Cour de cassation ajoute, de manière inédite, que l’annulation de la rupture conventionnelle pour vice du consentement de l’employeur produit les effets d’une démission. Le salarié devra donc restituer à son ancien employeur l’indemnité de rupture conventionnelle, ainsi qu’une indemnité compensatrice pour le préavis qu’il n’a pas effectué. (Cass. Soc, 19 juin 2024, n°23-10.817)
LICENCIEMENT ECONOMIQUE: La faute de l’employeur à l’origine des difficultés économiques prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.
Dans un arrêt du 29 mai 2024, la Cour de cassation rappelle que, lorsque les difficultés économiques invoquées à l’appui d’un licenciement résultent d’agissements fautifs de l’employeur, le licenciement est alors dépourvu de cause réelle et sérieuse. En l’espèce, les difficultés économiques étaient certes établies, mais elles étaient consécutives à une décision de l’employeur d’installer une partie de son activité sans l’autorisation administrative nécessaire. Cette décision relevant de sa seule compétence et de sa seule responsabilité, les difficultés économiques résultaient donc bien d’agissements fautifs, privant ainsi le licenciement de cause réelle et sérieuse. (Cass. Soc, 29 mai 2024, n°22-10.654)
INDEMNITE DE LICENCIEMENT: Le mi-temps thérapeutique doit être neutralisé pour le calcul des indemnités de licenciement.
Dans un arrêt du 12 juin 2024, la Cour de cassation rappelle que les périodes de travail réalisées dans le cadre d’un temps partiel thérapeutique doivent, sous peine de discrimination à raison de l’état de santé du salarié, être neutralisées pour le calcul des indemnités de licenciement. Elle précise alors que, dans ce cadre, le salaire de référence à prendre en compte est celui que le salarié percevait avant son passage à temps partiel et, le cas échéant, avant l’arrêt maladie l’ayant précédé. (Cass. Soc, 12 juin 2024, n°23-13.975) .
FORFAIT-JOURS ET SYNTEC: Extension de l’avenant du 13 décembre 2022.
A compter du 1er juillet 2024, l’avenant n°2 du 13 décembre 2022 concernant le forfait-jours sera applicable à l’ensemble des entreprises soumises à la convention collective SYNTEC. L’avenant prévoit plusieurs nouveautés. D’une part, il élargit le champ d’application des bénéficiaires du forfait-jours :cette possibilité est désormais ouverte aux cadres relevant de la position 2.3 et percevant un salaire au moins égal à 122% du salaire minimal applicable à leur classification. D’autre part, seul un entretien par an est désormais obligatoire pour assurer le suivi des salariés au forfait. Enfin, les entreprises de plus de 250 salariés devront nommer un référent à la déconnexion chargé de sensibiliser les salariés et les employeurs aux enjeux de cette dernière (Arrêté du 12 juin 2024, JO 20 juin 2024).